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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

4 Ententes sur les revendications territoriales et ententes sur les impacts et les avantages

4.1 Données de base

Le protocole d'entente autorisait la commission d'évaluation à examiner des mémoires concernant les rapports entre le projet à entreprendre et les négociations relatives aux revendications territoriales ». La commission a donc indiqué, dans ses directives, qu'elle étudierait la question suivante : « le fait de mettre ou non un projet en marche avant de négocier une entente sur les revendications territoriales avec une partie autochtone touchée pourrait-il mettre en péril, infirmer ou limiter les dites négociations .

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait savoir la commission qu'en permettant la mise en marche d'un projet avant d'avoir négocié une entente sur les revendications territoriales, elle produirait les effets appréhendés. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont également affirmé ce qui suit :

  • toute mesure d'atténuation déterminante sur les plans social, économique et environnemental ne peut être prise que par l'entremise d'ententes sur les revendications territoriales et d'ententes sur les impacts et les avantages, et les mesures d'atténuation sont ainsi inextricablement liées à ces ententes;
  • les intérêts de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu dans les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages sont touchés négativement par le fait que ces négociations ne se déroulent pas dans le cadre des ententes sur les revendications territoriales;
  • l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient absolument donner leur consentement avant que le projet ne soit autorisé, et ce consentement pourrait être obtenu par le biais d'ententes sur les revendications territoriales et d'ententes sur les impacts et les avantages.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont déclaré que le projet ne devrait pas être autorisé avant que chaque groupe n'ait conclu une entente sur les revendications territoriales, c'est-à-dire, au moins une entente de principe ratifiée et comportant des mesures provisoires garanties, avec le gouvernement du Canada et celui de la province. En outre, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont indiqué que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages devraient être achevées et qu'une entente devrait être ratifiée avant que le projet ne soit autorisé, et que l'entente en question devrait entrer en vigueur avant le début de toute construction liée au projet.

Ces conclusions et ces conditions sont appuyées également par un grand nombre de personnes et d'organisations des nations Inuit et Innu.

La Voisey's Bay Nickel Company a déclaré que, tout en appuyant le principe d'une entente négociée sur les revendications territoriales, elle n'était pas partie à ces négociations. La compagnie croit que son droit à rechercher la satisfaction de ses propres intérêts ne devrait pas être assujetti la signature d'une entente. La VBNC négocie actuellement une entente sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, mais elle estime qu'il s'agit là de dispositions discrétionnaires qui ne devraient pas entraver la mise en uvre du projet.

Le Canada et Terre-Neuve ont fourni certains renseignements sur l'état des revendications territoriales, mais n'ont adopté aucune position sur la question.

4.2 Revendications territoriales

Conformément aux termes du protocole d'entente, la commission a déclaré, dans ses directives, « qu'elle ne formulerait pas de conclusions, ni de recommandations concernant l'existence ou la substance des droits autochtones . Cependant, après la diffusion de ces directives, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement (Delgamuukw c. Colombie-Britannique) comportant des orientations précises sur les conséquences du titre ancestral et des droits des Autochtones. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux fait référence à ce jugement en défendant le point de vue selon lequel leur consentement doit être obtenu. La commission se sent obligée de tenir compte des implications actuelles du titre ancestral autochtone relativement au consentement, de tenir compte de la forme que ce consentement pourrait prendre, et de formuler des recommandations sur la mise à exécution des mesures d'atténuation les plus déterminantes.

La commission a donc étudié les trois questions suivantes :

  • S'il existe un titre ancestral autochtone dans la région du projet, quelles en sont les conséquences sur l'autorisation du projet?
  • Quelles dispositions une entente sur les revendications territoriales comprendrait-elle probablement?
  • Quels effets néfastes les négociations sur les revendications territoriales subiraient-elles si le démarrage d'un projet était autorisé avant qu'une entente ne soit conclue?

Ces questions semblent empreintes d'une certaine incertitude et les observations de la commission à leur sujet ne visent aucunement à constituer des décisions sur des faits de droit ou des interprétations juridiques.

4.2.1 Conséquences du titre ancestral autochtone

Selon le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw, le titre ancestral autochtone comprend « le droit à l'utilisation et à l'occupation exclusive des terres » et « le droit de choisir l'utilisation qui sera faite des terres ». Le titre ancestral autochtone englobe également les droits miniers et l'utilisation des terres à certaines fins non traditionnelles. Le concept comporte donc un élément économique. Les droits autochtones, qui peuvent comprendre notamment le droit d'exercer des pratiques traditionnelles particulières dans des endroits déterminés, peuvent exister sans titre ancestral autochtone, mais ces droits ne sont pas nécessairement exclusifs.

Les droits et le titre ancestral autochtones ne sont pas absolus. Ils peuvent être enfreints pour la réalisation d'objectifs législatifs « contraignants et substantiels ». Ces objectifs peuvent comprendre des projets d'exploitation minière tels que celui de la VBNC. D'autre part, les gouvernements ont des obligations fiduciaires envers les peuples autochtones, et le jugement Delgamuukw prévoit certains critères que les gouvernements doivent respecter pour justifier une infraction aux droits et au titre ancestral autochtones. Ces critères comprennent l'obligation d'assurer :

  • la participation des Autochtones au développement des ressources;
  • la consultation des Autochtones et, dans certains cas, leur plein consentement;
  • une indemnisation équitable.

