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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

11 Mammifères marins

L'évaluation de la VBNC porte essentiellement sur les mammifères marins désignés comme composantes valorisées de l'écosystème. Se trouvant à l'extrémité de la chaîne alimentaire, le phoque est considéré comme un indicateur de l'intégrité écologique de la région de Landscape. Le phoque du Groenland, le phoque annelé, le phoque commun et le phoque barbu ont tous été désignés composantes valorisées de l'écosystème. Le phoque du Groenland et le phoque annelé ont une valeur culturelle et ils constituent un aliment important pour les habitants; ils ont également une valeur marchande. Le petit rorqual est la baleine la plus commune de la région. Le bélouga et l'ours polaire sont des espèces ayant un statut spécial de conservation qui leur a été conféré par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada. La route maritime proposée traverse l'aire d'activités de tous ces mammifères marins.

En vertu de la Loi sur les pêches, le ministère des Pêches et des Océans du Canada est responsable de la gestion des mammifères marins. Aucune disposition ne prévoit la surveillance de la conformité des activités proposées du projet pour déterminer leurs répercussions sur les mammifères marins.

La Loi sur la protection de la faune confère à la Direction générale des forêts et de la faune de la province les responsabilités liées à la gestion des ours polaires. Aucune disposition ne prévoit la surveillance de la conformité des activités proposées du projet pour déterminer leurs répercussions sur les ours polaires.

11.1 Phoques et baleines

11.1.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC a mené de nombreuses études sur les mammifères marins; elle a notamment étudié, au printemps, les aires de mise bas des phoques, dans le voisinage de la route maritime, ainsi que dans les baies intérieures et les îles situées à proximité de l'emplacement du projet. La société minière a modélisé les bruits sous-marins pour évaluer les effets éventuels du transport sur les phoques annelés.

Pendant l'été, la population de phoques du Groenland est nombreuse le long de la route maritime, mais elle ne l'est pas dans la région de Landscape pendant la période des glaces. Seule une faible partie de la population du Nord-Ouest de l'Atlantique se trouve dans cette région, quelle que soit la période de l'année. Les phoques annelés, également abondants le long de la route maritime, sont présents dans la région de Landscape à longueur d'année. Les études menées au printemps indiquent que les phoques annelés sont particulièrement abondants à l'est de la baie Voisey et au sud de la route maritime, une zone que l'on croit être une vaste aire de reproduction. La VBNC a constaté de fortes densités le long de la route maritime à proximité de la lisière des glaces et des densités plus faibles dans les baies. Les phoques annelés pratiquent des trous d'air dans les banquises et se rassemblent le long des lisières des glaces. Les polynies, les lisières des bancs de glace et les chenaux dans la glace constituent leur principal habitat. Durant la saison des eaux libres, les phoques annelés vont se nourrir dans les baies.

Les phoques barbus et les phoques communs vivent toute l'année dans la région de Landscape. Les phoques barbus se nourrissent sur les fonds et sont peu nombreux dans les eaux libres et les zones partiellement recouvertes de glace. Les phoques communs se nourrissent de poissons et ne migrent pas; on pense qu'ils hivernent là où les courants empêchent la formation de glace. La mise bas aurait vraisemblablement lieu en juin près du littoral.

Les petits rorquals sont migrateurs et vivent rarement dans la région de Landscape en hiver. Ils se nourrissent de poissons et de crustacés près des côtes. Au printemps, les bélougas apparaissent sporadiquement le long du littoral nord du Labrador, jusqu'à Makkovik au sud, surtout aux lisières des banquises côtières. Ils appartiennent à au moins deux populations distinctes, celle de la baie d'Ungava et celle du sud-est de l'Ile de Baffin et de la baie Cumberland, dont les parcours ont été choisis par la VBNC comme zone d'évaluation du petit rorqual. Le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada classe ces deux mammifères parmi les espèces menacées de disparition.

Selon la VBNC, les effets éventuels du projet sur les mammifères marins seront tels que décrits ci-après.

