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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

16 Vie familiale et communautaire et services publics

16.1 Famille, collectivité et culture

L'exploitation minière proposée par la VBNC serait le premier projet de développement de grande envergure dans le nord du Labrador. Pour les nombreux Autochtones qui y trouveraient un emploi, et pour leurs familles, il s'agirait du premier contact avec un lieu de travail industriel (et, plus précisément, avec des opérations minières) caractérisé par un service de navette aérienne, des quarts de travail de 12 heures et des salaires correspondant aux normes de l'industrie. Sauf dans le cas de la ville de Nain, la VBNC ne prévoit pas que le projet apporterait des changements importants à la taille ou à la composition démographique des diverses collectivités du Labrador. Par conséquent, la société minière s'attend ce que le projet influe sur les individus, les familles et les collectivités principalement par l'entremise des emplois directs.

Plusieurs des exposés présentés pendant les audiences parlaient de l'importance que prenait le fait de situer une grande exploitation minière et une usine de concentration sur des terres autochtones traditionnelles et de briser régulièrement les glaces de rive. Les auteurs de ces exposés affirmaient que ces développements auraient aussi des effets profonds sur les familles et les collectivités, que leurs membres choisissent, ou non, de travailler au projet.

Le présent chapitre porte principalement sur les conséquences du projet pour les familles et les collectivités de la côte septentrionale du Labrador et aborde en particulier les répercussions du projet sur la ville de Nain, qui en est la plus rapprochée.

16.1.1 Évaluation réalisée par la VBNC

La VBNC a décrit les collectivités Inuit et Innu du nord du Labrador comme étant inférieures à la moyenne sur le plan des revenus et supérieures la moyenne au niveau de la croissance démographique et des problèmes de société et de santé. Selon le Recensement du Canada de 1991, le revenu moyen d'une famille du Labrador était de 50 854 $. Dans le nord de la région, le revenu familial était très inférieur à la moyenne du Labrador, allant de 40 p. 100 de la moyenne dans la collectivité d'Utshimassits 67 p. 100 dans celle de Makkovik. La commission remarque que la moyenne du Labrador est sensiblement plus élevée que la moyenne provinciale; comme l'a toutefois souligné la VBNC, la plupart des ménages innu et inuit sont de 20 à 40 p. 100 plus gros que la moyenne du Labrador. Sur la côte septentrionale, 53 p. 100 de la population a moins de 25 ans, alors que cette proportion est d'environ 40 p. 100 en moyenne pour le Labrador tout entier.

La VBNC a déclaré que l'abus d'intoxicants restait l'un des problèmes sociaux les plus graves pour les familles et les collectivités innu et inuit. Ce problème est également la cause directe d'actes criminels et de violence familiale. La VBNC reliait d'autres problèmes sociaux, comme les taux élevés de fréquence de la maladie, de la mortalité et du suicide, aux mauvaises conditions socio-économiques qui subsistent dans la région. L'étude d'impact environnemental signale qu'entre 1979 et 1983, le taux de suicide dans le nord du Labrador était le double du taux national chez les autochtones et cinq fois le taux national enregistré pour l'ensemble des Canadiens. Les réductions imposées par la province aux paiements de transfert versés aux municipalités ont affaibli les infrastructures et les services sociaux.

La VBNC a fait remarquer qu'en dépit de ces problèmes, les liens d'attachement familial demeuraient solides, tout comme de nombreux autres aspects positifs de la vie dans le nord du Labrador. La société minière a également reconnu que les habitants de la région accordent une grande valeur à leur culture, leur langue et à leur spiritualité.

Selon les prévisions de la VBNC, la population et la demande de logements et de services municipaux continueront de s'accroître même si le projet ne voit pas le jour, aggravant d'autant plusieurs problèmes familiaux, sociaux et de santé qui existent déjà dans les collectivités. Le règlement des revendications territoriales aura un effet positif en donnant à la population une plus grande autonomie et en lui donnant les moyens de rehausser ses conditions de vie. Par ailleurs, la VBNC prévoit que la situation économique de la région ne s'améliorera pas substantiellement pendant un certain temps encore et que, par conséquent, les cas d'abus d'intoxicants, de violence familiale et de suicide pourraient rester nombreux. Le déplacement de la population d'Utshimassits permettra aux Innu Mushuau de trouver de l'emploi pendant plusieurs années et profitera à long terme à la vie familiale et communautaire.

Effets du projet

La VBNC prévoit que les changements démographiques, comme le montre le tableau ci-dessous, se produiront surtout à Nain, parce que cette municipalité est la plus proche du projet, ainsi que dans les secteurs de Happy Valley-Goose Bay et de l'ouest du Labrador, parce que ces deux régions pourraient devenir les principaux centres de services pour la mine. La migration d'entrée qui serait liée aux emplois directs devrait atteindre son maximum à l'étape de l'exploitation souterraine, lorsque le projet aura besoin de travailleurs hautement compétents et spécialisés.

Tableau 2 : Prévisions démographiques

Ville Population actuelle Nombre total prévu de travailleurs migrants1 Migration d'entrée totale prévue²
Nain 1 209 0 à 45 0 à 140
Happy Valley-Goose Bay 8 655 0 à 76 0 à 204
Ouest du Labrador 10 473 0 à 70 0 à 187

1 Tranche prévue pour toute la durée du projet.
² Travailleurs et leurs familles.

La VBNC a relevé un certain nombre d'effets nuisibles éventuels du projet, par exemple, le stress lié au travail, les écarts de revenus, l'augmentation du coût de la vie et les problèmes sociaux. Ainsi, pour bien des habitants de la région qui travailleront au projet, ce sera la première fois qu'ils occupent un emploi industriel à temps plein. Cette expérience pourrait se révéler stressante pour des personnes qui ne sont pas habituées à respecter des horaires stricts dans un milieu de travail industriel ou dans un bureau. La société minière a aussi mentionné le stress que subiront aussi les habitants de la région qui ne trouvent pas d'emploi au projet ou qui sont encore plus marginalisés par les changements environnementaux et culturels.

La plupart des employés du projet travailleront selon un calendrier en rotation comprenant deux semaines de travail suivies de deux semaines d'inactivité. La VBNC a admis que des travailleurs qui devront faire la navette, ainsi que leurs familles, pourraient connaître des problèmes émotifs liés à l'horaire de travail en rotation. Les salaires relativement hauts pourraient entraîner des difficultés de gestion financière et, conjugués un mode de travail intensif, favoriser aussi les épisodes de consommation abusive d'alcool ou de dépenses excessives lorsque les travailleurs retournent la maison à la fin de la période de travail de deux semaines.

Mesures d'atténuation

La VBNC a affirmé que les plus importantes mesures d'atténuation seraient le régime de navette aérienne, sur lequel se réglera le fonctionnement des opérations, ainsi que les ententes sur les impacts et les avantages et le règlement des revendications territoriales.

La VBNC a opté pour le régime de navette aérienne plutôt que pour l'aménagement d'une ville permanente parce qu'elle juge cette option plus intéressante pour les travailleurs, plus rentable et plus conforme aux pratiques en cours dans les autres exploitations minières du nord. La société minière a signalé que les coûts supérieurs de transport associés au régime de navette aérienne seraient plus que contrebalancés par la réduction des coûts de la construction, de l'entretien et de la fermeture d'une ville et de la réinstallation des employés une fois le projet fini.