Les exigences concernant la conformité à ces critères ne sont pas décrites en détail. Le premier et le troisième critères découlent de l'élément économique du titre ancestral autochtone. Ils font intervenir des principes juridiques et des principes économiques dont la Cour suprême a admis la complexité et qu'elle n'a pas décrits de façon détaillée dans son jugement. Toutefois, le principe de la participation est désigné comme comprenant la fois le processus et le résultat de la répartition des ressources.

Le critère du plein consentement est précisé « surtout dans les cas où les provinces édictent des règlements relatifs à la chasse et à la pêche en rapport avec les terres autochtones ». La nation Innu a présenté un argument selon lequel ces mots signifient toute activité, y compris le projet, qui porte atteinte aux poissons et à la faune de la région. La commission n'est cependant pas convaincue qu'il s'agit là d'une interprétation rigoureuse du jugement Delgamuukw. Selon la commission, le jugement Delgamuukw veut dire que le consentement officiel des détenteurs du titre ancestral autochtone n'est pas légalement nécessaire pour que le projet puisse être entrepris, bien qu'il existe de bonnes raisons politiques et morales voulant que les gouvernements obtiennent d'abord le consentement des Autochtones.

La Couronne est tenue de consulter les Autochtones parce qu'elle est habilitée à autoriser des modes d'utilisation des terres et des ressources. Selon l'interprétation de la commission, à la lumière des décisions judiciaires récentes, les gouvernements doivent prendre au sérieux le critère de consultation, et le processus d'évaluation environnementale doit se conformer aux mêmes normes élevées. Si les terres en question sont assujetties au titre ancestral autochtone, la commission doit donc tenir dûment compte des représentations que lui font les détenteurs du titre.

Si ce qui précède est maintenant devenu la loi du pays, cela entraîne des répercussions importantes sur l'approbation du projet. Les droits décrits seraient protégés par la Constitution, qui imposerait aussi les obligations décrites. Les devoirs de la Couronne deviennent alors légaux, et non plus seulement politiques. La commission serait tenue de prendre en considération l'effet de ces réalités légales sur l'autorisation et les aspects environnementaux du projet, tout comme elle tient compte de l'effet de toute autre loi fédérale ou provinciale applicable.

En vertu d'une politique instaurée bien des années avant le jugement Delgamuukw, le Canada se reconnaît l'obligation de négocier des ententes globales sur les revendications territoriales dans les régions où le titre ancestral autochtone n'est ni cédé, ni éteint. En acceptant une demande de négociation, le Canada n'admet aucune responsabilité légale et ne reconnaît pas officiellement le titre. Le Canada et les provinces ont adopté la position selon laquelle des ententes sur les revendications territoriales ne doivent pas nécessairement précéder l'exploitation des ressources sur ces terres. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux fait remarquer que ni le Canada ni la province ne reconnaît officiellement le titre ancestral autochtone et n'adopte de mesures conformes ce titre avant de ratifier une entente finale sur les revendications territoriales.

Le jugement Delgamuukw énonce avec précision et beaucoup plus de clarté les obligations de la Couronne concernant l'octroi ou l'autorisation d'octroyer des droits à des tiers sur les terres dont les Autochtones détiennent le droit ancestral. Les effets du jugement Delgamuukw semblent stipuler ce qui suit :

  • La Couronne ne peut pas disposer des droits sur les terres ou les ressources, ni permettre des activités d'exploitation sans avoir au préalable rempli ses obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation.
  • La Couronne doit remplir ces obligations avant le début de l'exploitation, et non pas simplement s'engager à négocier une entente sur des revendications territoriales à une date future non déterminée. En Colombie-Britannique, les Premières nations ont obtenu des injonctions parce que ces conditions n'avaient pas été respectées.
  • La position adoptée traditionnellement par la Couronne, position selon laquelle les travaux de développement peuvent commencer sur des terres liées à un titre ancestral autochtone avant que des dispositions n'aient été prises en vue de la participation, de la consultation et de l'indemnisation, ou avant d'avoir obtenu le consentement des Autochtones, n'est donc plus soutenable.

Dans le contexte des négociations relatives aux revendications territoriales, il n'est plus discrétionnaire, mais bien obligatoire, de prendre des mesures provisoires pour protéger les intérêts des détenteurs du titre ancestral autochtone.

Bien que la Cour suprême n'ait pas décidé que les ententes sur les revendications territoriales sont une condition obligatoire préalable au démarrage d'un projet d'exploitation des ressources, le jugement n'en statue pas moins que lorsqu'il existe un titre ancestral autochtone, « la Couronne a le devoir moral, sinon légal, d'entreprendre et de mener ces négociations de bonne foi ».

La commission estime qu'une entente sur les revendications territoriales constitue le moyen le plus efficace d'exécuter les obligations de la Couronne, parce qu'une telle entente satisfait à la teneur de ces obligations et fournit le cadre institutionnel de leur mise en uvre.

