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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

8 Les poissons d'eau douce et leurs habitats

Les différentes modifications et les activités inhérentes au projet pourraient toucher les poissons et les habitats qu'ils fréquentent dans huit bassins hydrographiques. La VBNC a recueilli des données sur les conditions de base de ces bassins. En outre, les eaux communiquent presque à l'année longue entre les décharges des ruisseaux Reid, Kogluktokoluk et Ikadlivik. En fait, le ministère des Pêches et des Océans du Canada considère le ruisseau Reid comme un affluent du système hydrographique plus vaste que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokoluk et Ikadlivik. Par conséquent, la VBNC a aussi recueilli des données sur les conditions de base de ce neuvième bassin hydrographique (voir la carte à la page 69).

Le projet étant situé dans une zone péninsulaire de haut-relief, les huit bassins hydrographiques sont petits, couvrant de 10 à 170 kilomètres carrés chacun. Même si la productivité aquatique est faible dans la région de Landscape comparativement à la productivité dans les régions plus au sud, les écosystèmes aquatiques des deux paysages écologiques de cette région diffèrent sensiblement. Dans les hautes terres, le peu de nutriments disponibles, les débits intermittents et les fortes pentes limitent le nombre d'habitats et la productivité des poissons. Par contre, la productivité est relativement supérieure dans les cours d'eau et les rivières plus larges qui serpentent dans les lits de sable et de gravier profonds que l'on retrouve dans les vallées des terres basses, qui sont bien végétalisées et protégées. Le système hydrologique des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, avec son delta estuarien, constitue un vaste habitat de poissons, surtout pour l'omble chevalier (ou omble de l'Arctique), et il est reconnu comme une des régions écologiques les plus riches de la région de Landscape et de la partie septentrionale du Labrador.

Les études menées sur le terrain par la VBNC ont permis de relever la présence des espèces de poissons suivantes dans la zone de l'évaluation : l'omble chevalier, la truite mouchetée, la truite grise, le ménomini rond, l'épinoche à trois épines et l'épinoche à neuf épines.

La mine, l'usine de concentration, le complexe d'hébergement, les installations de stockage de mort-terrain et de stériles, ainsi que l'installation initiale de gestion des résidus (au lac Headwater) seraient tous situés dans le bassin hydrographique du ruisseau Reid, de même que les voies de transport et près de la moitié de la route d'accès principale du projet. La VBNC propose toutefois de détourner vers d'autres bassins la grande partie des eaux de drainage directement touchées par les activités du projet, pour en réduire les impacts sur le ruisseau Reid.

Le North Tailings Basin, installation destinée à la gestion des résidus produits à l'étape de l'exploitation souterraine, détruirait les habitats dans trois lacs et aurait une incidence sur trois autres bassins hydrographiques cause du détournement des ruisseaux, des infiltrations dans les digues de rétention ou de l'écoulement de l'eau à l'étape postérieure à la désaffectation. La construction des routes d'accès connexes et d'un pipeline pour les résidus aurait aussi des répercussions sur ces lacs et ces bassins.

La VBNC a évalué les effets possibles de la construction prévue dans le cadre du projet, des activités courantes et projetées, ainsi que des événements impondérables comme le déversement de matières dangereuses, les incendies, les bris de pipeline pour résidus ou effluents, les bris de barrages, de même que l'inondation ou le lessivage des routes. L'évaluation des effets environnementaux possibles sur les poissons et les habitats a porté sur les rubriques suivantes :

  • perte d'habitats, causée par les détournements de cours d'eau ou les baisses de niveaux d'eau dans ces cours d'eau, ainsi que par la conversion de lacs en installations de gestion des résidus;
  • perte de poissons, qui surviendrait au début de l'exploitation dans les installations de gestion des résidus;
  • modification des habitats, causée par différentes activités qui peuvent modifier les débits d'eau, modifier les caractéristiques des littoraux ou occasionner des déversements de solides en suspension, de métaux ou d'autres produits chimiques.

Une modélisation des contaminants a été effectuée en vue de prévoir l'absorption de contaminants dans trois organismes d'eau douce représentatifs : l'omble de l'Arctique, la truite mouchetée et un gastropode d'eau douce non spécifié (voir le chapitre 7, Contaminants dans l'environnement).

La VBNC propose les activités suivantes pour protéger le ruisseau Reid et les autres systèmes hydrographiques :

  • consolider les installations et réduire les zones de dérangement;
  • déverser les effluents traités des deux installations de résidus et de l'usine dans les eaux salées de l'anse à Edward et de la baie Kangeklualuk;
  • utiliser le plus possible de l'eau recyclée, ce qui réduirait les prélèvements d'eau;
  • récupérer et traiter les eaux de drainage du complexe minier, déversant en bout de ligne les effluents à l'extérieur du bassin du ruisseau Reid;
  • détourner de façon permanente les rejets de l'installation de gestion des résidus du lac Headwater par le bassin de la baie Throat à l'étape qui suivrait la désaffectation.

Le plan de protection de l'environnement élaboré par la société comprendra d'autres mesures d'atténuation, notamment :

  • des installations et des pratiques de contrôle de l'érosion et des sédiments;
  • des procédures visant la protection des poissons et des habitats de poissons pendant différentes activités telles que le nivelage des routes, le dynamitage, l'excavation, le dragage et le déglacement des pistes d'atterrissage, activités dont il faudrait fixer le calendrier de façon à ce qu'elles ne coïncident pas avec les périodes de vulnérabilité des poissons;
  • l'éducation et la formation du personnel;
  • une politique d'interdiction de la pêche pour les employés.

Outre les processus d'évaluation environnementale fédéral et provincial, il existe trois mesures législatives dans le cadre réglementaire visant la protection des poissons et des habitats de poissons. En vertu de la Loi sur les pêches, le ministère des Pêches et des Océans réglemente, dans les cours d'eau et dans leurs environs, toutes les activités qui pourraient avoir des effets sur les habitats des poissons. Le paragraphe 35(1) stipule qu'il est interdit d'accomplir un travail ou une opération qui entraînerait « la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson ». Cependant, en vertu du paragraphe 35(2), le ministère pourrait autoriser la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson pour des activités liées à la mise en uvre du projet.