Bruit

La circulation maritime, les aéronefs et les travaux de construction l'emplacement portuaire sont les principales sources de bruit. La modélisation réalisée par la VBNC indique que les phoques annelés sont capables de détecter le bruit dans l'eau à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres de la source. Les phoques éprouvent parfois une diminution temporaire de la sensibilité auditive à moins de 100 mètres d'un navire naviguant dans les glaces; à une distance de 500 à 700 mètres du navire, ils adoptent un comportement d'évitement. L'étude d'impact environnemental indique une réaction similaire chez les baleines, sans toutefois en préciser les raisons ni les espèces qui réagissent ainsi. L'étude ajoute cependant que chez les bélougas, le comportement d'évitement peut se manifester des dizaines de kilomètres des voies de circulation des grands navires. La VBNC distingue deux effets éventuels du trafic maritime sur les phoques et les baleines : réaction temporaire de déplacement et réception amoindrie des signaux en raison des effets de masque. Les répercussions du bruit des aéronefs dans le milieu marin sont hautement locales et passagères; toutefois, lorsque les appareils volent à des altitudes inférieures à 500 mètres, on rapporte des réactions de sursaut et d'évitement chez les phoques qui se trouvent à la surface de la banquise ou de l'eau, ou encore sur les plages. Les phoques et les baleines resteront vraisemblablement moins longtemps dans l'anse à Edward ou l'éviteront carrément, surtout durant les travaux de construction. La VBNC prévoit que seul un faible pourcentage de ces populations sera temporairement touché par le bruit et ce, dans les zones non vulnérables.

Perturbation des glaces

L'expérience acquise à d'autres endroits laisse à penser que les phoques sont parfois attirés vers les sillons tracés dans les glaces par les navires ou qu'ils les évitent. Le projet risque de chasser les phoques de l'anse Edward pendant l'hiver. Les collisions mortelles pourraient se produire seulement si les phoques ne pouvaient plus fuir. Ce qui est peu probable, car les phoques sont souples et pratiquent plusieurs trous dans la glace. Ils risquent d'être plus vulnérables durant la mise bas, mais selon la VBNC, il n'y a pas de trafic maritime durant cette période. Le risque que la navigation provoque l'effondrement des charnières de glace est faible et, le cas échéant, cela ne toucherait qu'un infime pourcentage des mammifères marins.

Durant la saison hivernale, les baleines ne fréquentent pas la région de Landscape; elles ne seraient donc pas dérangées par la circulation maritime.

Accidents

Les déversements d'hydrocarbures constituent le seul risque d'accident susceptible de nuire aux phoques et aux baleines. Les mammifères risqueraient d'être touchés directement par les hydrocarbures ou de se nourrir de proies mazoutées. La majorité réussirait cependant à éviter la nappe de pétrole. Les plus vulnérables sont les phoques communs parce qu'ils ont l'habitude de se tenir le long du littoral et celui-ci risque d'être souillé par le pétrole. Les phoques annelés seraient vulnérables durant la mise bas, mais la VBNC affirme qu'il n'y a pas de navigation durant cette période. Les phoques et les baleines peuvent tolérer l'ingestion de faibles quantités de pétrole parce qu'ils arrivent à métaboliser les hydrocarbures et, dans le cas des baleines, parce que leurs fanons ne sont pas endommagés. Même si la nappe de pétrole touchait un certain nombre de phoques ou de baleines, les répercussions ne seraient donc pas mortelles et seule une petite partie d'entre eux en souffrirait.

Un déversement de concentrés exposerait les mammifères marins aux concentrations élevées de nickel et de cuivre présentes dans les espèces-proies; cependant, la VBNC affirme que, en se fondant sur leur capacité de réguler leurs propres concentrations de ces métaux, les mammifères marins n'en souffriraient pas.

En s'appuyant sur la modélisation des contaminants (voir le chapitre 7), la VBNC affirme que la bioaccumulation de métaux chez les mammifères marins ne produirait aucun effet néfaste.