Le jugement Delgamuukw donne une orientation explicite quant à la façon de déterminer l'existence effective d'un titre ancestral autochtone sur les terres que la VBNC veut occuper ou sur toutes les autres terres que le projet est susceptible de toucher. Cette détermination ne relève pas du mandat de la commission. La commission se contente de faire remarquer que le Canada a accepté de négocier deux revendications territoriales englobant une partie ou la totalité de ces terres. Il s'agit de la revendication de l'Association des Inuit du Labrador et de celle de la nation Innu, qui font toutes deux l'objet de négociations en ce moment. Le Canada négocie également une revendication territoriale présentée par les Makivik (des Inuit du Québec) au sujet d'une étendue de terres et de mer située au nord de Hebron (à environ 58° N). La nation métisse du Labrador a présenté une revendication territoriale relative à un territoire « du sud et du centre du Labrador » dont les limites géographiques exactes ne sont pas connues de la commission. La nation métisse du Labrador a fait savoir à la commission que le ministère de la Justice du Canada avait rejeté cette revendication dans une ébauche de réponse que le ministre des Affaires indiennes et du Nord n'a ni acceptée, ni refusée.

4.2.2 Contenu probable d'une entente sur les revendications territoriales

La politique canadienne en matière de négociation des ententes sur les revendications territoriales prévoit le transfert du titre ancestral relatif des terres déterminées, l'attribution des droits de chasse et de pêche, le partage des recettes tirées des ressources et la participation des Autochtones à la gestion environnementale sur terre comme en mer. Toutefois, les ententes finales diffèrent les unes des autres et ces éléments de base peuvent être modifiés en fonction de la situation et des objectifs locaux, lesquels peuvent comprendre la recherche d'un équilibre entre les droits et le titre ancestral autochtones d'une part et les droits et titres de la Couronne et des tiers intéressés d'autre part.

Selon les mémoires présentés par l'Association des Inuit du Labrador les 2 et 3 novembre, l'entente sur la revendication territoriale de l'Association des Inuit du Labrador ressemblera, pour l'essentiel, à l'entente finale conclue avec le Nunavut. La commission suppose, pour les besoins de la présente analyse, que ces mémoires correspondent à l'aboutissement probable d'une entente.

Voici les éléments déterminants de la revendication territoriale de l'Association des Inuit du Labrador qui ont trait à la présente évaluation environnementale :

  • la sélection des terres à titre ancestral sur la superficie, qui dépassent de 20 pour cent la superficie de la zone d'établissement des Inuit du Labrador, laquelle couvrira en entier la côte septentrionale du Labrador;
  • les droits prioritaires de prédation de subsistance et la cogestion de la faune, des pêches et de l'évaluation environnementale dans toute l'étendue de la zone d'établissement et sur une aire maritime de taille considérable allant jusqu'à la limite de 12 milles;
  • le partage des redevances sur les ressources minières liées aux terres des Inuit du Labrador et aux terres publiques (ce qui comprendrait les recettes du projet de la VBNC);
  • un transfert de fonds;
  • des ententes sur les impacts et les avantages obligatoires relativement aux grands projets d'exploitation exécutés dans la zone d'établissement;
  • des dispositions d'indemnisation relativement à la faune.

La nation Innu semble être en train de négocier des dispositions générales de même nature, même si celles-ci peuvent varier quant aux détails.

Les ententes sur les impacts et les avantages comprennent des mesures visant à réduire le plus possible les effets nuisibles des grands travaux d'aménagement sur les bénéficiaires des ententes sur les revendications territoriales, et à rehausser les effets positifs de ces travaux. Avant d'entreprendre un projet, les exploitants éventuels des ressources sont tenus de négocier une entente sur les impacts et les avantages (dans tous les cas avec le détenteur du titre ancestral sur la superficie et, dans certains cas, pour tous les endroits de la zone d'établissement). Dans le contexte des ententes sur les impacts et les avantages, les ententes sur les revendications territoriales comprennent habituellement des dispositions prévoyant l'indemnisation des bénéficiaires pour les effets nuisibles sur l'exploitation des ressources fauniques. La section 4.2.3 du présent rapport explique plus en détail le fonctionnement des ententes sur les impacts et les avantages dans d'autres revendications territoriales.

Les dispositions relatives aux recettes de l'exploitation des ressources permettent de veiller à ce que les bénéficiaires des ententes sur les revendications territoriales obtiennent une part fixe des redevances que le gouvernement retire des travaux de développement, que les travaux aient lieu ou non dans la zone d'établissement.

Cette courte analyse montre clairement que les éléments déterminants d'une entente sur les revendications territoriales veillent à ce que les gouvernements remplissent leurs obligations légales en matière de participation, de consultation et d'indemnisation. La commission n'exprime aucun commentaire sur le caractère convenable ou souhaitable de quelque démarche ou composante d'un règlement de revendication territoriale. Le seul objectif de la présente analyse est de déterminer, à partir des expériences récentes, les résultats les plus probables des négociations, ainsi que les façons dont l'autorisation préalable pourrait nuire à ces résultats.

4.2.3 Effets nuisibles possibles sur la négociation des revendications territoriales

Si le démarrage du projet était autorisé avant le règlement de revendications territoriales, comment cela pourrait-il nuire aux négociations relatives ces revendications? L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu prétendent toutes les deux que les ententes sur les revendications territoriales qu'elles sont actuellement en train de négocier seraient compromises si le démarrage du projet était autorisé avant le règlement de ces revendications. Les préoccupations particulières exprimées ont notamment trait à la cogestion, au partage des redevances sur les ressources minières et aux ententes sur les impacts et les avantages.