La société minière prévoit que le régime de navette aérienne, et la désignation de chaque collectivité de la côte septentrionale comme point d'embarquement et de débarquement, dissuaderont les populations de migrer vers, entre et à partir de ces collectivités. Le principe de contiguïté, qui donnerait la priorité d'embauche aux membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, serait un autre facteur de dissuasion, puisque le fait de venir s'installer dans une collectivité de la côte septentrionale ne conférerait aux nouveaux migrants aucun avantage en matière d'emploi. Par conséquent, la VBNC s'attend à ce que la plupart des collectivités continuent de croître au même rythme qu'au cours des dernières années, sauf probablement dans le cas de Nain où la migration d'entrée devrait être forte pendant les étapes de l'exploitation à ciel ouvert et de l'exploitation souterraine.

Comme il n'y aurait pas, à proprement parler, de ville minière adjacente au complexe, la VBNC a déclaré que personne ne serait forcé de déménager pour obtenir un emploi. Le régime de navette aérienne permettrait aux employés autochtones d'intégrer la main-d' uvre industrielle tout en demeurant dans leurs propres collectivités où ils peuvent s'appuyer sur leurs amis et leurs familles dans un environnement familier. Cette situation devrait aider à alléger le stress que certains travailleurs risquent de ressentir se retrouver pour la première fois de leur vie dans un environnement de travail industriel. En outre, le caractère saisonnier des travaux à l'étape du démarrage du projet offrirait à ces travailleurs une période d'acclimatation. La VBNC souligne plusieurs raisons autres que le projet pour lesquelles des employés et leurs familles pourraient choisir de déménager dans une autre collectivité offrant un point d'embarquement, notamment pour se rapprocher de leur famille, pour permettre à des membres de leur famille de tirer parti des nouveaux débouchés d'emploi, ou pour avoir accès à une gamme plus vaste de services de santé et de services sociaux, récréatifs, éducatifs et de vente au détail.

Bien que le contenu précis des ententes sur les impacts et les avantages, que l'on négocie actuellement, soit confidentiel, la commission a entendu des exposés, présentés par la VBNC, la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador, dans lesquels étaient décrits les points couverts par ces ententes. La plupart des articles ont trait à l'emploi, aux conditions de travail et aux débouchés commerciaux, ce qui constitue le sujet du chapitre 15, Emploi et occasions d'affaires. Toutefois, certains autres articles des ententes sur les impacts et les avantages concernent la gestion de l'environnement, la protection sociale et culturelle, l'accès et l'utilisation de la zone du projet et la compensation financière. Ces articles ont pour but de permettre aux Innu et aux Inuit qui ne travaillent pas à la mine ou n'approvisionnent pas le projet d'en tirer quand même des avantages. La VBNC a signalé que certains éléments du Programme d'aide aux employés seraient également offerts aux familles des employés, notamment :

  • les programmes de counseling et sensibilisation dans des domaines comme la gestion financière, le stress, la violence familiale et l'abus d'intoxicants;
  • les services des coordonnateurs de l'emploi des Autochtones, qui travailleraient auprès des employés et de leurs familles;
  • des services de counselling hors chantier dans les cas de problèmes liés à l'alcool ou aux drogues.

La VBNC a déclaré que le fonds de protection sociale et culturelle envisagé dans les ententes sur les impacts et les avantages servirait à rehausser le bien-être individuel et collectif des Innu et des Inuit au moyen d'activités sociales, culturelles et communautaires.

La VBNC a également mentionné que, parmi les problèmes familiaux que le projet pourrait créer ou aggraver, un bon nombre devraient plutôt être référés aux services communautaires existants, qui sont les mieux placés pour s'en occuper. Il s'agit notamment des services offerts par le ministère provincial de la Santé et des Services sociaux, duquel relèvent les établissements de soins de santé, les services de santé communautaires et les services sociaux. La prestation de ces services relève d'une commission régionale, la Health Labrador Corporation (société de santé du Labrador). Les services de soins infirmiers en hygiène publique dans les collectivités Inuit et Innu sont maintenant du ressort de la Commission des services de santé des Inuit du Labrador et des conseils de bande Innu.

Effets résiduels

La VBNC prévoit que l'étape de la construction sera la seule période pouvant laisser des effets résiduels significatifs pour les familles et les collectivités de la côte septentrionale du Labrador. Pour le reste, la société minière ne prévoit pas d'effets résiduels (y compris les fluctuations démographiques) autres que mineurs ou négligeables partout dans la région, sauf à Nain.

La VBNC comprend les inquiétudes des Inuit et des Innu à l'effet que le projet pourrait aggraver les problèmes sociaux en raison des changements démographiques et économiques, mais elle croit que le projet aurait une action positive sur les familles et les collectivités qui vivent actuellement dans la pauvreté et le chômage. Elle laisse entendre que le projet rehausserait l'estime de soi de ses employés, en diminuant ou en éliminant leur dépendance l'égard des paiements de transfert. Les travailleurs et leurs familles disposeraient de revenus intéressants et stables, tout en continuant de passer de longues périodes ensemble. Toute la collectivité en tirerait parti. Les mesures de soutien mises en place par la VBNC en vertu de ses politiques de ressources humaines et des ententes sur les impacts et les avantages aideraient à alléger le stress et les autres difficultés qui pourraient frapper les employés et leurs familles. Ces facteurs et les autres avantages du projet amélioreraient les perspectives d'un bon nombre de familles, la fierté communautaire et l'état de santé des habitants, et atténueraient les problèmes sociaux.

Pour ce qui est des autres régions du Labrador à l'extérieur de la côte septentrionale, la VBNC ne prévoit que des effets résiduels mineurs ou négligeables.

Contrôle et suivi

La VBNC est d'avis que le contrôle et le suivi relèvent de la responsabilité des gouvernements, ainsi que des organisations autochtones et communautaires, et que le financement devrait peut-être provenir en partie du fonds de protection sociale et culturelle prévu dans les ententes sur les impacts et les avantages. La société minière a également affirmé qu'elle était disposée à collaborer avec ces organismes au moyen d'échanges de renseignements et de compétences.

16.1.2 Préoccupations publiques et gouvernementales

Pour les participants aux audiences communautaires, le principal sujet d'inquiétude était les effets négatifs possibles du projet sur la famille et les relations communautaires et sur la culture et le mode de vie autochtones. De nombreux intervenants craignaient que le projet ne détruise encore plus leur culture, leur identité, leurs valeurs, leurs traditions et leur langue. Bon nombre d'entre eux avaient le sentiment que le projet menacerait également la vie sur leurs terres ancestrales et les valeurs qui lui sont liées, comme le partage et le soutien mutuel. Il ne s'agit pas simplement d'une question économique pour ces participants, mais aussi d'enjeux sociaux et culturels. Aucun nombre d'emplois, ni aucune somme d'argent ne serait assez considérable pour compenser une telle perte. Un homme de Sheshatshiu, rappelant la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, a dit se sentir désolé pour les pêcheurs de Terre-Neuve parce que, selon lui, ils ont été payés pour abandonner leur culture; il ne voulait pas voir la même chose se produire au Labrador.