La VBNC propose les mesures d'atténuation suivantes :

  • prévoir des mesures d'atténuation des effets sur la rupture des glaces, ainsi qu'un calendrier de navigation restreint;
  • contrôler le trafic maritime et prévoir des aides à la navigation le long de la route maritime pour assurer la sécurité de la navigation et réduire le risque d'accidents susceptibles d'avoir un impact sur les mammifères marins;
  • mener des études pour détecter la présence de mammifères marins avant de procéder au dynamitage du chantier portuaire;
  • former le personnel du site pour qu'il soit en mesure de gérer les rencontres avec les mammifères de manière à atténuer les perturbations;
  • élaborer des plans d'urgence en cas de déversement d'hydrocarbures.

Selon la VBNC, les activités de construction et d'exploitation, de même que les accidents n'auront guère d'effets résiduels sur les phoques et les baleines, et la désaffectation des installations aura une incidence négligeable. La société minière prévoit en outre que les effets résiduels sur les bélougas seront négligeables durant toutes les phases du projet.

11.1.2 Préoccupations du gouvernement et du public

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a formulé des réserves quant à l'ampleur de l'étude et à la méthode choisie par la VBNC et quant la validité de son évaluation et de ses prévisions. Il laisse entendre que la taille de la zone d'évaluation est insuffisante puisqu'elle ne couvre pas la banquise au large des îles, qui constitue un important habitat pour certaines espèces, dont les phoques barbus. Le ministère s'interroge sur la pertinence de mesurer l'importance de l'impact en se fondant sur les effets qui seraient causés sur les niveaux de population. Le ministère accepte les chiffres avancés à cet égard dans l'étude d'impact environnemental, mais il soutient que de graves problèmes pourraient se poser à l'échelle régionale, comme l'épuisement ou l'évitement localisé.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a déploré le manque de renseignements au sujet des mammifères marins; à son avis, cette information est nécessaire pour établir un point de référence ou une base d'analyse; l'incertitude pose donc un grave problème sur lequel la VBNC ne s'est pas suffisamment penchée avant de formuler ses prévisions. Cette lacune en matière de renseignements de base concerne l'absence de certaines données sur les populations : définition, abondance, structure, dynamique et besoins cruciaux pour leur évolution biologique, surtout en ce qui concerne les phoques annelés qui y vivent en permanence et qui seront éventuellement les plus exposés aux perturbations causées par le projet. Même si la société minière prévoit que le projet n'aura qu'un impact négligeable, le ministère des Pêches et des Océans du Canada craint que l'intensification de l'activité industrielle dans la région ne soit néfaste à long terme et déplore que le processus d'évaluation environnementale ne propose aucun moyen efficace pour régler ce problème.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a reconnu le fait que la VBNC avait effectué un travail de recherche considérable, mais il a maintenu qu'elle n'a pas interprété les résultats dans leur contexte. A son avis, la société minière n'a pas approfondi ses recherches sur les endroits de productivité potentielle qui pourraient être névralgiques, telles les lisières des banquises cotières et les banquises aux abords des eaux libres et les incidences de la navigation sur la chaîne alimentaire marine et l'habitat des mammifères.

En ce qui concerne le bruit, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a fait remarquer que la VBNC a seulement modélisé le bruit produit par un minéralier naviguant dans la banquise côtière et non pas les effets de cavitation provoqués par un brise-glace, ni par la navigation dans les banquises. Le ministère ne conteste pas la pertinence, ni les résultats de la modélisation, mais il signale les nombreuses incertitudes quant la manière dont les mammifères marins réagissent aux bruits sous-marins causés par la navigation. L'incertitude concerne également le lien entre la réaction à court terme des mammifères et leur bien-être à long terme, leur degré d'adaptation et d'accoutumance, les fonctions de la vocalisation et, par conséquent, les effets de masque. Le ministère ajoute qu'il est nécessaire d'étudier les perturbations pour évaluer les effets à long terme du bruit et établir si les réactions temporaires de sursaut et de déplacement perturbent les habitudes alimentaires et reproductrices. Il est également nécessaire, à son avis, d'évaluer en particulier les incidences du bruit dans l'anse à Edward.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a aussi fait remarquer que les effets, à l'échelle régionale, d'un déversement d'hydrocarbures sur les mammifères marins et leur habitat pourraient se révéler plus graves que ne le prévoit la VBNC, mais il n'a pas fourni d'explications à cet égard. Le ministère ajoute que la modélisation des déversements de concentrés effectuée par la VBNC ne tenait pas compte des endroits où pourrait se produire la pire dispersion de concentrés et qu'elle ne reproduisait donc pas le pire des scénarios. Il a aussi indiqué que la VBNC n'avait pas bien évalué les effets toxiques d'événements répétitifs, mais non catastrophiques.