Préoccupations relatives à la cogestion

Si les dispositions relatives à la cogestion qui sont comprises dans une entente sur les revendications territoriales étaient en vigueur, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu entretiendraient des rapports directs et non discrétionnaires avec les organismes de réglementation qui interviendraient dans le projet, ce qui ne peut pas se réaliser au moyen des négociations relatives à une entente sur les impacts et les avantages. En vertu du protocole d'entente, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont établi des liens importants de collaboration avec les gouvernements concernant l'évaluation environnementale actuelle du projet. La province a également pris l'engagement discrétionnaire de permettre à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'examiner les permis qui se rattachent au projet. Comme l'ont souligné à la fois l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, sans entente sur les revendications territoriales, rien ne prévoit la poursuite des arrangements pris lorsque sera venue l'étape de la gestion environnementale du projet, ni la cogestion de tout autre développement susceptible de se produire sur les terres liées à un titre ancestral autochtone.

Partage des redevances sur les ressources minières et autres considérations d'ordre financier

L'entente proposée relativement aux revendications territoriales des Inuit stipule que l'Association des Inuit du Labrador recevra 3 pour cent des redevances sur les ressources minières provinciales du projet. Cette disposition ne semble pas dépendre de la sélection du lot de concessions minières comme terre Inuit. En vertu d'une entente définitive, la province recueillerait les recettes sur les ressources et en remettrait une partie aux bénéficiaires.

La nation Innu a signalé qu'elle ne pourrait pas négocier un partage des redevances minières du projet dans le cadre de sa revendication territoriale si le projet est approuvé avant le règlement de la revendication, puisque, selon elle, les projets « existants » ne seraient pas soumis aux dispositions de l'entente. La nation Innu a aussi affirmé que sans entente sur les revendications territoriales, les paiements liés à l'entente sur les impacts et les avantages seraient imposables.

En l'absence d'une indemnisation versée sous la forme de recettes de location et prévue dans une entente sur les revendications territoriales ou dans une entente sur les impacts et les avantages, avant le démarrage du projet, la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador n'acquerront pas les ressources financières qui leur permettraient de remédier à leurs préoccupations selon leurs propres priorités.

Le partage des recettes sur les ressources et les transferts de fonds constituent une indemnisation pour l'utilisation passée, présente et future des ressources et pour tous les dommages causés par l'exploitation des ressources. La Couronne verse cette indemnisation directement, habituellement en vertu d'une entente sur les revendications territoriales et en conséquence de ses obligations fiduciaires. La seule « indemnisation » directe versée par les exploitants a trait aux dommages découlant d'effets accidentels ou non intentionnels des activités autorisées par la Couronne

Préoccupations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages

Bien qu'elle soit en train de négocier des ententes sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, la VBNC estime que ces ententes sont des arrangements discrétionnaires qui n'ont pas à être conclus avant le démarrage du projet. Si les ententes sur les revendications territoriales étaient déjà en vigueur, les ententes sur les impacts et les avantages ne seraient pas discrétionnaires et le projet ne pourrait pas débuter sans elles. L'indemnisation relative à la faune serait elle aussi non discrétionnaire.

La nation Innu soutient que l'absence d'une entente sur les revendications territoriales la met en position désavantageuse pour négocier avec la VBNC, parce que cette absence rend les ententes sur les impacts et les avantages discrétionnaires. L'Association des Inuit du Labrador, pour sa part, affirme qu'une entente sur les impacts et les avantages négociée dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales serait différente d'une entente sur les impacts et les avantages négociée en dehors d'un tel cadre. L'Association des Inuit du Labrador ne précise pas clairement, toutefois, la nature de cette différence.

La commission remarque cependant, dans l'entente finale sur les revendications territoriales du Nunavut (et dans d'autres ententes semblables), les dispositions suivantes qui rendent les ententes sur les impacts et les avantages moins souples dans le cadre d'une revendication territoriale réglée.

  • Les avantages ne constitueront pas un fardeau trop lourd pour le promoteur et ne nuiront pas à la viabilité du projet.
  • Les questions considérées négociables sont définies. La liste de ces questions, bien que non exhaustive, ne comprend pas la participation au capital ni les recettes tirées de la location ou de l'indemnisation. Il convient de souligner que les parties aux négociations en cours visant la conclusion d'une entente sur les impacts et les avantages pourraient négocier tous les articles figurant à l'annexe 26-1 de l'entente finale sur les revendications territoriales du Nunavut.
  • On présume que les ententes sur les impacts et les avantages sont conclues après les examens environnementaux et l'approbation du projet, puisque ces ententes doivent être conformes aux modalités des examens et de l'approbation.

Les négociations commencent normalement au moins 180 jours avant le début d'un projet; il y a également des dispositions prévoyant l'arbitrage volontaire et obligatoire aussi tôt que 60 jours après l'ouverture des négociations.

Selon un principe général, les ententes sur les impacts et les avantages ne peuvent pas être utilisées pour arrêter ou retarder un projet approuvé. La commission n'est au courant d'aucun cas où les bénéficiaires d'une revendication territoriale auraient essayé d'agir ainsi.

La commission croit qu'une entente sur des revendications territoriales offrirait un degré supérieur de certitude en ce qui concerne les ententes sur les impacts et les avantages, comme l'ont fait remarquer la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador. Par ailleurs, une entente de ce genre donnerait aussi un degré supérieur de certitude au promoteur. La VBNC a déclaré que les perspectives de négocier une entente sur les impacts et les avantages avec succès seraient meilleures si les questions habituellement liées aux ententes sur les revendications territoriales étaient tenues à part. La commission est du même avis.