En 1986, le ministère des Pêches et des Océans adoptait la politique pour la gestion des habitats du poisson, qui établissait le concept de la « perte nette nulle » comme principe directeur. Ce principe, qui vise maintenir une capacité de production des habitats du poisson, prévoit le remplacement, selon chaque cas, des habitats dont la perte est inévitable. Par conséquent, quand Pêches et Océans Canada autorise la destruction de l'habitat du poisson, le promoteur doit négocier un plan de compensation d'habitat avec ce ministère et signer une entente contractuelle ayant force obligatoire. Pour étudier les options en matière de compensation, le ministère se réfère à un ordre de préférence défini dans la Politique pour la gestion des habitats du poisson. Cet ordre se résume ainsi :

  1. éviter la perte des habitats, en modifiant le projet, en le relocalisant ou en atténuant ses effets;
  2. remplacer la capacité d'habitat perdue sur le site même du projet ou à proximité;
  3. remplacer, à l'extérieur du site, la capacité d'habitat perdue ou augmenter la productivité des habitats qui existent pour les stocks touchés;
  4. Lorsque aucune des méthodes de remplacement d'habitats indiquées ci-devant n'est techniquement réalisable, suppléer à la perte de l'habitat de cette ressource halieutique à l'aide de la production artificielle. (Le ministère des Pêches et des Océans indique qu'il ne faut envisager ce procédé qu'en de rares occasions).

En vertu de la Loi sur les pêches, les déversements liquides du projet doivent aussi respecter les exigences du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux, dont l'application est administrée par Environnement Canada. En outre, il faut obtenir un permis en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables pour tout travail susceptible de nuire la navigation publique, une disposition qui touche les installations de gestion des résidus.

En vertu de la réglementation sur le contrôle environnemental des eaux et des égouts adoptée par la province de Terre-Neuve et du Labrador, le ministère de l'Environnement et du Travail de cette province réglemente les prélèvements d'eau et les diverses formes de construction dans les cours d'eau et les voies d'évacuation des eaux usées, de même qu'en périphérie de ceux-ci.

En 1995, la VBNC a entrepris des études sur les conditions de base, notamment sur le débit des cours d'eau, la bathymétrie des lacs, la qualité de l'eau et des sédiments, la productivité primaire, les macroinvertébrés benthiques, ainsi que les poissons et leurs habitats. Une partie de ce travail s'est poursuivie jusqu'en 1998 et la VBNC a fourni un rapport d'étapes pendant les audiences.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada et la VBNC n'ont pas encore fini de déterminer le nombre total d'habitats de poissons que le projet est susceptible de modifier, de déranger ou de détruire. Selon les prévisions de l'étude d'impact environnemental de la VBNC, le projet toucherait notamment les lacs où seraient logées les deux installations de gestion des résidus, ainsi que certains habitats des ruisseaux situés proximité de la mine à ciel ouvert et du South Sedimentation Pound. La VBNC ne considère pas toutefois qu'il s'agisse d'un effet résiduel, puisqu'elle remplacerait l'habitat conformément aux dispositions de l'entente sur la compensation des habitats de poissons. Dans d'autres zones où le projet pourrait réduire les débits d'eau, la VBNC s'engage à maintenir des débits minimums ou de remplacer l'habitat conformément aux dispositions de l'entente sur la compensation.

Des effets environnementaux résiduels négligeables ou mineurs sont prévus pour chacun des huit bassins hydrographiques, à l'exception des cas suivants :

  • d'éventuels accidents pourraient avoir des effets dont la gravité pourrait varier de négligeable à importante;
  • le nickel contenu dans l'eau déversée des deux installations de traitement des résidus après l'étape de désaffectation pourrait avoir un effet sublétal (modéré) sur les gastropodes du ruisseau du North Tailings Basin, en aval du barrage 2, tronçon pouvant s'étendre jusqu'au lac 57 inclusivement, alors que l'aluminium contenu dans cette eau pourrait produire un effet sublétal pour les ombles dans le même secteur du ruisseau du North Tailings Basin et dans le ruisseau de la baie Throat, au lac 64.

8.1 Effets sur l'omble

Les études ont principalement porté sur l'omble anadrome qui passe la majeure partie de l'année dans le système du ruisseau Reid. Cette espèce est plus grosse et beaucoup plus abondante que l'omble de fontaine qui vit dans certains lacs. Comme la VBNC l'a fait remarquer, l'omble de fontaine a constitué une importante source alimentaire locale pour de nombreuses générations et a fait l'objet d'une pêche commerciale importante depuis les années 1970.

Dans leur travail sur les conditions de base, les chercheurs de la VBNC se sont employés considérablement à étudier l'omble chevalier. Par exemple, ils se sont penchés sur les caractéristiques biologiques qui déterminent le taux de croissance et la production de l'espèce; ils ont effectué des études de radio mesure sur les poissons prélevés du ruisseau Reid et du ruisseau Ikadlivik, pour mieux connaître leur comportement migratoire; ils ont mené une enquête pour documenter les zones d'activités de frai dans le ruisseau Reid et ils ont fait fonctionner une barrière de comptage dans le ruisseau Reid. La VBNC a aussi tiré parti du travail exhaustif réalisé par Pêches et Océans Canada sur l'omble chevalier au Labrador.

Néanmoins, les connaissances relatives au stock d'omble de la baie Voisey ne sont encore que très élémentaires, selon Pêches et Océans Canada. Les seuls renseignements dont dispose le ministère sur les populations, outre les récentes études menées par la VBNC à l'aide de techniques de baguage et de comptage, sont les quantités débarquées que déclarent les pêcheurs commerciaux, quantités qui varient selon l'intensité des activités de pêche qui sont déployées. La VBNC est d'avis que le stock a baissé en deçà de la capacité naturelle de la zone en raison de la surpêche. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada s'interroge sur cette question et pense que l'omble est beaucoup plus abondant que ne le laissent croire les statistiques sur les prises. Les quantités débarquées ont diminué, mais le ministère doute qu'il faille en conclure que les stocks sont bas. Le ministère sait fort bien que les quantités de poissons de n'importe quel système fluvial peuvent fluctuer considérablement d'une année à l'autre.