De l'avis du ministère des Pêches et des Océans du Canada, la VBNC doit s'engager à mettre en uvre des stratégies de navigation visant à atténuer les effets sur l'environnement, notamment à établir des calendriers de navigation souple qui tiendraient compte de la variabilité, d'une année l'autre, des conditions des glaces et des besoins conséquents des mammifères marins. Le ministère signale la nécessité de mettre en uvre un programme de surveillance des mammifères marins; ce programme doit être bien planifié, rentable et reposer sur des hypothèses. Le ministère recommande en particulier d'approfondir les études, pour atteindre les objectifs suivants :

  • fournir un vaste aperçu de la dynamique de l'écosystème marin subarctique et des besoins cruciaux pour l'évolution biologique des mammifères marins, sur le littoral nord du Labrador;
  • vérifier les prévisions relatives au bruit;
  • évaluer les incidences de la navigation sur l'intégrité physique des habitats des banquises côtières;
  • évaluer l'importance des lisières des banquises côtières et de la banquise comme aires d'alimentation des mammifères;
  • améliorer la modélisation des déversements d'hydrocarbures en mettant l'accent sur les répercussions sur les mammifères marins, du scénario de déversement sur les banquises prévu par la VBNC;
  • évaluer les effets cumulatifs de la navigation sur les mammifères marins.

Les experts Inuit représentant l'Association des Inuit du Labrador se demandent si la VBNC comprend bien la dynamique et la complexité de l'environnement marin. Ils ont fait remarquer que toute la baie Anaktalak est un habitat pour les phoques annelés, les phoques du Groenland, les phoques barbus, les phoques communs et les phoques gris. Ils ont indiqué qu'en général, les phoques barbus sont plus abondants dans cette zone que ne le laisse entendre l'étude d'impact environnemental. Pendant la période des eaux libres, le petit rorqual, le bélouga, le rorqual à bosse et le narval fréquentent la baie Anaktalak; selon les experts, l'étude d'impact environnemental n'a pas accordé suffisamment d'importance à ce fait. Pendant l'hiver, les phoques annelés fréquentent davantage la baie Anaktalak lorsque le sina est proche du littoral et les experts de l'Association des Inuit du Labrador craignent que la décharge d'effluents plus chauds ne réduise la couverture de glace. Tout en confirmant que la navigation aura des répercussions néfastes sur la banquise côtière, ils ont laissé entendre que la dérive et la saltation de particules de poussière pourraient également provoquer la désintégration précoce des glaces au printemps, ce qui accroîtrait l'absorption des rayons solaires. Ils ont ajouté que le calendrier de navigation proposé pourrait forcer les mères à abandonner leurs petits, puisque que les phoques mettent bas entre la fin de février et le début d'avril, ce qui multiplierait les risques de collision et de mortalité. Le problème est particulièrement grave au large des côtes sud et est de l'île Paul qui sont, au printemps, les principales aires de chasses aux phoques et qui sont facilement accessibles à partir de Nain.

L'Association des Inuit du Labrador a soutenu que toutes les parties doivent bien comprendre ces questions pour élaborer des mesures d'atténuation pertinentes et efficaces.