Dans l'esprit de certains Innu et Inuit, surtout chez les aînés, le projet, de par sa nature même, serait un affront à leur terre ancestrale, et même une violation, peu importe tel ou tel effet nuisible qu'il pourrait avoir sur les lieux et les ressources utilisées par les habitants. Les Autochtones exploitant la nature, les aînés et bien d'autres intervenants ont fait état d'un lien entre la terre et un sentiment de bien-être. Bon nombre d'entre eux ont mis en doute l'idée que les employés du projet puissent réellement adapter un horaire de navette en rotation à la nécessité d'approvisionner régulièrement leurs familles en nourriture et en bois de chauffage, ou l'habitude actuelle de passer les fins de semaine dans la nature avec toute la famille. Une femme de Nain a déclaré : « Ce que les autres pourraient croire primitif, c'est ce dont nous préférons nous contenter, c'est-à-dire, voir aux besoins des membres de nos familles et être heureux de les voir heureux. En disant cela, je ne veux pas dire que nous n'aimerions pas rehausser notre statut dans la société, mais je suis convaincue que nous pouvons y arriver et garder quand même notre culture, nos traditions et notre unicité.

Plusieurs participants ont mis en doute la prévision de la VBNC selon laquelle l'accroissement de l'emploi et des revenus amélioreraient la condition sociale des habitants. Certains, tout particulièrement des femmes, craignaient que l'augmentation des revenus, loin de diminuer la consommation exagérée d'alcool, ne fasse que l'aggraver. Le ministère provincial de la Santé et des Services sociaux a rappelé que l'on avait déjà vu des cas d'employés qui consomment beaucoup plus d'alcool que d'habitude à la maison après une période de travail de deux semaines. Ce risque, ajouté aux difficultés que devraient affronter tous les membres de la famille pour composer avec un horaire de travail en rotation, pourrait accentuer la violence familiale et la demande en matière de services sociaux.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a également souligné que la consommation d'alcool avait diminué pendant trois ans à Utshimassits après la création des nouveaux emplois au projet de la baie de Sango, mais qu'elle était ensuite remontée aux niveaux antérieurs. Se fondant sur le niveau actuel des problèmes sociaux liés à l'alcoolisme et à la toxicomanie, le ministère a prédit, tout en admettant que les employés tireront probablement parti du Programme d'aide aux employés, que les emplois offerts par la VBNC ne modifieront pas sensiblement la capacité des habitants à rester sobres et à améliorer leur état de santé.

Certains participants ont demandé jusqu'à quel point les collectivités auraient part aux avantages du projet si ces avantages ne se présentaient que sous forme de salaires pour les employés. A leur avis, les habitants qui n'ont pas les compétences voulues ou qui sont incapables de fonctionner en anglais ne trouveraient pas d'emploi au complexe minier, et qu'il fallait trouver moyen de les faire participer eux aussi aux avantages. Certains participants, dont le ministère de la Santé et des Services communautaires, ont dit craindre que les emplois et les revenus découlant du projet ne soient la cause d'inégalités encore plus prononcées dans les collectivités, ce qui nuirait d'autant aux relations communautaires et familiales.

D'autres intervenants ont indiqué qu'ils estimaient qu'eux-mêmes et leurs collectivités seraient très avantagés par les emplois du projet, de bons emplois qui leur permettraient d'acquérir une expérience précieuse et d'accroître leurs revenus. Ils se sont dits confiants que le projet serait la source de ces bienfaits. Les jeunes hommes, en particulier, avaient hâte de pouvoir commencer à travailler à la mine.

Un certain nombre de participants ont estimé que les ententes sur les impacts et les avantages pourraient calmer les inquiétudes concernant les effets du projet sur les familles et les collectivités, mais peu d'entre eux connaissaient les détails de ces négociations confidentielles. Presque tout le monde a d'ailleurs rappelé que de toute façon, aucune de ces ententes n'était encore en vigueur. Certains participants espéraient que les fonds provenant de ces ententes serviraient à financer des initiatives locales, comme le programme « avant-postes » (Outpost Program) de la nation Innu et les programmes de connaissances de base et de langue des Inuit, qui font appel à la participation des aînés et se donnent dans différents camps de chasse et de pêche. Ces programmes ont été donnés en exemple de l'engagement des Autochtones à préserver leur culture et leurs traditions, de même qu'à s'assurer que le savoir-faire et la connaissance de la terre soient transmis de génération en génération.

De nombreux participants ont admis les graves difficultés sociales et économiques que doivent affronter les collectivités. Presque tous s'entendent pour dire que le manque de possibilités financières, les faibles revenus, la consommation excessive d'alcool et de drogues, de même que la violence familiale sont des problèmes qui doivent se régler de toute urgence. Par ailleurs, certains participants aux séances visant à déterminer la portée de l'évaluation ont réfuté l'opinion de la VBNC voulant que l'accroissement des revenus d'un nombre limité de personnes qui trouveraient un emploi au complexe minier pourrait régler le problème global de pauvreté et de manque d'estime de soi. Les membres du groupe Tongamiut Inuit Annait, par exemple, ont déclaré que l'estime de soi venait premièrement de la culture et de la tradition, de l'autonomie et de la générosité dans la vie communautaire, et non pas de la situation d'emploi et du revenu.

De nombreux Innu et Inuit attribuaient la perte de leurs traditions culturelles et leurs difficultés économiques à une histoire de domination et d'asservissement par le gouvernement, les églises et le système d'éducation. Ils ont donné plusieurs exemples d'événements et de projets sur lesquels ils n'avaient eu aucun contrôle et qui ne leur avaient apporté aucun avantage, mais qui ont plutôt laissé des conséquences nuisibles graves. Ils ont mentionné notamment le projet hydroélectrique de Churchill Falls, les vols à basse altitude des forces armées, l'exploration minière, le déplacement de collectivités et la construction de routes. Pendant tout ce temps, les lois ont restreint de plus en plus les Inuit et les Innu dans leur utilisation du territoire. Marqués par ces expériences, un grand nombre d'Innu et d'Inuit ne croient pas que le projet serait ou même pourrait être différent de ce qui s'est passé jusqu'à maintenant.

Un expert venu témoigner au nom de la nation Innu a défini ce qu'il appelait un « récit maître » qui s'élabore chez les Innu depuis 30 ans et au moyen duquel ils expliquent leur situation. Ils croient avoir été traités injustement et, pour pouvoir reconstruire leur ordre social, il faut qu'ils soient traités avec équité et avec respect. Cette justice et ce traitement honorable sont des préalables indispensables à leur acceptation du projet. Pour que ces préalables se concrétisent, il faut que les revendications territoriales soient réglées et que la VBNC soit imputable envers les Innu. De l'avis de l'expert, l'estime de soi et la dignité ne pourraient pas découler des emplois et des revenus, parce qu'elles naissent de l'interaction sociale dans un milieu collectif ou public. Dans le contexte de ce « récit maître , a dit l'expert, l'estime de soi vient de la capacité de chasser et de vivre de façon compétente sur la terre ancestrale et du fait de travailler dans la collectivité même, et non pas dans un endroit éloigné.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux reconnu que leurs membres avaient besoin de revenus plus substantiels et pourraient donc tirer parti des emplois offerts par le projet. Par contre, elles ont aussi déclaré qu'elles ne voulaient pas compromettre leur culture et leur mode de vie, ni aucune autre possibilité de développement économique axé sur les ressources renouvelables. Le projet devrait appuyer ces autres entreprises et non pas empêcher ou entraver leur réalisation. La nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador voient les recettes tirer des ententes sur les impacts et les avantages comme un outil essentiel qui les aidera à atteindre leurs objectifs de développement économique, culturel et politique, à condition que ces avantages ne soient pas neutralisés par des coûts sociaux et économiques négatifs.