La commission n'est pas convaincue que le fait de négocier une entente sur les impacts et les avantages dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales produirait nécessairement une entente sur les impacts et les avantages plus avantageuse pour les bénéficiaires. Une entente sur la revendication territoriale rendrait simplement obligatoire la négociation d'une entente sur les impacts et les avantages avant le début d'un projet. La section qui suit analyse cette question plus à fond.

Ni l'Association des Inuit du Labrador, ni la nation Innu ne prétend précisément que sa sélection de terres pourrait être mise en péril. Même si la province a offert le lot de concessions à l'Association des Inuit du Labrador avant la découverte de minerai sur ces terres, la revendication territoriale semble prévoir à la fois le partage des recettes et la tenue d'une entente sur les impacts et les avantages, que les terres en question relèvent ou ne relèvent pas, éventuellement, d'un titre ancestral Inuit sur leur superficie. Aussi longtemps qu'il en est ainsi et que l'entente prévoit la cogestion environnementale, l'Association des Inuit du Labrador ne serait pas touchée négativement si le projet démarrait avant que les terres ne soient sélectionnées et confirmées. De même, si les ententes finales contiennent des dispositions adéquates d'indemnisation pour la perte en matière d'exploitation de la faune, et si les restrictions imposées actuellement aux prélèvements fauniques par les employés sont maintenues (voir au chapitre 14, Utilisation des terres par les Autochtones et préservation des ressources historiques), les droits des Innu et des Inuit en matière d'exploitation des ressources fauniques ne seraient pas amoindris.

Il y a également certaines considérations d'ordre plus général. La nation Innu affirme que l'effet pratique du titre ancestral et des droits des Autochtones serait amoindri si les gouvernements pouvaient continuer d'autoriser de grands travaux de développement sur des terres liées à un titre ancestral autochtone sans conclure au préalable une entente sur les revendications territoriales et sans être pénalisés. L'Association des Inuit du Labrador a déclaré que l'intégrité même du processus de négociation en serait affaiblie.

La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador ont toutes deux affirmé qu'elles disposaient de recours en justice devant les tribunaux; l'analyse qui précède semble leur donner raison. Néanmoins, toute action en justice entraînerait des coûts importants et prendrait beaucoup de temps. Les demandeurs seraient obligés de prouver leur titre ancestral autochtone, selon les obligations décrites dans le jugement Delgamuukw, et d'autres parties pourraient intervenir avec d'autres revendications. La commission ne veut pas spéculer sur les résultats à attendre, mais le tribunal pourrait en venir à des conclusions, concernant les titres et les droits relatifs à des terres particulières, qui sont différentes de celles actuellement acceptées par Affaires indiennes et du Nord Canada aux fins de la négociation.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait remarquer, et la commission est d'accord avec elles, que toute action en justice entraînerait une longue période d'incertitude pour toutes les parties en cause. Une telle action constituerait également un recul en ce qui a trait à la bonne volonté et à la coopération qui existent actuellement dans les négociations et les arrangements discrétionnaires. Une action en justice soumettrait le projet de la VBNC, même s'il est autorisé, à l'incertitude quant à sa réalisation, et elle diminuerait gravement la perspective de l'exécution, en coopération, de mesures déterminantes d'atténuation sur les plans social, économique et environnemental. La commission ne peut pas recommander une ligne de conduite qui pourrait effectivement annuler les avantages du projet pour les Inuit, les Innu et, finalement, la VBNC.

4.2.4 Mesures de remplacement

Existe-t-il, en l'absence d'une entente sur des revendications territoriales, des méthodes de remplacement qui permettent de veiller à ce que les obligations fiduciaires de la Couronne envers les détenteurs de titres autochtones soient respectées? La commission estime que des ententes négociées concernant un projet particulier et portant sur des questions telles que les ententes sur les impacts et les avantages et les régimes de gestion environnementale pourraient bien remplir cette fonction (voir le chapitre 17, Gestion de l'environnement). La commission prévient toutefois que le fait de conclure de telles ententes sur la base d'un projet uniquement risque de créer une incurie en raison des chevauchements, et peut-être même des arrangements incohérents qui entraîneraient des coûts supplémentaires. La négociation d'une entente finale, dont découleraient tout naturellement des arrangements subséquents, constituerait probablement une façon de procéder beaucoup plus simple et plus efficace, qui permettrait en outre d'établir un climat de confiance plus limpide pour les exploitants éventuels. Ainsi, le soin de régler les questions relatives au mode de possession des terres et des ressources incomberait au véritable responsable, c'est-à-dire au gouvernement qui les attribue, plutôt qu'aux exploitants intéressés à les exploiter.

Pour que les mesures de remplacement des revendications territoriales soient efficaces, elles doivent être mises en uvre comme si elles constituaient des mesures provisoires liant les parties à de telles ententes. A tout le moins, ces arrangements assureraient le prolongement des mesures spéciales sur lesquelles la province et le Canada se sont déjà entendus de bonne foi, en particulier le protocole d'entente qui régit le présent examen, de même que la participation de la nation Innu et de l'Association des Inuit du Labrador à l'examen des demandes de permis.