Dans sa réponse, la VBNC a fait valoir que son évaluation des populations de mammifères marins se limite à la région de Landscape et qu'elle ne porte pas sur l'ensemble de leur parcours. Le parcours de la plupart des populations est beaucoup plus vaste que la région de Landscape et aucune population n'est confinée à cette région ou aux éventuelles zones d'influence du projet. La VBNC croit donc que ses prévisions pèchent par prudence. Elles tiennent également compte d'un facteur d'incertitude, conformément aux critères établis par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.

Selon la VBNC, il n'est pas nécessaire d'approfondir la recherche concernant les répercussions sur les banquises parce qu'à son avis, celles-ci se trouvent à l'extérieur de la zone d'évaluation et que la navigation n'aurait qu'un effet négligeable à cet égard.

La VBNC a indiqué que le niveau de bruit causé par le brise-glace accompagnant un minéralier ne serait pas très élevé, sauf durant certaines activités génératrices de bruits de cavitation. La société minière a fait remarquer qu'elle n'a pas besoin de raffiner sa modélisation du bruit et qu'il serait préférable de se concentrer sur les véritables effets du bruit sur les mammifères, particulièrement sur les phoques. Elle est donc favorable la conduite d'une étude plus poussée sur la réaction des phoques annelés la navigation hivernale et propose de mener cette étude dans le cadre des activités de surveillance. La VBNC a indiqué que les phoques s'adaptent et, par conséquent, s'habituent au bruit; ils peuvent faire la différence entre un bruit menaçant et un bruit inoffensif et ils ne sont pas dérangés par certains bruits comme celui des glaces en mouvement. Selon la VBNC, rien ne justifie la poursuite des études dans l'anse à Edward, surtout en ce qui concerne le bruit des aéronefs dont l'incidence, à cet égard, est négligeable. La société minière a indiqué qu'elle avait étudié aussi les effets cumulatifs de la navigation sur les mammifères marins, à la demande de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, et qu'il ne serait pas utile de se pencher sur les autres effets.

Conclusions et recommandations

La commission est d'avis que le statut des populations de la plupart des espèces de mammifères marins, leur évolution biologique et leurs besoins en matière d'habitat dans la région de Landscape sont mal compris, en particulier l'importance globale de la zone d'évaluation pour les populations de mammifères marins. En outre, elle apprécie la vaste recherche de base entreprise par la VBNC sur les mammifères marins dans la zone d'évaluation, études dont les résultats ont permis d'étendre la base de connaissances.

La commission est d'avis que la responsabilité des recherches fondamentales régionales qui sont requises pour établir le cadre des études d'évaluation de la VBNC ne devrait pas incomber au seul promoteur. Le gouvernement a une obligation à cet égard et il devrait fournir au ministère des Pêches et des Océans du Canada les ressources nécessaires pour effectuer régulièrement des recherches. La commission convient que les études recommandées par Pêches et Océans Canada permettraient de recueillir des données sur les conditions de base, mais elle estime que la plupart d'entre elles relèvent de la responsabilité du ministère en sa qualité de responsable de la gestion des océans canadiens, des poissons et des ressources de mammifères marins. Elle admet que les budgets alloués aux organismes gouvernementaux chargés de la gestion environnementale, notamment Pêches et Océans Canada, ont été considérablement réduits ces dernières années. Néanmoins, s'il est dans l'intérêt public de limiter l'exploitation des ressources, il y a donc une obligation publique de s'assurer que les recherches nécessaires pour assurer la viabilité de l'environnement seront effectuées comme il convient. Il n'est ni raisonnable, ni productif de confier ce fardeau au premier promoteur dans la région.

Recommandation 47

La commission recommande que le ministère des Pêches et des Océans du Canada finance, dirige ou parraine de nouvelles études sur les mammifères marins dans le but d'approfondir les connaissances relatives aux effets cumulatifs et ponctuels du projet, et recommande que le Canada alloue ce ministère les ressources requises à cette fin. Ces études devraient comprendre des recherches régionales et des études générales sur les effets du bruit et des glaces. L'Association des Inuit du Labrador devrait participer à l'élaboration et à la réalisation de ces études qui devront être soumises à l'examen du Conseil consultatif de l'environnement et faire l'objet de ses recommandations.