Puisque la VBNC a trouvé des ombles dans les tronçons inférieurs du ruisseau du lac Camp, le ministère a recommandé que les effets du projet sur les ombles soient réévalués. Il se peut que les ombles fréquentent le ruisseau du lac Camp uniquement pendant les années de hautes eaux. Cependant, puisque les effets du projet seraient probablement plus prononcés dans le ruisseau du lac Camp que dans le ruisseau Reid, la commission est d'avis que la VBNC devrait fournir de plus amples renseignements sur l'importance du ruisseau du lac Camp pour les ombles et devrait faire tout ce qu'elle peut pour assurer que le projet ne nuira pas à l'omble si elle utilise ce ruisseau (voir la recommandation 17). La détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson ne devrait être autorisées qu'en dernier ressort.

Il semble que les principales zones contenant des habitats de frai et d'hivernage dans le ruisseau Reid se trouvent en amont de la décharge du ruisseau du lac Camp, alors que le projet toucherait surtout la qualité et la quantité de l'eau en aval. L'omble peut évoluer dans les parties en aval du ruisseau Reid à l'année longue; chacun des poissons ne passe toutefois que peu de temps à cet endroit, qui n'est qu'un lieu de passage. Il est donc crucial qu'un débit d'eau suffisant y soit maintenu pour que les ombles puissent se déplacer librement entre leurs habitats dans les tronçons supérieurs du ruisseau Reid, du ruisseau Ikadlivik et de l'estuaire de la baie Voisey.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada, la nation Innu et d'autres participants se sont interrogés sur la fiabilité des prévisions en matière de débits, lesquelles se sont fondées sur des observations hydrométriques effectuées sur place pendant une période relativement courte. La VBNC s'est engagée à poursuivre ces observations et à mettre à jour son plan de gestion des eaux en fonction des résultats. Des intervenants se sont aussi prononcés contre le recours à des valeurs moyennes pour les écoulements de surface, en se fondant sur le fait que les réductions de débits pouvaient se révéler davantage néfastes en saison sèche. La commission conclut que la VBNC devrait établir et étayer des exigences en matière de débits minimums, et démontrer comment son plan de gestion de l'eau assurera le maintien de ces débits en permanence, notamment durant les années de sécheresse. La commission aborde cette question dans la recommandation 17.

8.2 Perte d'habitat

Lors des audiences, la commission a entendu de longs débats concernant l'application au projet du principe de « perte nette nulle ». Les participants ont aussi beaucoup discuté des rapports qui existent entre le processus utilisé pour déterminer la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, les résultats probables ou souhaitables de ce processus, ainsi que la détermination et le classement par ordre d'importance des effets sur l'habitat du poisson dans le cadre de l'étude d'impact environnemental. A Pêches et Océans Canada, la définition couramment employée pour la perturbation de l'habitat du poisson est « tout changement dans l'habitat du poisson qui réduit la capacité qu'a cet habitat de soutenir un ou des processus vitaux du poisson ».

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada définit l'habitat du poisson comme comportant des attributs physiques, chimiques et biologiques, mais il ne considère que les détériorations physiques pour déterminer s'il y a destruction de l'habitat du poisson. Les changements dans le débit de l'eau, ainsi que la sédimentation qui étouffe ou détériore physiquement par d'autres façons l'habitat du fond constituent notamment des détériorations physiques. Les détériorations chimiques sont réglementées en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches, qui traite des substances délétères; l'application de cet article est administrée par Environnement Canada.

La VBNC prévoit que le projet détruirait ou perturberait l'habitat des eaux stagnantes dans le lac Headwater et dans le bassin des résidus Nord; l'habitat lotique dans le ruisseau du bassin des résidus Nord en aval des installations de stockage des résidus et dans l'affluent no 1 du bassin hydrologique du ruisseau Reid; l'habitat marin mésolittoral l'emplacement de l'installation portuaire.

Dans certains secteurs où le projet causerait des changements de débit, l'étude d'impact environnemental indique que les effets correspondraient aux écarts de débit qui sont naturellement possibles ou aux caractéristiques des niveaux d'eau des lacs. Ces effets ne constitueraient donc pas une perturbation de l'habitat du poisson, ni un effet résiduel. Cette conclusion suppose que, dans certains cas, il faudrait peut-être mettre en uvre des mesures d'atténuation pour assurer un débit minimal. L'étude d'impact environnemental n'indique pas comment ces débits minimaux seraient déterminés ou assurés. Dans une réponse à Pêches et Océans Canada, la VBNC reconnaît que de nombreuses préoccupations à propos de changements de débits et de leurs répercussions sur l'habitat du poisson « ne pourront être entièrement résolues qu'à l'étape des travaux de conception détaillée et que c'est ce moment-là qu'elle se penchera sur les changements de débits, au cas par cas ». Dans certaines situations, le volume, le choix du moment et la durée des changements dépendraient du projet définitif, du bilan hydrologique et des besoins en eau pour le traitement. Les mesures d'atténuation possibles comprendraient la réduction des besoins en eau ou l'utilisation d'autres sources d'approvisionnement, de même que la nécessité d'éviter les périodes vulnérables ou d'augmenter le débit pendant les périodes de sécheresse.

La VBNC a fait explicitement valoir que l'évaluation environnementale ne devrait pas s'engager dans la détermination de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson : « La détermination de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson est un processus distinct et toute tentative visant à résoudre les questions relatives la détermination et à la compensation dans le cadre du processus d'évaluation environnementale est déplacée et contraire aux directives reçues du ministère des Pêches et des Océans du Canada. » Néanmoins, la VBNC s'est plainte plusieurs reprises, pendant les audiences, des difficultés qu'elle éprouvait avec le processus de détermination de destruction de l'habitat du poisson car le ministère des Pêches et des Océans du Canada ne lui avait pas fourni de critères d'évaluation quantitative convenables.