Les représentants de la nation Innu ont affirmé : « les problèmes sociaux dont vous avez entendu parler sont très réels pour nous. Nous sommes un peuple dépossédé de son territoire, et aussi longtemps que nous n'aurons pas repris un contrôle effectif sur nos terres et nos vies, les choses ne pourront pas commencer à s'améliorer ». Un participant aux audiences de Nain a dit ceci : « Une grande part des problèmes mentionnés peuvent être attribués au fait que les Inuit ont perdu le contrôle de leurs collectivités et même de leurs vies. » Les deux organisations, ainsi qu'un grand nombre d'Inuit et d'Innu, ont déclaré que les revendications territoriales et les ententes sur les impacts et les avantages se révélaient les meilleurs moyens pour leur permettre de reprendre la maîtrise de leur vie et, tout compte fait, de profiter du projet. Bien plus, ont-ils ajouté, sans ces outils essentiels à la reprise du contrôle et du pouvoir, les avantages éventuels du projet ne pourraient pas se concrétiser.

Plusieurs participants ont signalé la nécessité de surveiller les répercussions sociales du projet. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a affirmé qu'il se chargerait de ce suivi, mais il n'a pas décrit la façon dont il procéderait. La Commission des services de santé des Inuit du Labrador a déclaré qu'il faudrait surveiller les effets du projet sur la santé et sur la situation socio-économique, mais qu'il n'existait pas actuellement de données de référence, ni de programme permettant ce genre de suivi. La Commission des services de santé a proposé de remédier à cette lacune en créant un partenariat d'organismes auquel elle-même et la VBNC participeraient, dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages. Pour mettre en uvre un programme de surveillance ou de contrôle des effets du projet sur la société et sur la santé, il faudrait d'abord un ensemble convenu de questions et d'indicateurs, un moyen continu et efficace de collecte de données, un personnel capable de tenir le système et d'analyser les données, ainsi qu'un ensemble convenu de repères qui déclencheraient une intervention même si la cause précise du problème ne peut pas toujours être déterminée.

Sauf une seule exception, la commission n'a entendu aucune inquiétude au sujet des effets du projet sur la vie familiale et communautaire dans les autres régions du Labrador. Il faut supposer qu'il en est ainsi parce que les habitants des collectivités de taille importante ont déjà l'habitude de participer à des projets de grande envergure - et, dans le cas de l'ouest du Labrador, aux travaux du secteur minier - et parce que les changements démographiques occasionnés par le projet y seront minimes en comparaison des populations et de la capacité actuelle des infrastructures.

Néanmoins, la Nation métisse du Labrador a déclaré que la VBNC avait négligé la situation des collectivités qui sont situées au sud de Rigolet et qui, selon la Nation métisse, continueront de subir les effets de la migration de sortie. Toujours selon la Nation métisse du Labrador, si aucune collectivité de la côte sud n'était choisie comme point d'embarquement des travailleurs du projet, on risquerait de voir la population de cette région partir s'installer dans le secteur de Happy Valley-Goose Bay, afin de pouvoir accéder plus facilement aux emplois du projet, puisque la VBNC ne couvrirait pas le coût des déplacements entre les collectivités et les points d'embarquement.

Conclusions et recommandations

La commission observe un degré considérable d'incertitude quant aux effets du projet sur la vie familiale et communautaire, ainsi que sur la culture régionale et le mode de vie. Voici certaines des raisons de cette incertitude :

  • en raison du nombre important de facteurs susceptibles d'influer sur les résultats en matière d'emploi, la VBNC est elle-même incapable de prévoir les répercussions du projet sur l'emploi, le commerce et le revenu au niveau de la collectivité;
  • il est souvent difficile de prévoir comment les gens réagiront à une initiative complexe comme le projet, et comment ces réactions pourraient évoluer avec le temps;
  • il est difficile aussi de prévoir exactement l'efficacité relative des mesures d'atténuation;
  • les effets d'une initiative de développement comme le projet sont intrinsèquement difficiles à distinguer de changements plus vastes et continus qui se produisent de façon indépendante sur les plans social, économique et démographique.

Certains auteurs d'exposés ont établi des parallèles avec des travaux de développement exécutés antérieurement au Labrador, mais la commission remarque aussi que le projet de la VBNC serait très différent puisqu'il s'accompagnerait d'une navette aérienne, d'un système perfectionné de gestion environnementale et des ententes sur les impacts et les avantages. Par conséquent, l'expérience passée n'est pas nécessairement un indicateur exact permettant de prévoir les effets futurs du projet.

La commission estime que la VBNC a consenti des efforts remarquables pour informer les habitants du nord du Labrador au sujet du projet et, surtout, au sujet des possibilités de formation et d'emploi qui en résulteraient. L'examen du projet et l'évaluation environnementale ont aussi fait connaître davantage le projet. La commission reconnaît toutefois qu'en raison des expériences passées de la population, et de façon fort compréhensible, bien des habitants de la région restent sceptiques devant les discours qu'ils entendent. Il semble régner un degré considérable de crainte et d'incertitude dans la population parce que les gens ne savent pas en quoi consiste une exploitation minière. La commission est d'avis que, dans certains cas, seule l'expérience directe peut faire acquérir aux gens l'information dont ils ont besoin. Une autre difficulté importante tient au fait que le grand public ne connaît pas ou ne comprend pas les mesures d'atténuation et les avantages inhérents aux ententes sur les impacts et les avantages, à cause du caractère confidentiel des négociations.

La commission admet que la VBNC est limitée dans les gestes qu'elle peut poser en informant la population à l'avance pour calmer les appréhensions. Dans certains cas, les questions posées ne peuvent trouver leur réponse que dans l'expérience directe. La commission croit qu'il conviendrait de consentir des efforts pour familiariser les familles des travailleurs avec l'emplacement et les travaux de la mine, une fois le projet entamé, ce qui constituerait un suivi utile à ce que la VBNC a fait jusqu'à maintenant.

Sans le projet, selon la commission, il est improbable que d'autres formes d'investissement dans la région puissent créer l'activité économique nécessaire une population qui s'accroît rapidement et dont les besoins vont en augmentant. Si les ressources renouvelables sont gérées avec soin et que l'on évite les effets éventuellement nuisibles du projet, la base de ressources elle-même devrait tout au moins rester stable. Par contre, les coûts d'exploitation des ressources fauniques augmentent et l'exploitation de nouvelles ressources pourrait exiger des investissements importants, à une époque où les prix des marchandises sont instables. Les ressources renouvelables offrent la population régionale une base économique essentielle, mais incomplète. En outre, l'exploitation des ressources fauniques renouvelables, tout comme les autres petites entreprises de la région exploitées à petite échelle, ne fournissent habituellement que des emplois saisonniers.

La région dépend déjà de dépenses gouvernementales qui sont importantes par habitant, et il est peu vraisemblable que ces dépenses augmentent de façon significative. Pendant ce temps, la population régionale continue de s'accroître. Les ententes sur les impacts et les avantages, si elles sont conclues, apporteraient des quantités importantes de fonds supplémentaires pouvant servir à des différentes fins, mais l'accès à ces fonds est entièrement conditionnel à l'autorisation et à la réussite du projet. Les ententes sur les revendications territoriales offriraient aussi un stimulus économique, mais, là encore, certains des fonds qu'elles prévoient reposent sur la mise en uvre de travaux tels que le projet. Même en imaginant le scénario le plus optimiste qui soit, il resterait un besoin énorme d'emplois directs et de recettes fiscales produites par l'activité économique locale. Tous les intéressés admettent ces besoins économiques. Le projet, s'il se poursuivait pendant 20 à 25 ans tel que proposé, contribuerait fortement à remplir ces besoins. L'effet conjugué de tous ces facteurs sur les tendances démographiques et économiques est impossible à prévoir, mais il est probable qu'il ne serait ni soudain, ni spectaculaire.