La VBNC devrait être responsable de la surveillance des effets causés par le projet, tel que mentionné au chapitre 17.

La navigation hivernale est une activité récente dans la région et le projet accroîtrait considérablement le rythme de la navigation en eau libre. Cependant, c'est loin d'être une activité nouvelle dans les autres régions de l'Arctique. La commission n'est pas convaincue que la navigation hivernale ou la navigation en eau libre dans les autres régions, au même rythme que celui prévu dans le cadre de ce projet et en conformité avec les règlements et les normes de sécurité en vigueur, entraîne réellement des répercussions constantes et néfastes sur les populations de mammifères marins. La commission est d'avis que ce projet ne nuirait pas de manière significative aux populations de mammifères marins; elle croit toutefois que l'accroissement de la navigation à diverses fins pourrait avoir d'importantes répercussions à long terme. Voilà pourquoi la société ne doit pas négliger la surveillance à long terme, même si elle prévoit des répercussions mineures ou négligeables. Il serait nécessaire de poursuivre les études et d'établir une surveillance continue, non seulement pour adapter la gestion du projet en conséquence, mais aussi pour mieux comprendre les effets que l'intensification des activités pourrait produire à long terme.

L'étude d'impact environnemental est suffisamment documentée pour permettre son examen aux audiences, mais les activités futures de surveillance requièrent que l'on approfondisse la recherche sur les conditions de base. La société a heureusement tout le temps voulu pour effectuer ces études et des essais avant le début prévu de la navigation hivernale. Elle doit donc se mettre la tâche et ses travaux s'inscriraient dans le cadre de l'entente de navigation (voir la recommandation 97). Il est primordial d'adopter une approche coopérative à laquelle participerait le Conseil consultatif de l'environnement.

La commission convient de la nécessité d'étudier plus en profondeur les effets du bruit sur les mammifères marins. Elle constate que les réactions probables des mammifères marins au bruit n'ont même pas été clairement précisées, sans parler de l'interprétation des réactions à l'échelle des individus ou des populations. Il n'a pas été établi clairement si les mammifères marins ont une capacité d'adaptation suffisamment grande au bruit, soit par l'adoption d'un comportement compensateur ou par l'accoutumance, aux niveaux susceptibles d'être générés par le projet. Il y aurait lieu d'approfondir les études en les axant sur les effets à long terme et sur les répercussions sur le niveau des populations, ainsi que de chercher savoir si les effets engendrent un stress ou une perturbation susceptibles de nuire à l'évolution biologique des mammifères. En outre, rien ne prouve qu'il pourrait y avoir des effets nuisibles sur le niveau des populations ou que les effets cumulatifs du bruit risqueraient de nuire à la santé ou au fonctionnement des animaux. Le bruit serait temporaire et occasionnel et seul un petit nombre d'individus en souffriraient puisque les effets néfastes se feraient sentir à proximité de la source seulement. La commission est d'avis que la VBNC devrait mener les études appropriées sur divers aspects de la navigation, quoi qu'elle ne soit pas tenue de les finaliser avant le début de la saison de navigation.

La commission est d'avis que la navigation hivernale risque de compromettre l'intégrité physique des banquises côtières. Il n'a toutefois pas été clairement démontré que cela aurait des effets néfastes importants sur les mammifères marins. Comme l'ont fait remarquer des participants Inuit, la couche de glace qui borde la route maritime risque de s'effondrer sur des phoques, et des tanières de phoques pourraient s'effondrer, mais les collisions directes impliquant des phoques adultes semblent peu probables. Cependant, comme la période de mise bas des phoques annelés n'est pas clairement établie, il est nécessaire de poursuivre les études pour éliminer le risque d'effets néfastes. Pendant l'hiver, même si les phoques annelés sont très peu nombreux le long de la route maritime proposée, celle-ci pourrait devenir un habitat dangereux pour eux durant cette période. La commission signale que la route de navigation traverse certaines parties de l'habitat des phoques annelés auxquelles les résidents de Nain peuvent accéder le plus facilement et, à son avis, il faudra absolument prendre des mesures pour éviter ces zones durant certaines périodes et, à d'autres moments, pour minimiser les effets de la circulation maritime (voir la recommandation 39).