La VBNC a déposé devant la commission son rapport d'évaluation quantitative de l'habitat, un rapport distinct de l'étude d'impact environnemental. On indiquait dans ce rapport que la prochaine étape du processus consisterait produire un rapport sur les choix qui s'offrent en matière de compensation pour les pertes d'habitat de poisson qui sont prévues. Un processus de consultation des parties intéressées suivrait le dépôt de ce dernier rapport.

Selon le ministère des Pêches et des Océans du Canada, la détermination de perturbation de l'habitat du poisson devrait faire partie intégrante du processus d'évaluation environnementale et ne devrait pas être reléguée une étape ultérieure de demande de permis. Le ministère a critiqué l'étude d'impact environnemental car, selon lui, la VBNC n'avait pas déterminé convenablement les effets possibles sur l'habitat. Il a maintenu qu'il avait fourni beaucoup de renseignements sur les critères d'évaluation quantitative et avait donné à la VBNC une liste de documents qui fournissent de plus amples renseignements sur la question. Néanmoins, Pêches et Océans Canada a indiqué qu'il n'avait pas encore établi de critères pour évaluer l'habitat des eaux stagnantes et l'habitat marin.

Dans ses recommandations à la commission, le ministère a indiqué qu'il souhaitait obtenir de plus amples renseignements relativement aux effets sur l'habitat du poisson qui seraient causés par les activités suivantes :

  • la construction et l'opération des bassins de résidus;
  • le prélèvement d'eau initial dans ces bassins;
  • les modifications de débit dans le ruisseau Reid, le North Tailings Basin, la baie Throat et dans les bassins hydrographiques de l'option 5;
  • les plans de détournement, puis de remise en place, de cours d'eau dans ces bassins hydrographiques;
  • la sédimentation dans le lac Camp;
  • la détermination et le maintien des débits minimaux.

Le genre de détails souhaités par Pêches et Océans Canada concernait l'utilisation du substrat, les embûches à la migration, l'empêchement de la migration, l'affouillement, les obstacles à la vitesse de passage, l'utilisation de l'habitat envisagée, les fluctuations de débit annuelles et les périodes vulnérables sur le plan biologique.

Un expert représentant la nation Innu a critiqué la quantité de données sur les conditions de base que la VBNC avait recueillies. Il a affirmé que l'étude d'impact environnemental sous-estimait le nombre total d'habitat que le projet toucherait. Il a aussi suggéré que les modifications causées par le projet pourraient aussi toucher l'habitat en amont dans certains cas. La VBNC a indiqué qu'elle avait étudié la possibilité de dégradation de l'habitat en amont qui, dans bon nombre de cas, était limité par des obstructions, de fortes pentes d'écoulement et des débits intermittents. La principale conclusion de la nation Innu était que la VBNC devrait examiner de nouveau les différentes façons de réaliser le projet pour voir s'il serait possible de réduire l'ampleur de ses effets sur l'habitat du poisson. (La commission examine différentes façons de traiter les résidus dans le chapitre 6, Gestion des résidus, des déchets rocheux et des eaux usées de la mine.

La commission convient que la détermination de la détérioration, de la destruction ou de la perturbation de l'habitat du poisson et la négociation d'ententes sur la compensation de l'habitat est en effet un processus distinct de l'évaluation environnementale, de la même façon que la négociation d'ententes sur les impacts et les avantages entre la VBNC et les groupes autochtones est un processus distinct. Mais la commission croit aussi que le processus visant à déterminer la destruction de l'habitat du poisson doit être envisagé pendant l'évaluation environnementale car, à l'instar des ententes sur les impacts et les avantages, il permettrait de déterminer des éléments importants du programme d'atténuation. Plus précisément, le processus de détermination d'une situation de destruction de l'habitat du poisson permettrait :

  • d'entreprendre, relativement à tous les effets physiques éventuels sur l'habitat, un examen plus détaillé qu'il n'est possible de faire pendant l'évaluation environnementale, en se servant des connaissances spécialisées de Pêches et Océans Canada, ainsi que de celles de l'équipe du projet, pour déterminer précisément les genres de mesures d'atténuation qui, en premier lieu, empêcheraient les effets de se produire (et par conséquent d'éviter une situation de destruction);
  • de fournir, pour l'habitat perdu, une compensation qui soit conforme l'ordre de préférence du ministère des Pêches et des Océans du Canada.

La commission convient avec la VBNC que certaines méthodes génériques d'atténuation sont bien établies, comme les méthodes de contrôle de la sédimentation sur les chantiers de construction et les méthodes de réduction des effets à l'aide de la conception et de la construction d'ouvrages pour la traverse des cours d'eau. D'autres méthodes, comme celles qui permettraient de maintenir des débits d'eau minimaux dans tous les systèmes hydrographiques d'eau douce qui seraient touchés, devraient être adaptées chaque emplacement.

La commission croit que Pêches et Océans Canada dispose à la fois des pouvoirs réglementaires et des ressources voulus pour assurer de façon rigoureuse l'examen et la détermination de la détérioration de l'habitat du poisson. Par conséquent, la principale préoccupation de la commission consiste à évaluer l'ensemble des effets probables du projet sur l'habitat, plutôt qu'à refaire le travail de Pêches et Océans Canada.

Pour la commission, la principale énigme - et, lors des audiences, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a convenu que cela constituait en effet une énigme - est que personne ne connaît, à cette étape du projet, la façon dont la VBNC pourrait procéder pour la compensation. Est-ce que la société pourrait créer des habitats semblables ou accroître la capacité de production à proximité, pour le même stock de poissons? Ou serait-elle obligée de créer de nouveaux habitats à l'extérieur de la zone de projet et, dans pareil cas, quelles en seraient les conséquences pour les utilisateurs locaux de cette ressource? Ou bien, si ces solutions ne devaient pas s'appliquer, est-ce que la VBNC devrait payer une indemnité en argent que Pêches et Océans Canada utiliserait ailleurs. (Le promoteur du projet d'exploitation d'une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest a été obligé de payer une indemnité de cette sorte; la commission reconnaît toutefois que le ministère considère qu'il s'agit d'une situation exceptionnelle qui constitue un précédent non souhaitable.)