Même si les politiques existantes concernant les revendications territoriales stipulent que « des mesures provisoires pertinentes peuvent être adoptées pour protéger les intérêts d'un groupe de revendicateurs pendant la négociation concernant leurs revendications », la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador ont indiqué que les deux gouvernements se sont opposés des mesures provisoires officielles permettant d'assurer le contrôle de projets tels que celui de la Voisey's Bay Nickel Company. Les deux groupes ont aussi fait remarquer que les ententes de principe ne lient pas les parties légalement et que tout ce qui a été négocié jusqu'à présent ne sera vraiment acquis qu'après la ratification officielle des ententes par toutes les parties et après l'adoption d'une législation de mise en uvre. Ils ont affirmé que la province ne tient pas compte des mesures importantes et des mesures qui lient les parties, tant qu'une entente de principe n'est pas ratifiée; ils ont défini les positions des deux gouvernements comme étant « figées ».

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont manifesté leur volonté d'accepter une entente de principe plutôt qu'une entente finale comme condition de consentement, en autant que cette entente comprenne des mesures provisoires qui soient exécutoires et qui lient les parties. Elles ont ajouté qu'elles prenaient des risques à agir ainsi, ce dont convient la commission.

Les arrangements de cogestion recommandés par la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador comme second choix en matière de mesure de remplacement pourraient être adoptés sans entente de principe, en vertu d'ententes qui abordent l'examen permanent, le processus d'approbation et la gestion de l'environnement du projet de la VBNC (tel qu'exposé au chapitre 17). Si de telles ententes traduisent les éléments déterminants des ententes sur les revendications territoriales décrites précédemment, elles permettront vraisemblablement au gouvernement de respecter ses obligations fiduciaires.

4.2.5 Démarche recommandée

La commission considère qu'il est essentiel, pour offrir des « avantages équitables et durables », de recourir à des ententes sur les revendications territoriales ou d'adopter des mesures de remplacement liant les parties; il s'agit d'un élément important pour assurer la durabilité, et une telle démarche constitue par conséquent une politique publique convenable. On a présenté à la commission un long et constant historique faisant état du mépris des droits et des intérêts des Inuit et des Innu, de l'envahissement continuel des terres des Inuit et des Innu, ainsi que des restrictions progressives imposées aux activités des Inuit et des Innu. Mais on a aussi fait valoir à la commission les tentatives plus récentes faites par les gouvernements dans le but de rétablir la confiance et d'établir une nouvelle façon de procéder. Le projet offre au Canada et à la province une occasion historique qu'il ne faudrait pas laisser passer. La commission croit qu'il faut agir maintenant, et de façon convenable.

Le règlement rapide des questions liées aux revendications territoriales dans la zone du projet serait profitable à la VBNC et à tous les autres exploitants qui demanderont des droits d'exploitation des ressources sur ces terres, car les procédures et leurs aboutissements s'en trouveraient précisés. Il en résulterait des moyens manifestes qui inciteraient probablement les Innu et les Inuit à collaborer davantage. Puisque les dispositions de cogestion établies en vertu des ententes sur les revendications territoriales définissent les relations des bénéficiaires avec les différents organismes de réglementation du gouvernement, elles clarifient la situation en ce qui concerne la gestion environnementale de tout projet.

La commission en conclut que, même si le projet empiète sur des titres et des droits autochtones détenus dans la région de la baie Voisey par l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, les gouvernements n'ont pas besoin du consentement officiel de ces associations pour autoriser la réalisation du projet. Cependant, un tel empiétement ne peut se produire sans la participation, la consultation et l'indemnisation des Autochtones représentés par ces organismes. Par conséquent, le Canada et la province ne peuvent pas autoriser la réalisation du projet avant d'avoir respecté leurs obligations en ce qui a trait à la nécessité de favoriser la participation de ces groupes, de les consulter et de les indemniser.

La commission juge que la poursuite du projet avant le règlement des revendications territoriales des Innu et des Inuit nuirait aux négociations relatives à ces revendications, notamment en ce qui a trait à la cogestion de l'environnement, au partage des recettes liées à l'exploitation des ressources et probablement aux ententes sur les impacts et les avantages.

Selon la commission, les ententes sur les revendications territoriales constituent pour les gouvernements la façon la plus efficace de remplir leurs obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation des Autochtones, même s'il ne semble pas y avoir d'obligation légale de conclure de telles ententes. La commission fait remarquer que des arrangements de remplacement parallèles ou des arrangements qui mèneraient à des règlements de revendications territoriales pourraient aussi permettre aux gouvernements de remplir leurs obligations. Pour faire en sorte que le projet puisse bénéficier d'avantages durables et équitables, la commission croit que ces autres arrangements ne devraient pas, toutefois, avoir des résultats moins avantageux pour les Inuit et les Innu que s'ils avaient conclu des ententes sur les revendications territoriales.

La commission est d'avis que le règlement des revendications territoriales constitue la meilleure avenue possible. Elle admet toutefois que des facteurs tout à fait étrangers au projet pourraient retarder indéfiniment le règlement d'une ou des deux revendications territoriales. Le cas échéant, il faudra alors adopter les mesures de remplacement pertinentes, telles que décrites au chapitre 17.

Recommandation 3

La commission recommande que le Canada et la province concluent et ratifient des ententes de principe avec les Inuit du Labrador, représentés par l'Association des Inuit du Labrador, de même qu'avec les Innu du Labrador, représentés par la nation Innu, avant d'accorder toute autorisation au projet. Les ententes de principe devraient prévoir, en matière de cogestion, des mesures provisoires exécutoires et liant les parties, de façon à établir un pont entre la fin de cette évaluation environnementale et la mise en application intégrale des éléments relatifs à la cogestion prévus dans ces ententes. A cette fin, le Canada et la province se verront obligés de modifier leurs approches de négociations relatives aux revendications territoriales, pour que les mesures provisoires nécessaires soient adoptées en tant que partie intégrante de l'entente de principe.