Recommandation 48

La commission recommande que la VBNC détermine, en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, les périodes de mise bas des phoques annelés dans les zones situées à proximité de la route maritime, avant le début des activités de navigation hivernale.

La commission est d'avis que les phoques et les baleines éviteront vraisemblablement les nappes d'hydrocarbures et elle fait remarquer que ces mammifères sont capables de tolérer une certaine quantité de pétrole. Les conséquences mortelles, le cas échéant, ne toucheraient qu'une partie négligeable des populations. La commission ne voit pas très bien l'utilité d'effectuer des études ou d'établir des scénarios de modélisation relativement à l'impact des déversements sur les mammifères marins; la société minière doit toutefois mettre en place un plan d'urgence en cas de déversement pour étudier promptement les répercussions et l'efficacité des mesures d'intervention (voir la recommandation 43).

La commission convient que le rejet de métaux dans l'environnement à la suite des activités du projet ne nuira vraisemblablement pas aux mammifères marins, étant donné surtout qu'un faible nombre d'individus seront présents dans la zone suffisamment longtemps pour être soumis à des niveaux nocifs d'exposition. Il y aura toutefois lieu de surveiller les concentrations de métaux dans les mammifères marins, dans le cadre du vaste programme de surveillance élargi qui est recommandé au chapitre 7.

11.2 Ours polaires

11.2.1 Évaluation de la VBNC

La VBNC n'a effectué aucune étude spéciale sur les ours polaires; elle a toutefois fait certaines observations pendant la conduite d'autres activités d'exploration et missions scientifiques.

Les ours polaires du littoral du Labrador appartiennent à la population du détroit de Davis, dont l'aire d'activités a servi de zone d'évaluation. Selon la VBNC, cette population est évaluée à 1 200 individus, mais seul un faible pourcentage d'entre eux se trouvent au Labrador au même moment, généralement entre les mois de mars et d'août. Les ours dérivent sur les banquises avant de rejoindre la côte pour se diriger vers le nord. On a observé des mises bas à l'est de l'île Paul, à proximité de la route maritime proposée. Les ours polaires se nourrissent dans la région de Landscape, surtout de phoques. Selon la classification du Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, cette espèce est menacée, mais le Comité considère que la population du détroit de Davis est stable. La VBNC n'a fait état d'aucun contact entre les ours et les humains durant ses activités d'exploration.

Selon la VBNC, les effets éventuels du projet sur les ours polaires sont les suivants :

  • modification physique ou perte de l'habitat due à la perturbation des phoques ou de leur habitat par la navigation hivernale;
  • perturbations dues au bruit, aux activités du projet et à la présence humaine (l'expérience de la VBNC dans d'autres régions lui a permis d'observer deux réactions chez ces animaux, l'évitement ou l'accoutumance; la société laisse entendre que le projet attirerait les animaux, même s'ils auront peut-être tendance à éviter temporairement les brise-glace);
  • multiplication des contacts entre humains et ours polaires, puisque ces derniers risquent d'être attirés vers les établissements humains;
  • dans l'éventualité d'un déversement d'hydrocarbures en mer, mort de certains individus causée par contact direct avec des oiseaux, des poissons ou des phoques mazoutés ou par ingestion de ces proies.
  • Les résultats de la modélisation des contaminants (chapitre 7) indiquent que la bioaccumulation de métaux dans les mammifères marins ne serait pas néfaste.
  • La VBNC propose les mesures d'atténuation suivantes :
  • mise en uvre d'un plan d'urgence en cas de déversement d'hydrocarbures;
  • élaboration d'un plan de déplacement des ours polaires pour assurer la sécurité des humains et la sécurité des animaux en cas de déversement d'hydrocarbures (la VBNC a fait savoir qu'elle est prête à financer ce programme).