Par conséquent, la commission en conclut que le but principal du processus de détermination de la déterioration de l'habitat du poisson devrait être de déterminer toutes les façons possibles d'éviter toute détérioration, destruction ou perturbation de l'habitat du poisson. Pour les besoins de l'évaluation, la VBNC a fourni suffisamment de renseignements sur les conditions de base pour donner une idée de l'importance générale potentielle des effets sur l'habitat. Toutefois, dans le cadre du processus de détermination de la détérioration de l'habitat du poisson, la VBNC a besoin de donner de plus amples renseignements sur la façon dont elle se propose d'éviter les effets néfastes pour l'habitat du poisson, surtout en maintenant des débits minimaux. Ainsi, la VBNC doit déterminer les débits nécessaires aux différentes espèces, dans diverses parties du système hydrologique et à différentes périodes de l'année, et la façon dont elle peut assurer ces débits.

Recommandation 17

La commission recommande que, avant que Pêches et Océans Canada autorise le projet en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, la VBNC prépare un rapport sur la protection de l'habitat du poisson relativement aux éléments de prévention et de protection qui sont proposés dans la conception du projet et dans le plan de protection de l'environnement. Ce rapport devrait aborder les aspects suivants :

  • l'atténuation des effets découlant des changements de débit pendant la construction, les périodes d'évacuation de l'eau, l'exploitation et la désaffectation;
  • les débits minimaux (et, s'il y a lieu, maximaux) à maintenir, y compris des renseignements sur la façon dont ces débits ont été déterminés;
  • la provenance de l'eau utilisée pour maintenir les débits, de même que les mécanismes de surveillance requis pour cette mesure d'atténuation.
  • la mesure dans laquelle l'omble utilise l'habitat que fournit le ruisseau du lac Camp;
  • les façons dont le projet pourrait nuire à cette utilisation et, si nécessaire, des détails sur toute autre mesure d'atténuation proposée pour assurer qu'aucun effet important n'en résultera.
  • un programme convenable de surveillance des effets environnementaux.

La commission n'a entendu aucune preuve démontrant que l'habitat susceptible d'être perdu était particulièrement productif comparé à d'autres habitats de la région, ou qu'il s'agissait d'un endroit important pour la pêche. Cependant, comme le public n'a pas eu l'occasion de présenter à la commission ses commentaires sur les résultats du processus de détermination d'une détérioration de l'habitat du poisson (c'est-à-dire, en quoi consisterait le plan de compensation), le processus devrait rester aussi ouvert que possible.

Recommandation 18

La commission recommande que Pêches et Océans Canada donne à l'Association des Inuit du Labrador, à la nation Innu et au grand public suffisamment de temps pour leur permettre d'étudier le projet d'entente sur la compensation de l'habitat du poisson et de présenter des commentaires à ce sujet.

Puisqu'une détérioration de l'habitat du poisson est déterminée en se fondant sur des prévisions et que la compensation est négociée en s'appuyant sur les mêmes fondements, la commission a demandé s'il arrivait que des ententes de compensation soient revues si la surveillance des effets environnementaux révélait une perte d'habitat imprévue. Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a convenu que cela était théoriquement possible, bien qu'il ne puisse citer un précédent.

La commission croit que le programme de surveillance des effets environnementaux devrait évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation destinées à protéger l'habitat du poisson. L'un des buts de cet examen devrait être de veiller ce que la VBNC maintienne des débits minimaux ou qu'elle applique des mesures correctives à cette fin.

La commission approuve pleinement les objectifs contenus dans l'ordre de préférence exposé dans la politique sur la protection de l'habitat du ministère des Pêches et des Océans, mais elle n'a aucun moyen d'évaluer s'il serait possible d'atténuer les effets résiduels en remplaçant l'habitat dans la zone du projet ou à proximité. La commission ne considère pas qu'une indemnité en argent payée au ministère des Pêches et des Océans du Canada, comme dans le cas du projet d'exploitation d'une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest, soit une solution de rechange acceptable.

La VBNC devra manifestement obtenir des autorisations de perturbation de l'habitat du poisson si le projet doit aller de l'avant, mais la commission est, avec d'autres intervenants, préoccupée quant à la possibilité de perte ou de détérioration continue de l'habitat si la VBNC n'était pas en mesure de maintenir les débits requis. La commission n'est pas convaincue que la VBNC serait en mesure d'atténuer convenablement les nouveaux effets résiduels en remplaçant l'habitat. Par conséquent, la commission croit que les autorisations de perturbation de l'habitat du poisson ne devraient être accordées qu'une seule fois, au début du projet, et qu'elles devraient être limitées à la perturbation de l'habitat du poisson absolument inévitable. Par la suite, la VBNC devrait être obligée de faire tout ce qu'elle peut pour protéger tous les autres habitats.

Recommandation 19

La commission recommande que Pêches et Océans Canada indique à la VBNC qu'il n'acceptera par la suite aucune autre demande d'autorisation de perturbation de l'habitat du poisson dans le cadre du projet. Le programme de surveillance des effets environnementaux globaux, présenté dans le rapport de la VBNC sur la protection de l'habitat du poisson (voir la recommandation 18), devrait comprendre une composante relative à la surveillance, qui viserait à vérifier la justesse des prévisions concernant les effets prévus du projet sur l'habitat du poisson et à évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation. Si, par la suite, les résultats de la surveillance indiquaient que les changements du débit ont détruit ou détérioré d'autres habitats, il devrait incomber à la VBNC de restaurer l'habitat le plus rapidement possible.

La commission en conclut que l'évaluation environnementale se serait déroulée plus en douceur si le processus de détermination d'une perturbation de l'habitat du poisson avait été réalisé plus en profondeur et si la VBNC avait été en mesure de présenter un examen des solutions possibles en matière de compensation pour la perte d'habitat. Le différend qui a opposé Pêches et Océans Canada et la VBNC relativement à la clarté des directives concernant l'identification et le classement des habitats semble avoir causé ce retard en grande partie.