Autrement, la commission recommande que le Canada et la province, avant d'accorder toute autorisation au projet, négocient des mesures de remplacement équivalentes avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, telles qu'indiquées au chapitre 17. De telles mesures doivent garantir la participation, la consultation et l'indemnisation des Inuit et des Innu relativement au projet, conformément aux obligations fiduciaires du Canada et de la province.

La commission considère que les arrangements proposés au chapitre 17, notamment la proposition visant la création d'un Conseil consultatif de l'environnement, sont équivalents et conformes aux dispositions des revendications territoriales en qui concerne la gestion de l'environnement. La commission juge donc que le Conseil consultatif de l'environnement, dont il est question dans les chapitres suivants, pourrait fonctionner à l'intérieur ou à l'extérieur du cadre d'une entente finale sur les revendications territoriales.

La commission admet que la VBNC a aussi des droits et des intérêts qui pourraient être lésés si les gouvernements ne remplissent pas rapidement leurs obligations à l'égard des détenteurs de titre ancestral autochtones. Elle reconnaît que la VBNC a demandé légalement des droits de prospection et que la province lui a accordé ces droits. Il incombe à la Couronne de voir à ce que les droits et les titres qu'elle accorde à une tierce partie soient clairs et non grevés. Pour amoindrir les effets néfastes de cette recommandation sur la VBNC, la commission considère que la recommandation 3 peut être mise en uvre pendant que la VBNC planifie le projet et dépose ses demandes de permis. Le début de la construction s'en trouverait facilité lorsque l'autorisation finale serait accordée.

Recommandation 4

La commission recommande que, quelle que soit l'option adoptée à la suite de la recommandation 3, en autant que les arrangements sont légalement exécutoires et lient les parties, la VBNC puisse se prévaloir d'une autorisation conditionnelle et bénéficier d'une garantie satisfaisante lui permettant de planifier le projet et de déposer des demandes de permis pendant que les négociations se poursuivent. Les deux processus pourraient ainsi se réaliser simultanément plutôt que séquentiellement. Il ne faudrait pas permettre, toutefois, que la construction ne débute réellement avant que les conditions de la recommandation 3 ne soient remplies.

4.3 Entente sur les impacts et les avantages

La présente section décrit comment les ententes sur les impacts et les avantages atténuent les effets pondérés d'un projet pour aider les gouvernements remplir leurs obligations en matière de participation, de consultation et d'indemnisation. Elle aborde aussi les liens qui existent à cet égard entre les ententes sur les impacts et les avantages et les ententes sur les revendications territoriales. Le mode particulier selon lequel les ententes sur les impacts et les avantages peuvent atténuer ou rehausser les effets d'un projet est expliqué dans une autre section du présent rapport.

Si d'une part les ententes sur les impacts et les avantages constituent une partie intégrante et typique d'une entente sur les revendications territoriales, elles peuvent aussi exister en dehors d'un tel cadre. Des compagnies minières et des populations autochtones de toutes les parties du Nord canadien et de l'Alaska ont négocié bon nombre d'ententes de ce genre. Les ententes sur les impacts et les avantages sont devenues plus globales. Elles n'abordent plus les occasions d'emploi ou d'affaires seulement, mais elles touchent aussi les questions sociales et culturelles et procurent des avantages financiers. Par exemple, l'entente sur l'initiative minière de Whitehorse (négocié par l'industrie minière, le gouvernement, les syndicats ouvriers, les peuples autochtones et la collectivité environnementaliste) ne font pas explicitement référence aux ententes sur les impacts et les avantages. Cependant, de nombreuses recommandations de l'entente qui visent améliorer les relations entre les peuples autochtones et l'industrie minière se négocie par le biais d'ententes sur les impacts et les avantages.

En dehors du cadre des revendications territoriales décrit à la section précédente, il n'existe aucune forme ni aucun contenu prescrit pour les ententes sur les impacts et les avantages; elles évoluent dans chacun de ces deux aspects. Les ententes sur les impacts et les avantages sont des ententes bilatérales conclues entre des parties privées. Les détails de leurs négociations et leur contenu ne relèvent donc pas du domaine public. Cependant, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux déclaré qu'elles soumettraient leurs ententes sur les impacts et les avantages à des votes de ratification officiels. Elles devront rendre public le contenu des ententes, sauf peut-être certains renseignements propriétaux.

En 1995, la VBNC a amorcé sur une base discrétionnaire des négociations visant la conclusion d'ententes sur les impacts et les avantages avec les Innu et les Inuit. Ces négociations ont débuté avant que ne soient établies les revendications territoriales, avant l'évaluation environnementale et avant l'approbation du projet, soit une démarche qui se situe à l'opposé des dispositions contenues dans les ententes sur les revendications territoriales. L'initiative de la VBNC est tout à son honneur, bien qu'elle se soit heurtée des difficultés.