La commission reconnaît que certaines personnes subiraient davantage d'effets négatifs que d'effets positifs résultant du projet. Bon nombre des personnes parmi les plus préoccupées par les effets nuisibles sur la terre, sur la vie communautaire et familiale, de même que sur la culture et les traditions seraient peut-être inaptes ou réfractaires à occuper un emploi lié au projet. Pour que le projet puisse être une source de bienfaits sociaux et économiques durables et équitables sur la côte septentrionale du Labrador, il faut qu'il fasse davantage que le simple fait d'offrir des emplois à certaines personnes ou d'empêcher toute conséquence négative sur l'exploitation de la faune.

Les ententes sur les impacts et les avantages seraient un moyen puissant de dissémination et d'accroissement des avantages découlant du projet. La commission convient que la négociation fructueuse de ces ententes et le règlement des revendications territoriales donneraient des outils efficaces pour atténuer les répercussions négatives du projet qui sont prévues. Le contrôle des ressources financières et l'administration des programmes sociaux aideraient l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu veiller aux besoins quotidiens de leurs collectivités ainsi qu'à ceux qui résulteraient des effets de l'exploitation minière proposée.

La commission remarque toutefois que les dispositions des ententes sur les impacts et les avantages s'appliqueraient seulement aux Innu et aux Inuit et ne pourraient donc pas atténuer les effets du projet sur les non-bénéficiaires, ni sur aucune autre entité qui n'est pas exclusivement Innu ou Inuit. Cela comprend les municipalités de la côte septentrionale, dont les résidents ne sont pas tous des bénéficiaires des ententes sur les impacts et les avantages ou des ententes sur les revendications territoriales. L'Association des Inuit du Labrador, par exemple, ne serait pas tenue d'offrir des fonds à ces municipalités dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages pour financer les services publics, et les municipalités ne seraient pas justifiées de se fier à ces ententes comme source de financement des services publics. En outre, les ententes sur les revendications territoriales n'ont pas pour but de se substituer à la gamme normale des services gouvernementaux et des avantages liés à la citoyenneté. Les gouvernements ne peuvent donc pas s'en servir à de telles fins.

Le projet pourrait aussi produire des avantages durables et à grande échelle sous la forme des recettes qu'en tireront graduellement les gouvernements. Toutefois, pour que ces avantages se matérialisent, les gouvernements qui perçoivent ces recettes devront en réinvestir une part convenable dans les infrastructures et les services des collectivités. Les sections qui suivent expliquent comment les gouvernements pourraient y arriver.

La commission estime que si le projet devenait la source de tous ces flux d'avantages - emplois, ententes sur les impacts et les avantages et réinvestissement régional des recettes gouvernementales supplémentaires -, il réaliserait les objectifs d'équité, de justice et de respect que les Autochtones attachent au projet.

La commission conclut que la surveillance des effets socio-économiques devrait être une composante essentielle d'un programme de contrôle des effets du projet. La responsabilité principale de cette surveillance devrait incomber aux organismes gouvernementaux et communautaires, mais la VBNC a aussi un rôle à jouer. Les recommandations de la commission en cette matière figurent aux chapitre 17, Gestion de l'environnement.

La commission est incapable de tirer des conclusions relativement aux tendances futures des migrations entre collectivités au Labrador. La commission sait que dans d'autres régions, par exemple dans le nord de la Saskatchewan, les travailleurs venus de petites collectivités qui utilisent la navette aérienne pour aller travailler dans un projet ont tendance à graviter ensuite vers les grandes agglomérations urbaines. La commission estime que si cette tendance se manifestait au Labrador, ce serait tout probablement sous la forme d'une migration à partir des collectivités au sud de Rigolet, parce que cette région ne bénéficierait pas des ententes sur les impacts et les avantages et se heurterait aux obstacles liés au transport qui se dressent aux emplois offerts par la VBNC. En désignant au moins une collectivité de ce secteur comme point d'embarquement, on contrebalancerait en partie ce désavantage. La question est abordée dans la recommandation 79.

La commission en conclut que la responsabilité première de la VBNC, pour ce qui est de réduire au minimum les effets nuisibles éventuels des changements démographiques, serait de veiller à ce que les politiques relatives aux conditions de travail et au transport des employés aident, dans toute la mesure du possible, les travailleurs qui le désirent à rester dans leur propre collectivité. La commission reconnaît aussi qu'en modernisant les installations de transport aérien des collectivités de la côte septentrionale, ce qui ne relèverait pas de la responsabilité de la VBNC, on aiderait peut-être les habitants de la région à faire plus facilement la navette entre leurs foyers et le lieu de travail (voir la recommandation 91).

16.2 Services et infrastructures

Même si la VBNC ne prévoit aucune augmentation importante de la population dans la plupart des collectivités à cause du projet, elle appréhende la possibilité d'un accroissement sensible de la demande, en particulier la demande en matière de services, parce que les emplois du projet pourraient accroître éventuellement le pouvoir d'achat des citoyens et leurs attentes en matière de relèvement du train de vie. La demande de services et d'infrastructures améliorés serait à son maximum dans les collectivités où il s'est produit un flux de nouveaux arrivants. La commission remarque toutefois que les collectivités de la côte septentrionale du Labrador sont limitées dans leur capacité de répondre à la demande relativement aux logements supplémentaires et de qualité supérieure, aux systèmes d'adduction d'eau et d'égouts, aux systèmes de transport et de routes, ainsi qu'aux services sociaux.

Selon les prévisions de la VBNC, les effets résiduels du projet sur les services et les infrastructures seraient modérés (significatifs) à l'étape de la construction dans la municipalité de Nain et dans la région de Happy Valley-Goose Bay. Dans les autres endroits et pendant les autres étapes du projet, les effets seraient mineurs (négligeables) et de courte durée. Dans l'ensemble, la VBNC s'attend à ce que les effets du projet sur les services et les infrastructures de la côte septentrionale soient « éminemment positifs » parce que le projet accroîtrait les revenus directs, indirects et induits dans toutes les collectivités de la région.

Dans la section qui suit, la commission se concentre sur la municipalité de Nain, parce que les effets du projet, par leur nature et leur ampleur, y seront différents de ceux qui toucheront les autres collectivités.

16.2.1 La ville de Nain

Nain est la collectivité la plus rapprochée de l'emplacement du projet et elle est située à une distance relativement facile à parcourir par hélicoptère, par bateau ou par motoneige. Aucune des installations du projet ne serait située à Nain, mais la VBNC a signalé qu'un volume important des activités relatives au projet auraient lieu à Nain à l'étape de la construction, pendant que s'achèveraient l'aménagement de la piste d'atterrissage et des installations portuaires.

Encore une fois, la VBNC a déclaré que les principales mesures d'atténuation seraient le système de navette aérienne, la mise en application du principe de contiguïté et les paiements de participation financière qui seront versés à l'Association des Inuit du Labrador en vertu des ententes sur les impacts et les avantages et qui pourraient servir à la prestation de services et à la construction d'installations dans la localité. La VBNC affirme que les autres mesures d'atténuation incomberaient aux différents ordres de gouvernement et pourraient être financés à l'aide des recettes accrues produites par le projet. La société minière laisse entendre également que la ville de Nain pourrait influer sur l'accroissement démographique en contrôlant l'offre de terrains viabilisés qui sont destinés au logement.