Recommandation 20

La commission recommande que Pêches et Océans Canada élabore un guide du promoteur relativement à la détermination d'une perturbation de l'habitat du poisson et à l'élaboration des choix possibles en matière de compensation pour la perte d'habitat du poisson; ce guide devrait indiquer clairement la marche à suivre, les méthodes à utiliser et les critères selon lesquels les travaux du promoteur seront jugés. Pêches et Océans Canada devrait établir dès que possible des critères concernant les habitats en eaux stagnantes et en eaux marines, et les inclure dans ce guide.

Le ministère des Pêches et des Océans Canada est préoccupé par la possibilité de perte d'habitat dans le lac Camp par suite de la sédimentation résultant du transport de la poussière en suspension dans l'air qui serait produite par la mine à ciel ouvert et les chemins avoisinants. La commission croit que l'on devrait faire tout ce qui est possible pour éviter qu'une autorisation de détérioration, de destruction ou de perturbation de l'habitat du poisson soit accordée pour le lac Camp, surtout si cette autorisation, assortie d'une compensation, incitait la VBNC à relâcher ses activités de protection de l'environnement à cet endroit qui constitue une composante importante de l'ensemble du système hydrographique du ruisseau Reid.

Recommandation 21

La commission recommande que la VBNC et Pêches et Océans Canada examinent ensemble toutes les sources possibles et les voies d'accès de sédimentation, et les mesures d'atténuation actuellement proposées relativement au lac Camp, pour éviter ou réduire au minimum dans la mesure du possible l'acheminement de sédiments à cet endroit, pour éviter toute perte d'habitat du poisson.

8.3 Dynamitage

Un vaste programme de dynamitage s'échelonnera sur de nombreuses années. Pêches et Océans Canada s'inquiète des effets possibles de ce dynamitage, notamment :

  • des effets des ondes de choc et des vibrations sur les poissons, les ufs de poisson et les larves;
  • des effets des résidus de dynamitage au nitrate d'ammonium et des effets de résidus de mazout sur les eaux réceptrices;
  • des effets du dynamitage sur le régime des eaux souterraines et sur la pénétration souterraine des contaminants.

La VBNC s'est engagée à effectuer une surveillance des résidus de dynamitage et à installer des puits de surveillance des eaux souterraines autour de la mine à ciel ouvert.

La commission n'a pas obtenu de preuves convaincantes à l'effet que le dynamitage pourrait provoquer une fragmentation du roc plus importante que prévue et que le poisson pourrait être touché, étant donné la distance entre la mine à ciel ouvert et l'habitat halieutique le plus près. La commission estime donc que les préoccupations du ministère des Pêches et des Océans du Canada devraient faire l'objet, dans le cadre du processus d'élaboration du programme de surveillance des effets, d'un examen plus approfondi qui permettra de déterminer si une surveillance plus poussée est justifiée.

Recommandation 22

La commission recommande que, dans le cadre du plan de protection de l'environnement, la VBNC élabore des procédures de dynamitage conformes aux directives de Pêches et Océans Canada concernant la protection du poisson et de son habitat.

8.4 Effets combinés du projet sur le ruisseau Reid

Durant le processus d'examen, les participants ont fait valoir leurs préoccupations concernant les effets combinés du projet sur le poisson d'eau douce et son habitat dans le système du ruisseau Reid, ce système étant destiné à devenir le milieu récepteur de nombreuses émissions et modifications. Dans le document « renseignements supplémentaires », la VBNC a présenté un résumé des effets combinés sur le ruisseau Reid pour chacune des étapes du projet : réduction du débit, retombée de résidus de dynamitage et accumulation de sédiments durant la construction; réduction du débit et accumulation de sédiments au cours des opérations; réduction du débit et rejet de sédiments de beaucoup moindre importance durant et après la désaffectation. Comme l'on prévoit que chacune de ces modifications sera de faible importance, la VBNC estime que l'effet global sur l'environnement serait négligeable ou mineur.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada reconnaît les efforts de la VBNC pour éviter les répercussions sur le ruisseau Reid, mais indique dans son mémoire présenté devant la commission que si l'« on considère l'infrastructure du projet dans son ensemble, on peut difficilement accepter qu'il n'y aura pas d'effets sur le système ou d'effets possibles sur l'environnement . Le ministère des Pêches et des Océans n'a pas fourni d'autres hypothèses concernant les effets résiduels, mais a indiqué, sans formuler de recommandations spécifiques, que la VBNC devrait recourir à toutes les mesures d'atténuation possibles.

L'Association des Inuit du Labrador recommande que la VBNC assume que les effets combinés sur le ruisseau Reid seront plus importants que les effets individuels prévus, et qu'elle opte pour des mesures de prévention ou d'atténuation plus rigoureuses. L'Association mentionne que si l'on attend que le programme de surveillance des effets environnementaux décèle un effet, il sera déjà trop tard.

La commission reconnaît que le bassin hydrographique du ruisseau Reid est une zone très vulnérable en raison de sa productivité ainsi que de sa signification au niveau socioculturel. La VBNC n'a toutefois d'autre choix que de procéder à l'extraction du dépôt de nickel à l'endroit même où il se trouve. La commission est impressionnée par les efforts systématiques déployés par la VBNC durant la conception du projet pour réduire au minimum les effets sur le système du ruisseau Reid. La commission a examiné les arguments présentés contre l'utilisation du lac Headwater pour l'entreposage des résidus et en a conclu que les inconvénients de cet emplacement sont contrebalancés par sa grande capacité de confinement et par le fait que les eaux de drainage peuvent être déviées en permanence à l'extérieur du bassin hydrographique du ruisseau Reid. Le chapitre 6 présente de plus amples renseignements sur les solutions de remplacement qui ont été examinées par la commission.

La commission s'entend toutefois avec le ministère des Pêches et des Océans pour dire qu'il existe encore une certaine incertitude quant à l'effet combiné d'un certain nombre d'agents de stress. La même incertitude prévaut également quant aux effets prévus, étant donné la nature de l'interaction du projet avec l'écosystème du ruisseau Reid. Le projet pourrait réduire et modifier l'écoulement de surface et l'écoulement souterrain de maintes manières, produire des particules en suspension dans l'air et dans l'eau provenant de nombreuses sources et causer des déversements plus ou moins importants dans diverses parties de la zone de drainage.