En novembre 1998, les négociations sur les ententes sur les impacts et les avantages avaient progressé considérablement dans la plupart des domaines, mais aucune entente n'était encore conclue. L'Association des Inuit du Labrador a informé la commission qu'il n'y avait pas de négociations en cours à ce moment-là, ni de processus visant à les poursuivre. La nation Innu et la VBNC ont conjointement fait part à la commission qu'elles en étaient arrivées à une entente préliminaire sur beaucoup de points et qu'elles poursuivaient leurs pourparlers. Des participants ont indiqué que plusieurs facteurs entravaient la conclusion de ces ententes sur les impacts et les avantages.

Par exemple, les Inuit et les Innu ont cherché à négocier une indemnisation directe avec la VBNC, une démarche qui s'éloigne passablement des démarches prévues dans les ententes sur les revendications territoriales. Les dirigeants de la VBNC ont déclaré qu'ils n'entendaient pas, au moyen des ententes sur les impacts et les avantages, assumer des responsabilités qui relèvent normalement des gouvernements. Ils ont aussi exprimé leur préoccupation l'endroit de la démarcation imprécise entre ce qui relève vraiment du domaine des revendications territoriales et ce qui relève des ententes sur les impacts et les avantages, ce qui a causé l'échec des négociations. La commission partage le point de vue de la VBNC et juge que la situation plaide en faveur de la conclusion d'une entente sur les revendications territoriales qui servirait par la suite de cadre à la négociation des ententes sur les impacts et les avantages. La commission croit qu'il serait avantageux pour la VBNC et les parties autochtones que les gouvernements clarifient d'abord leurs responsabilités avant que ne débutent les négociations concernant les ententes sur les impacts et les avantages.

La VBNC considérait aussi comme un obstacle les dispositions légales demandées par l'Association des Inuit du Labrador. La commission n'a pas été informée des détails de ces dispositions et n'émet aucune opinion ce sujet.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu affirment que les incertitudes que comporte la description du projet ont nui aux négociations en raison des différents objectifs qui pourraient être poursuivis sous différentes conditions du projet. La commission note qu'en vertu des ententes existantes sur les revendications territoriales, les négociations de l'entente sur les impacts et les avantages suivraient l'évaluation environnementale et l'approbation du projet. En outre, cela démontre pourquoi il serait préférable de conclure aussitôt que possible une entente sur les revendications territoriales, puis de poursuivre dans un tel cadre les négociations concernant les ententes sur les impacts et les avantages.

Finalement, toutes les parties concernées ont déclaré qu'elles ne voulaient pas se faire imposer de délai pour les négociations. La commission fait remarquer que de tels délais sont obligatoires dans le cadre des revendications territoriales et que le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada a imposé une date limite dans le cas du projet de mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle croit qu'une date limite, assortie d'une disposition concernant le règlement de différends, est souhaitable dans ce cas, si l'autorisation est par ailleurs imminente.

L'Association des Inuit du Labrador a déclaré qu'il n'existe aucun substitut, ni aucune solution de remplacement à une entente sur les impacts et les avantages. La nation Innu affirme que les gouvernements ne peuvent pas imposer les dispositions détaillées d'une entente sur les impacts et les avantages comme modalités d'une approbation. La VBNC a désigné les ententes sur les impacts et les avantages comme un moyen d'atténuer certains effets éventuellement nuisibles et de rehausser les effets avantageux. Pour toutes ces raisons, la commission ne peut recommander le démarrage du projet avant que les négociations n'aboutissent à une entente sur les impacts et les avantages formelle.

La commission reconnaît que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages se sont heurtées à certains obstacles, tels que décrits précédemment. Elle croit que la meilleure façon d'aplanir ces obstacles consiste à résoudre la question des revendications territoriales, et de poursuivre ensuite les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages dans le cadre plus précis et plus restreint des ententes sur les revendications territoriales. La conclusion d'ententes sur les impacts et les avantages dans le cadre d'une entente sur les revendications territoriales assurerait que les ententes sur les impacts et les avantages n'englobent ni le programme ni les éléments financiers habituellement offerts par les gouvernements dans une entente sur les revendications territoriales. Une telle démarche ferait disparaître certaines incertitudes créées par les dispositions des ententes sur les impacts et les avantages qui peuvent entraîner un chevauchement. Selon la VBNC, les dispositions cet égard qui ont été négociées avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu constituent un problème supplémentaire. Cette démarche tiendrait compte également des préoccupations exprimées par les représentants de la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu et éviterait toute possibilité d'effets néfastes sur les revendications territoriales elles-mêmes (effets qui sont décrits à la section 4.2.3).

Recommandation 5

La commission recommande que le Canada et la province n'autorise aucunement le projet avant que l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu n'aient conclu une entente sur les impacts et les avantages avec la VBNC. Que ces ententes soient conclues ou non dans le cadre d'une Entente sur le règlement des revendications territoriales, les négociations relatives ces ententes devraient mener à la conclusion d'une entente dans un délai convenu par les parties, ou, s'il y a lieu, le ministre chargé de l'autorisation du projet devrait imposer un calendrier. Le cadre de négociation devrait aussi comprendre des dispositions en matière de règlement des différends, notamment le recours à l'arbitrage obligatoire au besoin.

Conformément au cadre des revendications territoriales, la commission croit que les négociations d'une entente sur les impacts et les avantages devraient être conclues à la suite du présent examen, être soumises à un calendrier, consenties par les parties ou imposées, et comporter une disposition relative au règlement des différends qui comprendrait au besoin, en dernier ressort, un arbitrage exécutoire. Le ministre qui autorise le projet pourrait imposer de telles conditions.