A Nain, la VBNC prévoit une moyenne de 84 années-personnes d'emplois liés au projet (en incluant les emplois directs, indirects et induits) pendant la construction, 133 années-personnes pendant l'exploitation à ciel ouvert et 184 pendant l'exploitation souterraine. Le taux de chômage baisserait graduellement pour atteindre le niveau zéro, en théorie, à l'étape de l'exploitation souterraine. Il devrait se produire un certain degré d'expansion des entreprises, en raison du principe de contiguïté, de la proximité du projet et de l'accroissement des revenus d'emploi et de la demande provenant des consommateurs. Il faut donc prévoir une diversification de l'économie de Nain.

Tout en admettant que le projet est susceptible de créer un certain degré d'inflation sur le plan des salaires et de perturbation de la population active de Nain, surtout au début de chacune des grandes étapes du projet (construction, exploitation à ciel ouvert et exploitation souterraine), la VBNC soutient que l'économie s'ajustera rapidement. La VBNC prévoit aussi une hausse des coûts du logement à Nain, mais elle soutient que cette hausse dépendra en partie de la capacité de la municipalité à aménager suffisamment de nouveaux logements pour répondre à la demande.

Après avoir étudié les effets économiques du projet à l'étape du déclassement et ensuite, les auteurs de l'étude d'impact environnemental les ont classés comme étant modérés ou importants (et donc significatifs), tout en évoquant la possibilité qu'ils puissent être amoindris si le regain d'activité économique à Nain pendant la réalisation du projet favorisait la diversification économique.

De l'avis de la VBNC, la surveillance des effets socio-économiques relèverait de la responsabilité d'autres parties, mais a indiqué qu'elle serait disposée apporter son aide en fournissant les renseignements voulus dans certains cas. Ainsi, à titre d'exemple, la société minière contrôlerait les dépenses du projet et transmettrait les données connexes aux ministères et organismes gouvernementaux compétents, afin de les aider à élaborer leurs plans économiques. La VBNC a également l'intention de poursuivre les discussions avec la nation Innu et l'Association des Inuit du Labrador.

Préoccupations publiques et gouvernementales

Les exposés et commentaires présentés par les habitants de Nain lors des audiences publiques et des séances visant à déterminer la portée de l'évaluation ont porté sur un vaste éventail de questions socio-économiques, dont plusieurs avaient également été soulevées dans d'autres collectivités de la côte septentrionale du Labrador et sont abordées dans les autres chapitres du présent rapport. Les préoccupations exposées ci-après répondent cette description, mais elles ont trait tout spécialement à Nain.

  • Le projet offrirait de réelles possibilités de développement commercial la ville de Nain, mais ces débouchés pourraient se perdre soit en passant à côté » de la ville, soit en rebroussant chemin vers le projet ou les autres collectivités.
  • Les débouchés commerciaux pourraient aussi se perdre si les entrepreneurs de Nain ne sont pas prêts à temps pour en profiter. La VBNC, dans le cadre des négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages, est peut-être en train de discuter de ses besoins précis en matière de marchandises ou de services, mais les négociations sont confidentielles.
  • L'expansion et le regain des activités commerciales à Nain pourraient être entravés par le manque de terrain à vocation commerciale et convenables qui pourraient être dotés de services publics, ainsi que par l'état actuel du système d'approvisionnement en eau potable et des autres services municipaux.
  • L'infrastructure de transports serait incapable de s'adapter à l'accroissement de la circulation. Il faudrait que la piste d'atterrissage soit déplacée modernisée (la section 16.3 traite de cette question plus en détail). Les installations maritimes auraient aussi besoin d'améliorations, notamment la construction d'un brise-lames et la mise sur pied d'un centre de services maritimes.
  • Le projet pourrait nuire sérieusement aux commerces et établissements en place en gonflant les salaires et en attirant ainsi les employés qualifiés, ce qui perturberait les services locaux déjà limités, surtout dans le domaine des transports aux premières étapes du projet.
  • Les infrastructures municipales, c'est-à-dire les routes, l'eau, la gestion des déchets et les installations récréatives, sont déjà insuffisantes pour la population actuelle et pourraient être soumises à des pressions graves en raison de l'augmentation démographique prévue amenée par le projet. La ville ne fait pas payer d'impôts fonciers et conteste les prétentions de la VBNC selon lesquelles le projet accroîtrait suffisamment les recettes de la ville pour que celle-ci puisse offrir les services nécessaires. Plus des trois quarts du financement municipal proviennent des paiements de transfert fédéraux versés en vertu de l'accord conclu avec les Inuit du Labrador.
  • Les services d'éducation et de santé et les services sociaux ne suffisent déjà pas à répondre aux besoins de la population. La ville n'est pas du tout convaincue que la province réinvestirait les recettes du projet pour combler des demandes accrues.
  • Le parc résidentiel de la ville de Nain fait déjà défaut sur les plans de la quantité de logement et de l'état physique des lieux. La ville n'est pas sûre de pouvoir répondre à la demande accrue découlant du projet.
  • Le projet ferait monter le coût de la vie de tous les habitants de Nain, qu'ils retirent ou non des avantages économiques du projet. L'élargissement de l'écart entre les revenus exacerberait les tensions sociales existantes.
  • La ville de Nain ne participe pas aux négociations des ententes sur les impacts et les avantages et personne ne peut l'assurer que les paiements que lui verserait éventuellement la VBNC seraient utilisés pour offrir des services ou installations qui relèvent maintenant de la responsabilité municipale. Ces ententes sont conçues à l'avantage des membres de l'Association des Inuit du Labrador, mais la ville est responsable à l'endroit de tous ses habitants, qu'ils soient membres, ou non, de l'Association des Inuit du Labrador.

Conclusions et recommandations

La commission reconnaît que l'administration des collectivités du nord du Labrador traversera probablement une période de transition lorsque auront été réglées les revendications territoriales. La commission n'a reçu aucune information sur la façon dont les revendications territoriales modifieraient les structures et les modes de fonctionnement municipaux. Les conclusions et recommandations qui suivent sont donc fondées uniquement sur la situation actuelle.

D'après les renseignements présentés au cours du processus d'examen, la commission arrive à la conclusion que la ville de Nain fait face à une situation difficile. L'ampleur des effets du projet sur les services et les responsabilités de la municipalité dépendra en très grande partie de l'ampleur des changements démographiques connexes. Le tout repose sur un certain nombre de facteurs, définis dans l'étude d'impact environnemental, qui relèveront principalement de choix personnels. La commission admet que le niveau maximum de migration d'entrée prévu dans cette étude pourrait très bien ne pas se matérialiser. En revanche, l'étude d'impact environnemental n'aborde aucunement la possibilité d'une migration d'entrée spéculative, supposant une telle migration improbable en raison du principe de contiguïté. Toutefois, si l'activité économique s'accroît à Nain, un plus grand nombre de personnes, pour la plupart d'anciens résidents de la ville, pourraient choisir d'y revenir, que ces personnes soient ou non directement employées par le projet.

Par ailleurs, si la ville était incapable de fournir les services et les commodités nécessaires, la migration d'entrée pourrait rapidement être neutralisée par une migration de sortie, dans le cas où les travailleurs du projet et leurs familles décideraient de déménager dans la région de Happy Valley-Goose Bay pour trouver un logement convenable et de meilleures possibilités sur le plan des loisirs, de la consommation et de l'éducation. Un tel phénomène annulerait au moins une partie des avantages économiques du projet pour la collectivité de Nain.