La commission estime que cette incertitude n'est pas si importante et que les répercussions possibles du projet ne sont pas non plus assez dévastatrices pour empêcher l'approbation du projet. Cependant, la commission conclut que la VBNC devrait pousser plus loin la démarche fondée sur la prudence qu'elle a suivie jusqu'à maintenant. Lors des audiences, la VBNC s'est d'ailleurs engagée à le faire. Les recommandations formulées aux chapitres 5 et 6, qui traitent de divers aspects liés à la gestion de la qualité de l'air et de l'eau, abordent cette question.

En outre, la commission estime que d'autres mesures d'évitement et d'atténuation devraient être envisagées et qu'on devrait en présenter les grandes lignes dans un document distinct axé sur le bassin hydrographique du ruisseau Reid.

Recommandation 23

La commission recommande que la VBNC élabore, dans le cadre de son système de gestion de l'environnement, un plan de protection de l'environnement visant le ruisseau Reid et comprenant ce qui suit, au besoin :

  • modification de la principale voie d'accès pour réduire le plus possible les répercussions sur le ruisseau Reid;
  • conception et construction de traverses de cours d'eau appropriées sur les affluents;
  • procédures de gestion spécifiques de la circulation pour certains emplacements déterminants le long de la route;
  • captage des infiltrations au pied du barrage H2;
  • mesures d'atténuation additionnelles pour améliorer la qualité de l'eau quittant le lac Camp, au besoin (par exemple, rétention d'eau additionnelle ou aménagement d'un marais artificiel).

8.5 Surveillance et renseignements sur les conditions de base de l'environnement

La VBNC s'est engagée à élaborer un programme de surveillance des effets environnementaux en vue d'établir des rapports entre le projet et les composantes valorisées de l'écosystème et ce, en se fondant sur les mêmes critères qu'elle avait employés pour déterminer l'ordre d'importance des effets sur ces composantes. Trois questions principales ont été soulevées par le ministère des Pêches et des Océans du Canada concernant la surveillance du poisson d'eau douce et de son habitat. Dans les trois cas, le ministère a critiqué le manque d'information recueillie sur les conditions de base. Cependant, cette critique s'articule principalement autour du besoin d'obtenir des renseignements pertinents à l'appui des efforts de surveillance futurs, plutôt que pour répondre aux préoccupations concernant la validité des prévisions présentées dans l'étude d'impact environnemental.

La VBNC a échantillonné de la biomasse de production primaire, de plancton et de zooplancton sur une période de deux ans pour déterminer la productivité primaire de sept lacs représentatifs de la zone étudiée. Pêches et Océans Canada souhaitait que la VBNC élargisse son programme d'échantillonnage pour tenir compte des fluctuations saisonnières en matière d'abondance, puis pour comparer les résultats aux variables environnementales, de manière ce qu'elle élabore son programme de surveillance en se fondant sur les renseignements relatifs aux conditions de base qui seraient recueillis pendant une période prolongée. Le ministère recommande également que la VBNC modélise les effets du projet sur des espèces de phytoplancton et de zooplancton.

La VBNC a rétorqué que les espèces de phytoplancton sont de piètres indicateurs du changement environnemental, précisément en raison de leur forte variabilité naturelle dans le temps. La VBNC a aussi fait remarquer qu'en comparant ses prévisions sur la qualité future de l'eau aux directives sur la qualité de l'eau, qui sont établies en fonction d'effets chroniques et aigus, la VBNC a tenu compte de certains aspects concernant l'impact du projet sur la productivité primaire.

De façon similaire, Pêches et Océans Canada souhaitait qu'on élargisse le programme d'échantillonnage des macroinvertébrés benthiques, pour que l'on puisse confirmer les estimations concernant la diversité. Le ministère voulait aussi obtenir d'autres modélisations pour une ou plusieurs espèces représentatives. La VBNC a indiqué que son objectif était de décrire la biodiversité, la composition des espèces et leur abondance relative et non de mener une étude définitive sur les macroinvertébrés benthiques dans la région.

Un certain nombre d'intervenants ont indiqué que la surveillance devait accorder autant sinon plus d'importance aux effets possibles sur les composantes de base de l'écosystème qu'elle n'en accorde aux effets sur des espèces supérieures. Cette démarche est attrayante parce qu'une telle surveillance peut assurer une détection précoce des problèmes. Cependant, la commission comprend aussi les préoccupations de l'industrie minière qui veut une surveillance des effets sur l'environnement qui soit pratique, rentable et axée sur le lien entre les effets observés et les effets attribuables au projet.

Le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie a présenté des renseignements à la commission sur le programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique, une initiative conjointe du gouvernement et de l'industrie minière qui a pour but de mettre à l'essai des méthodes d'évaluation de l'effet des effluents sur le biote en milieu aquatique. Comme il était indiqué dans la présentation, « l'uniformisation des techniques de surveillance biologique est difficile en raison principalement du nombre considérable de techniques disponibles. Les classes possibles d'organismes englobent le poisson, le benthos, le zooplancton, le phytoplancton, les macrophytes et les bactéries. De plus, chacune de ces classes peut être associée aux niveaux suivants : intracellulaire, tissulaire, organisme, population et communauté ».

Le programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique est structuré selon un cadre de surveillance qui comporte quatre étapes. Il doit permettre de répondre aux questions suivantes.

  • Des contaminants pénètrent-ils dans l'écosystème? Si oui, selon quels niveaux d'exposition?
  • Les contaminants sont-ils biodisponibles - autrement dit, s'accumulent-ils dans les organismes?
  • Ces contaminants produisent-il un effet mesurable?
  • L'exposition, la biodisponibilité et l'effet peuvent-ils être liés pour permettre d'en identifier la cause?

Les résultats et les recommandations du programme serviront probablement de fondement aux nouvelles exigences en matière de surveillance des effets environnementaux qui seront intégrées à la nouvelle version du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux.

