Qu'est-ce qu'on y gagne?

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J’habite le rang des Cavaliers depuis toujours et j’y exploiterai prochainement mon entreprise maraîchère. Je suis trop jeune pour avoir connu l’exploitation minière, et tout ce que je connais de ce milieu, c’est sa tranquillité. C’est un milieu de vie exceptionnel bercé par le bruissement des peupliers faux-trembles et ampli de l’odeur des sapins baumiers. Il offre un paysage campagnard et de beaux lacs en plus d’une vue magnifique sur les collines Kékéko. Les habitant.e.s y sont bien.

Il y a quelques années, l’exploration minière a débuté, forant par-ci, par-là, avec l’autorisation, parfois sans pleine conscience des conséquences, des propriétaires terriens. La mauvaise gestion des inconvénients liés à cette activité a laissé un goût amer aux personnes touchées. Et maintenant, alors qu’un projet minier pointe, il est tout à fait normal qu’une certaine réticence et une inquiétude grandissante habitent les résident.e.s.

Malgré toutes les belles intentions de l’entreprise minière, auxquelles je crois, naïvement peut-être, je ne me sens pas équipée pour surveiller un tel chantier. Et c’est pourtant ce que nous impose ce projet. Car aucun support ministériel n’a été offert aux citoyens. Je suis inquiète concernant :

  • les réserves d’eau potable et l’hydrogéologie régulant le niveau des lacs

  • les bruits et les vibrations qui découleront de l’exploitation sous nos pieds et de la manutention sur l’aire des infrastructures de surface.

  • la validité des engagements du promoteur actuel dans l’éventualité d’un rachat

  • la gestion du site et de ses rejets (pollution du sol, de l’eau et de l’air)

  • la remise en état à la fermeture du projet, du territoire visé

  • la fracturation sociale liée à la polarisation des opinions face au projet

  • l’altération du paysage

  • etc.

Bref, je nage dans l’incertitude et deux options s’offrent à moi. Je peux faire aveuglément confiance aux promesses et aux assertions du promoteur OU réaliser une recherche exhaustive et devenir une experte dans chacun des domaines liés au projet, assister à chaque rencontre, lire chaque publication, observer toutes les étapes de réalisation et rédiger des plaintes concernant tous les non-respects observés. Une belle grosse tâche à temps plein sûrement bien enrichissante, mais moi, j’ai envie d’être maraîchère.

L'absence de support citoyen chronique qui affecte nos structures gouvernementales est une honte pour notre société. Plutôt que de rechercher une « acceptabilité sociale » suivant le principe du consentement libre et éclairé, il force plutôt une majorité de citoyen.e.s à accepter, sans même comprendre, des projets déjà glorifiés par le gouvernement.

 

Réflexion plus large

L’Abitibi-Témiscamingue est une région dont la création repose beaucoup sur l’exploitation minière et forestière et sans ignorer ce passé extractiviste, je crois qu’il est temps de rechercher un développement qui soit plus durable. On dit souvent de ne pas mettre ses œufs dans le même panier et on le comprend très bien ici, car à chaque fois qu’une entreprise minière ou forestière a dû cesser ses activités, le coup porté était très dur. La leçon me semble évidente. Il faut cesser de laisser toute la vie d’une communauté reposer sur une seule et même activité dont la viabilité ne repose nullement entre nos mains et dont la volatilité est bien connue.

Le développement de projets devrait également avoir d’autres visées que la simple recherche du profit et la création d’emplois. Est-ce la seule ambition de notre société que de pourvoir des emplois pour occuper nos gens?

Sans remettre en doute le fait que les emplois assure un salaire permettant de faire vivre les travailleur.se.s et qu’avec les impôts, l’État peut offrir de services à la société, un projet devrait apporter davantage à sa communauté. Il devrait servir à quelque chose.

Si on examine les projets aurifères dans leur ensemble, leur but est d’exploiter de l’or. Cet or, dont on clame utiliser les vertus dans le secteur de la technologie grandissant n’est en vérité utilisé qu’en faible proportion (7,6%, en 2018¹). À quoi sert la majorité des ressources en or que nous exploitons à grands coups d’impacts sur le milieu dans lequel vivent les communautés avoisinantes? À rien! En effet, 41,4% des ressources en or seront achetées par les banques centrales ou par des investisseurs¹ pour être stockées, comme le bon vieux Gripsou. Et le reste, pour la joaillerie. En quoi cette ressource, exploitée à grands frais, appuie le développement de la qualité de vie de nos sociétés, je me le demande!

Ainsi, je ne me positionne pas contre ce projet minier, mais j’aimerais qu’on m’apporte la preuve que tout ce dérangement, tout ce temps et ces efforts investis par l’entreprise, le gouvernement et les citoyens, servira réellement notre société et pas seulement à occuper nos mains de travailleur.se.s et enrichir une poignée de fortuné.e.s.

 

Un projet ne devrait pas être un sacrifice nécessaire, le temps des martyres est révolu, on peut faire grandir la société autrement.

 

Référence
(1) Ressources naturelles Canada. (s.d.) Faits sur l’or, Faits sur les minéraux et les métaux, Minéraux et exploitation minière, Nos ressources naturelles. https://www.rncan.gc.ca/our-natural-resources/minerals-mining/faits-sur-lor/20587#L1

 

Submitted by
Gabrielle Bruneau
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Planning
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Public Notice - Public Comments Invited on a Summary of the Initial Project Description
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Purpose of the Project General support of project Local Population
Date Submitted
2020-08-25 - 11:58 AM
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