La commission convient que la VBNC n'est pas responsable des insuffisances actuelles en matière d'infrastructures et de services. Cependant, la commission n'a ni vu, ni entendu quelque preuve que ce soit à l'appui de l'affirmation de la VBNC selon laquelle les recettes fiscales et les frais d'utilisation liés aux nouveaux aménagements résidentiels et commerciaux permettront d'absorber le coût de la construction et de l'entretien des nouvelles infrastructures, de même que le coût de la prestation des services supplémentaires. Étant donné la structure et les recettes fiscales actuelles de la ville, il semble peu probable que cette affirmation se concrétise. Il semble aussi que l'Association des Inuit du Labrador n'est pas tenue de consacrer aux services municipaux quelque part que ce soit des paiements reçus de la VBNC dans le cadre des négociations des ententes sur les impacts et les avantages. En outre, la commission n'a aucun moyen de savoir si l'Association des Inuit du Labrador a l'intention de verser des fonds à cette fin.

Lorsqu'un grand projet industriel est mis en oeuvre, il est habituellement situé dans les limites municipales de la collectivité adjacente, dont il enrichit par le fait même l'assiette et les recettes fiscales. Les projets qui sont réalisés dans les régions nordiques et qui sont assortis d'une navette aérienne dépendent moins des collectivités voisines et trouvent leur main-d' uvre dans plusieurs collectivités différentes. Aussi, les promoteurs de ces projets doivent-ils souvent construire eux-mêmes leurs propres infrastructures. Dans cette optique, la VBNC devrait-elle être tenue de verser l'équivalent de taxes foncières municipales à l'une ou l'autre des collectivités du Labrador? Et, dans l'affirmative, à laquelle de ces collectivités? La commission croit que des arguments solides justifient le versement de paiements de ce genre à la ville de Nain, et ce pour les raisons suivantes :

  • Pendant les étapes de l'exploration et de la construction, la VBNC utiliserait largement les installations et les services de Nain.
  • A l'étape de la production, la VBNC continuerait probablement de bénéficier de diverses façons du voisinage de Nain. La société minière a donné en exemple le besoin occasionnel de lieux d'hébergement au cas où les installations du projet ne suffisent pas à loger tous les employés ou visiteurs.
  • Tout indique que la ville de Nain connaîtrait une période de migration d'entrée importante découlant directement du projet. Pour des raisons de taille et d'infrastructures restreintes, on ne peut pas s'attendre ce que Nain absorbe une telle augmentation aussi facilement que le pourrait une grande région urbaine comme celle de Happy Valley-Goose Bay.

Recommandation 87

La commission recommande que la VBNC verse à la ville de Nain une subvention tenant lieu d'impôt foncier pour compenser une partie des coûts supplémentaires engagés par la ville en raison de la construction et de l'exploitation du projet. La formule à utiliser pour calculer la subvention tenant lieu d'impôt foncier devrait être négociée par le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, la ville de Nain et la VBNC. Cette formule devrait tenir compte de l'utilisation prévue des infrastructures et des services communautaires par le projet, des coûts que la municipalité prévoit devoir engager en raison de la migration d'entrée liée au projet, et de toutes les recettes que la collectivité retirera du projet.

La commission juge que le règlement des problèmes de logement à Nain, tant du point de vue du caractère adéquat des logements que du point de vue de leur coût, sera l'un des facteurs critiques de l'optimalisation des avantages du projet et de la réduction au minimum de ses effets négatifs pour la ville de Nain. A l'heure actuelle, 45 pour cent du parc résidentiel nécessite des réparations importantes et une cinquantaine de familles ont besoin d'un nouveau logement. L'étude d'impact environnemental prévoit que la population de Nain pourrait augmenter de plus de 170 personnes d'ici 2001 sous l'effet de l'accroissement démographique naturel et de la migration d'entrée amenée par le projet.

La commission est d'accord avec la VBNC sur le fait que les personnes qui trouveront un emploi au projet ou dans des entreprises connexes auront probablement les moyens de réparer les logements existants ou de construire des logements neufs. Néanmoins, les inégalités économiques accrues qui découleront vraisemblablement du projet, conjuguées à la hausse du coût de la vie et à l'intensification de la concurrence à l'endroit d'un parc résidentiel restreint, pourraient avoir des conséquences négatives pour un nombre important de résidents de Nain et entraîner une recrudescence de problèmes sociaux.

Lors des séances visant à déterminer la portée de l'évaluation, le ministère provincial des Affaires municipales et provinciales a indiqué qu'il s'employait recueillir des données repères et démographiques en vue de préparer une analyse des besoins en matière de logements au cours des 10 prochaines années; toutefois, le Ministère n'a pas participé par la suite aux débats tenus pendant les audiences publiques.

Recommandation 88

La commission recommande que la ville de Nain, l'Association des Inuit du Labrador, le ministère des Affaires municipales et provinciales de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada élaborent conjointement une stratégie quinquennale concernant le logement à Nain, en y incluant les sources de financement, afin de répondre aux besoins des résidents actuels et éventuels en matière de logement.

La commission a constaté un degré de frustration considérable dans la ville de Nain au sujet de la planification du développement économique. Les commerçants et les gestionnaires de Nain ne savent pas très bien en vue de quoi planifier et ils craignent de « rater le coche », surtout en ce qui concerne le délai nécessaire pour mettre de nouveaux terrains la disposition des promoteurs commerciaux.

La commission reconnaît que les rapports entre la ville de Nain et l'Association des Inuit du Labrador sont susceptibles de compliquer la situation. L'Association des Inuit du Labrador a tenu des négociations avec la VBNC et avec les gouvernements sur des questions d'importance régionale, mais elle n'a aucun lien structurel apparent avec la ville de Nain, même si la plupart des habitants de Nain sont membres de l'Association des Inuit du Labrador. Par l'entremise de la LIDC (Labrador Inuit Development Corporation), l'Association des Inuit du Labrador s'est efforcée d'exploiter des possibilités d'affaires pour ses membres, et elle est en communication étroite avec la VBNC. Par contre, l'Association des Inuit du Labrador n'est pas responsable de la planification du développement économique de la ville de Nain.

La commission comprend aussi les craintes de Nain concernant les effets de l'inflation des salaires et de la perturbation de la population active sur les entreprises et les organisations existantes. Ces effets pourraient être de courte durée, comme le prévoit l'étude d'impact environnemental, mais ils sont quand même susceptibles de mettre en danger certains commerces locaux et de nuire à la diversification économique, l'un des avantages durables que le projet est censé laisser derrière lui. La commission ne voit pas de réponses faciles à ces problèmes éventuels, mais elle croit que ces réponses résident peut-être dans une combinaison quelconque de communications améliorées et opportunes et de l'accès à une formation pertinente (une formation qui ne soit pas axée uniquement sur les métiers et professions reliés au projet).

Pour calmer les inquiétudes relatives à la mauvaise préparation de la ville de Nain pour exploiter les débouchés commerciaux, et aux effets du projet sur les entreprises existantes, la commission conclut que les détenteurs d'intérêts doivent élaborer une stratégie dynamique et que la VBNC doit améliorer ses communications avec la ville.

Recommandation 89

La commission recommande que la VBNC et la ville de Nain élaborent un protocole de communication, afin que chacune des deux parties soit régulièrement informée au sujet des questions et des activités d'intérêt commun. Le protocole devrait comporter des dispositions à l'effet que les représentants de la ville et de la VBNC se réuniront au besoin pour discuter de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Ce protocole de communication aurait pour but d'offrir la possibilité de régler les problèmes dès leur apparition et de favoriser des initiatives propres avantager les deux parties.