La VBNC prévoit que les effets résiduels des déversements d'hydrocarbures seraient mineurs (sans gravité) et que tous les autres effets seraient négligeables.

11.2.2 Préoccupations du public

L'Association des Inuit du Labrador n'a pas fait valoir que la navigation hivernale aurait des effets néfastes sur le niveau des populations, mais elle a indiqué qu'elle s'inquiète des effets localisés de la navigation sur les ours et leur habitat le long de la route maritime. Ces effets localisés seraient dus, selon l'Association, à la perturbation ou au déplacement des phoques du voisinage, aux déversements catastrophiques ou chroniques d'hydrocarbures et à l'accroissement de la présence humaine (dû aux activités d'exploration de la région de Kiglapait ainsi qu'aux activités de transport); on pourrait avoir à abattre des ours qui poseraient problème. En particulier, l'Association des Inuit du Labrador observe que les ours pourraient sortir de leur tanière durant la période de rupture des glaces. Le chapitre 14 porte sur les préoccupations découlant de la perte de possibilités relativement l'exploitation des ressources fauniques. En outre, l'Association des Inuit du Labrador constate que même si la gestion des ours polaires relève de la législation provinciale sur la faune, la juridiction au large des côtes n'est pas clairement définie. Le plus grave, peut-être, c'est qu'il n'y a aucune autorité qui est responsable de l'application de la loi. L'Association des Inuit du Labrador recommande de définir une zone de gestion de l'ours polaire dans le Nord du Labrador, qui engloberait la route maritime, et d'établir des mesures de protection, de surveillance et de compensation de l'habitat.

Conclusions and recommandations

La commission constate que le rapport d'étape produit par le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada relativement aux ours polaires fait état d'une population de 1 400 individus dans le détroit de Davis; à son avis, ce rapport est dépassé, il est de qualité médiocre et souffre d'un certain degré de partialité. Il n'est pas certain que la population soit stable pour le moment, malgré les indications voulant qu'elle soit en hausse et qu'elle ne souffre pas des niveaux de captures actuels. La commission partage l'avis de la VBNC prévoyant que les activités du projet, autres que les déversements d'hydrocarbures, auront un effet négligeable sur les niveaux de population des ours polaires, à condition que la société minière applique des mesures d'atténuation et respecte les plans pertinents concernant la protection de l'environnement.

Recommandation 49

La commission recommande que la VBNC élabore des plans d'urgence de lutte contre les déversements d'hydrocarbures ou la pollution chronique susceptibles de produire des effets nuisibles sur les ours polaires, ainsi que des plans d'intervention en cas de rencontres entre des humains et des ours. Ces plans devraient être élaborés en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador, dans le cadre de l'entente sur la navigation que l'on projette d'établir; l'Association des Inuit du Labrador devrait fournir promptement des avis à la VBNC concernant toute activité de mise bas des ours polaires à proximité de la route de navigation.

La commission est d'avis qu'en raison de l'intensification de l'activité humaine dans la région, il y a lieu de préciser la juridiction et d'appliquer la loi efficacement pour assurer la protection de l'environnement, surtout que les ours polaires sont une espèce menacée. Compte tenu des quotas dont fait l'objet la chasse à l'ours polaire, la commission reconnaît que la mortalité au sein de la population d'ours polaires à cause des activités du projet aurait des répercussions économiques néfastes sur les chasseurs autochtones.

Recommandation 50

La commission recommande que le Canada et la province de Terre-Neuve et du Labrador précisent leur compétence sur les ours polaires au large de la côte du Labrador. L'autorité responsable doit rehausser ses responsabilités en matière d'application de la loi. Elle doit également établir un système efficace de rapport concernant l'abattage d'ours qui posent problème, sur le modèle du système appliqué dans les Territoires du Nord-Ouest, pour assurer la protection de l'espèce et servir de fondement aux mesures de compensation recommandées au chapitre 14.