La commission comprend que la majeure partie des recherches actuelles sur la surveillance des divers effluents de l'industrie, dans les eaux douces ou marines, ont porté sur les macroinvertébrés benthiques plutôt que sur le plancton ou les algues. La commission en conclut qu'il n'est pas clair actuellement si la surveillance des niveaux trophiques inférieurs est pratique ou si une telle surveillance discernerait des effets qui pourraient être clairement attribués au projet. La surveillance devrait cependant assurer une détection précoce des effets sur la chaîne alimentaire. Les résultats et les recommandations du programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique fourniront sans doute une orientation précieuse à cet égard, quoique qu'il soit peut-être nécessaire de les adapter à la situation de la partie septentrionale du Labrador.

Recommandation 24

La commission recommande que la VBNC élabore des études sur les techniques permettant la surveillance des effets des contaminants en eau douce, de concert avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et d'autres détenteurs d'intérêt, en tenant compte des résultats obtenus dans le cadre du Programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique. Pour assurer une détection précoce des effets, il faudra examiner avec soin la possibilité d'effectuer la surveillance au moins en ce qui concerne les macroinvertébrés benthiques, sinon à un niveau trophique inférieur, sous réserve que l'on puisse raisonnablement s'assurer que le programme sera capable de fournir des renseignements scientifiquement valables sur des rapports précis. Des renseignements supplémentaires sur les conditions de base ne devraient être recueillis que s'ils sont nécessaires pour appuyer l'élément de surveillance sélectionné. La VBNC devrait aussi s'engager à collaborer à toute recherche menée dans le cadre du suivi du programme d'évaluation des techniques de mesures d'impact en milieu aquatique, en fournissant des renseignements issus de la surveillance du projet, en vue d'appuyer la réalisation d'une étude de cas.

Pour ce qui est de la surveillance des effets possibles sur l'omble chevalier, la VBNC et Pêches et Océans Canada ont préconisé des approches différentes. Les deux parties ont convenu que les ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid fonctionnaient jusqu'à un certain point comme un seul système. Les renseignements recueillis lors de la surveillance des conditions de base réalisée par la VBNC a indiqué que les ombles peuvent frayer en grand nombre dans le ruisseau Reid, mais qu'ils hivernent dans le ruisseau Ikadlivik, probablement en raison d'un manque d'habitat de concentration hivernale dans le ruisseau Reid et de la difficulté à remonter les chutes à la décharge du lac Reid. Un plus petit pourcentage des ombles pénètre dans le ruisseau Reid, puis retournent à la fois frayer et hiverner dans le ruisseau Ikadlivik.

Selon le ministère des Pêches et des Océans du Canada, le projet constitue une intervention dans un écosystème aquatique mal compris. Le ministère estime donc que si la VBNC en vient à valider ses prévisions à l'effet que le projet ne touchera pas de façon importante les ombles dans l'écosystème du ruisseau Reid, elle devra à tout le moins surveiller également cette population dans les ruisseaux Kogluktokoluk et Ikadlivik. Les effets sur la production juvénile dans le ruisseau Reid pourraient avoir une incidence sur l'utilisation de l'habitat dans d'autres parties de l'écosystème. Inversement, tout effet nocif sur le dénombrement dans le ruisseau Reid pourrait être masqué si la population dans son ensemble venait à augmenter.

La VBNC, en revanche, propose de se concentrer sur le ruisseau Reid, sur les voies de pénétration par lesquelles le projet peut avoir une incidence sur le ruisseau Reid, sur la surveillance des indicateurs susceptibles d'entraîner une détection précoce des changements importants à l'habitat de l'omble, ainsi que sur l'application de mesures d'atténuation à l'égard de tels changements. La VBNC dit que la comparaison de tout changement dans la population du ruisseau Reid avec dénombrement de la population globale des écosystèmes combinés rendra les résultats moins précis.

La commission admet le mérite des deux démarches. D'un côté, la commission est d'accord avec la VBNC pour dire que la surveillance devrait être « simple, pratique et réalisable » et qu'elle devrait servir de système de détection précoce en vue du déclenchement des mesures nécessaires à la prévention des effets nuisibles. Cela suggère que la surveillance des effets devrait être principalement axée sur le ruisseau Reid et sur ses affluents. D'un autre côté, la commission comprend les préoccupations de Pêches et Océans Canada concernant les répercussions d'un projet minier situé à proximité d'un système fluvial à la fois productif et incompris. Cela signifie que Pêches et Océans Canada et la VBNC devraient tenter de mieux comprendre l'omble chevalier qui vit dans le système Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, tout en intégrant les connaissances autochtones au processus.

La commission n'est pas en mesure de déterminer quels sont les types d'étude qu'il conviendrait de mener. Cela devrait être déterminé dans le cadre d'un processus mené en collaboration, auquel participeraient l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu.

La commission est d'avis que la VBNC doit être responsable de la surveillance des effets dans le système du ruisseau Reid, tandis que Pêches et Océans Canada doit se charger de la gestion du plus vaste système que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokuluk, Ikadlivik et Reid. Cependant, comme le projet modifiera considérablement le bassin hydrographique du ruisseau Reid, la commission croit que la VBNC devrait contribuer à l'effort de surveillance élargie, ce qui pourrait comprendre un appui en nature.

Si la surveillance des effets effectuée par la VBNC dans le ruisseau Reid indique un écart important par rapport aux conditions prévues, la VBNC devrait, au besoin, élargir l'étendue de sa surveillance pour inclure d'autres composantes du système.

Recommandation 25

La commission recommande que la VBNC effectue une surveillance hydrométrique, ainsi qu'une surveillance de la qualité de l'eau et de la population halieutique dans le système du ruisseau Reid; que Pêches et Océans Canada entreprenne des études pertinentes pour accroître les connaissances relatives au poisson et à son habitat dans le vaste système élargi que constitue le bassin des ruisseaux Kogluktokoluk, Ikadlivik et Reid, de concert avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu; que la VBNC contribue de façon importante à ces études en fournissant des renseignements et d'autres ressources.