Recommandation 90

La commission recommande que l'Association des Inuit du Labrador, la ville de Nain et le ministère du Développement et de la Rénovation rurale de Terre-Neuve et du Labrador unissent leurs efforts en vue d'élaborer un processus de planification du développement économique pour la ville de Nain. Ce processus aurait comme objectif global d'en arriver à une économie locale diversifiée et viable, capable de maximiser la participation aux travaux du projet, tout en renforçant les entreprises existantes et en recherchant de nouveaux débouchés dans la collectivité même. Le processus devrait favoriser la participation des divers groupements d'intérêt, y compris la VBNC, comme il convient.

16.2.2 Autres collectivités

Les autorités municipales de Happy Valley-Goose Bay, de Labrador City et de Wabush ont déclaré être en mesure de répondre à l'accroissement de la demande en matière de services et d'infrastructure. Toutefois, des conseils et des groupes communautaires dans les plus petites collectivités ont déclaré à la commission qu'ils ne disposait pas des fonds nécessaires pour répondre à leurs besoins actuels, et donc encore moins à de nouvelles demandes. La Ville de Rigolet a signalé que le projet exercerait une pression supplémentaire sur un budget des services sociaux déjà poussé à la limite en causant des problèmes sociaux et sanitaires plus importants, comme des accroissements de l'alcoolisme et de la propagation des maladies transmises sexuellement. La Ville prévoyait aussi des pénuries de logement auxquelles elle ne pourrait pas répondre. Elle se montrait sceptique à propos de l'assertion de VBNC à l'effet que des fonds seraient disponibles par le biais des ententes sur les impacts et les avantages.

On a pas démontré à la commission que le projet causerait des changements démographiques importants dans les collectivités de la côte nord, sauf Nain. Par conséquent, la commission estime que le projet ne modifierait pas le niveau de demande en matière de services sociaux dans les collectivités côtières, ailleurs qu'à Nain, à un point tel que des mesures d'atténuation supplémentaires seraient requises, autres que celles qui sont prévues dans les ententes sur les impacts et les avantages.

16.3 Réinvestissement des recettes des gouvernements dans la région

Tel qu'indiqué dans la section 16.1.2, la commission croit que les gouvernements fédéral et provincial auraient besoin de réinvestir dans l'infrastructure et les services régionaux une partie des recettes supplémentaires provenant du projet, si l'on veut que le projet génère des avantages durables et équitables. Même si l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu recevaient des paiements pour leur participation financière en vertu des ententes sur les impacts et les avantages, ces paiements seraient équivalents des loyers de biens-fonds et ne remplaceraient pas les obligations des gouvernements qui sont responsables de fournir des services et l'infrastructure.

Au début des audiences, certains intervenants ont fait référence à des fonds patrimoniaux ou de diversification qui sont utilisés dans d'autres régions pour réinvestir les recettes provenant de projets d'exploitation des ressources et pour que les futures générations puissent aussi profiter des avantages. Les quatre parties au Protocole d'entente souhaiteraient peut-être étudier une telle option. La commission croit, toutefois, qu'il vaudrait mieux que les gouvernements s'engagent à investir dans une infrastructure et des services précis dans le nord du Labrador. Ces investissements devraient accroître la capacité des habitants et des collectivités à répondre aux problèmes sociaux et sanitaires fondamentaux et à relever les défis du développement économique communautaire et régional en mettant à profit les avantages qui résultent du projet.

De nombreux intervenants ont déclaré que le niveau du service de transport aérien disponible dans les collectivités côtières est gravement insuffisant. L'Association des Inuit du Labrador, d'autres groupes et des particuliers ont dit qu'il était fondamentalement injuste que le projet dispose d'une piste d'atterrissage de première classe, presque achevé et capable d'accueillir des avions Dash 8, alors que les atterrissages se font à vue sur les pistes des collectivités, un système moins fiable. Ils ont affirmé que si la VBNC avait besoin d'un tel terrain pour protéger la santé et la sécurité de quelque 500 travailleurs sur place, les collectivités dans lesquelles la population est aussi sinon plus nombreuse avaient besoin de meilleures pistes pour la même raison.

Bien que la commission ne conclue pas que l'aménagement d'une piste d'atterrissage de catégorie 1 (voir Recommandation 68) à la baie Voisey doive entraîner la réfection d'autres piste, elle croit effectivement qu'il conviendrait d'investir dans un meilleur système de transport aérien sur la côte nord grâce à l'augmentation des recettes publiques. Le gouvernement fédéral recevrait des recettes fiscales considérables du projet et il serait en mesure de réduire les paiements de péréquation à Terre-Neuve par suite de l'accroissement des recettes de la province. Par conséquent, le gouvernement du Canada devrait réinvestir une partie des recettes supplémentaires dans l'infrastructure régionale qui permettrait d'améliorer la capacité des habitants du nord du Labrador de préserver les avantages économiques que lui procure le projet et de les mettre à profit.

Recommandation 91

La commission recommande que la province, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador, entreprenne des pourparlers avec Transports Canada en vue d'élaborer une stratégie quinquennale pour la réfection des installations de transport aérien sur la côte septentrionale, afin qu'elles répondent aux exigences de catégorie 1. En raison des limites de la piste actuelle de Nain, et de l'accroissement de la circulation aérienne, la commission recommande que l'on accorde une priorité absolue à Nain.

De nombreux intervenants ont aussi indiqué à la commission qu'il faudrait améliorer les soins de santé. La commission prend acte du généreux don de la VBNC au nouvel hôpital de Happy Valley-Goose Bay. Toutefois, cet hôpital ne peut profiter aux habitants des collectivités côtières que s'ils y ont raisonnablement accès. La réfection des services de transport aérien devrait améliorer la réussite et la sécurité des déplacements courants et d'urgence vers l'hôpital et devrait aussi permettre aux professionnels de la santé (les docteurs et les dentistes, par exemple) de se rendre plus facilement dans les plus petites collectivités.

Des fournisseurs de soins de santé et des habitants ont aussi indiqué la commission que l'on aurait besoin de ressources supplémentaires pour améliorer les programmes de prévention et de soins de santé communautaires. Le projet pourrait accroître la demande pour ces services à un niveau tel qu'elle dépasserait la capacité actuelle d'y répondre à Nain. Même si le projet n'avait aucune répercussion sur la demande, la commission croit qu'un investissement du gouvernement provincial dans des programmes communautaires de soins de santé préventifs grâce aux recettes supplémentaires qui proviendraient du projet permettrait de soutenir les interventions suivantes :

  • aider les particuliers et les collectivités dans le nord du Labrador remplir leurs fonctions plus efficacement;
  • améliorer la qualité de vie;
  • réduire les dépenses provinciales pour les soins de santé intensifs, les services sociaux et correctionnels.

Selon la commission, de tels investissements seraient un apport efficace la production d'avantages sociaux et économiques durables et équitables.

Recommandation 92

La commission recommande que la province, par l'intermédiaire de la Société de la santé du Labrador (Health Labrador Corporation) et en consultation avec la Commission de santé des Inuit du Labrador (Labrador Inuit Health Commission) et la Commission de santé Innu (Innu Health Commission), évalue les besoins futurs en matière de soins de santé communautaires et de soins de santé préventifs, qu'elle fixe les priorités pour des programmes et services nouveaux ou accrus, et qu'elle établisse ces programmes et services selon les besoins.