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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

7 Contaminants dans l'environnement

Pour établir les conditions de base, la VBNC a examiné les concentrations de métaux dans des échantillons d'eau, de sédiments, de sols et de tissus de certains organismes prélevés à des endroits représentatifs, adjacents au secteur du projet. Dans quelques cas, les valeurs de base mesurées pour certains métaux dans l'eau douce, l'eau de mer et les sédiments du secteur du projet, de même que dans certaines espèces benthiques et de poissons dépassaient les normes actuelles (la nature et l'ampleur des concentrations excessives n'étaient toutefois pas toujours clairement indiquées dans les documents présentés à la commission). Ces concentrations excessives sont considérées naturelles en raison de la présence de métaux mesurés dans la couche rocheuse ambiante. On note également des concentrations excessives de mercure dans les tissus de caribou, attribuées au fait que le lichen a absorbé le mercure transporté dans l'atmosphère à partir du sud.

A l'aide de son modèle breveté appelé IMPACTMD, l'entreprise Beak International a prédit que les métaux que la VBNC relâcherait dans l'environnement poseraient des risques pour les organismes vivants. IMPACTMD est un modèle probabiliste qui tient compte de plusieurs aspects : les voies de pénétration dans l'environnement et le devenir des métaux libérés; le comportement et les propriétés de ces métaux dans l'environnement, y compris la bioaccumulation dans les organismes; le risque qui en résulte pour les récepteurs biologiques, tels que le poisson, la faune et l'homme.

Beak International a tenu compte de la poussière et d'autres rejets atmosphériques en tant que sources de contamination possibles. La société a aussi examiné le rejet, dans les cours d'eau, des effluents traités, notamment les rejets de la mine à ciel ouvert et des installations de traitement du minerai et des concentrés, ainsi que les infiltrations et les fuites de surface l'étape suivant la fermeture dans les deux bassins de stockage des stériles. Elle a modélisé les effets sur l'environnement à diverses étapes du projet, y compris l'étape suivant la désaffection de la mine, sur une période de 140 ans.

La source première de presque tous les métaux pouvant être libérés dans l'environnement est la roche extraite de la mine elle-même. On a donc basé le modèle sur l'analyse de la roche des gisements Ovoid, Western Extension et Eastern Deeps, ainsi que de la composition et de la chimie de l'eau des résidus prévus. Comme l'a souligné Beak International, les résultats de la modélisation et leur interprétation dépendent fortement du niveau d'exactitude des prévisions de la VBNC relativement aux termes sources et au transport dans l'environnement. Beak International a décrit sa modélisation comme étant une « évaluation à l'étape de l'examen préalable et a suggéré d'utiliser les résultats pour définir les éléments sur lesquels devraient porter des évaluations plus détaillées et déterminer la nécessité des mesures d'atténuation et de surveillance additionnelles si des risques accrus graduels le justifiaient.

Beak International a examiné au départ huit métaux (cuivre, nickel, cobalt, plomb, zinc, cadmium, aluminium et arsenic); les analyses ont porté sur leur écotoxicité et la sensibilité biologique à ces métaux. Bien que le mercure soit un éventuel contaminant connu des aliments prélevés dans la nature (en particulier le poisson et la viande de mammifères marins) et qu'il suscite de profondes préoccupations dans le Nord canadien, il n'a pas été inclus dans le modèle initial. La commission a donc demandé des renseignements additionnels sur le potentiel contaminant du mercure; les renseignements ont été fournis par la VBNC.

L'exercice de modélisation a permis de prédire des modifications graduelles de la chimie de l'eau et des sédiments avec le temps, ainsi qu'une augmentation des taux de métaux absorbés par divers récepteurs aquatiques et terrestres, notamment les invertébrés vivant en eau douce et en eau marine, les poissons, la sauvagine, des mammifères marins et des mammifères terrestres de grande et de petite taille, choisis en raison de leur importance écologique et culturelle. On a calculé pour chaque récepteur les concentrations de métaux selon la voie de pénétration et on a comparé les données avec les valeurs de référence liées à l'apparition possible d'effets nocifs, pour établir un quotient de risque.

La modélisation a pris en considération la période durant laquelle chaque espèce serait présente dans le secteur éventuellement contaminé. La VBNC a utilisé les valeurs les plus élevées ou les plus défavorables pour déterminer les quantités absorbées, en se fondant sur les données propres au site lorsqu'elles existaient, sinon sur des données scientifiques reconnues. Lorsque la concentration d'un métal particulier se situait sous la limite de détection, on a présumé, aux fins de la modélisation, qu'elle correspondait la valeur limite. Une approche aussi prudente a pour résultat de surévaluer les effets éventuels sur l'environnement.

Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a établi des objectifs de qualité de l'eau. Selon le modèle, la réalisation du projet entraînera un dépassement des seuils limites de contamination dans le cas des eaux douces et de leurs sédiments, mais pas dans celui des eaux marines et de leurs sédiments. On prévoit que les concentrations excessives seront dues aux infiltrations des bassins de stériles et aux fuites périodiques de la mine inondée vers le lac Camp. Les concentrations de contaminants dépasseraient alors les seuils limites de l'Environmental Protection Agency des États-Unis pour ce qui est des effets chroniques chez les gastropodes d'eau douce et l'omble de fontaine qui vivent dans ces secteurs. On observerait également des concentrations excessives de nickel et d'aluminium dans l'omble arctique qui vit dans le bassin hydrographique de la baie Throat et dans le fond de la baie Kangeklualuk durant la période suivant les activités de la mine. On ne prévoit pas de concentrations excessives pour les mammifères terrestres ou marins, ni pour les oiseaux, car les effets cumulatifs du projet demeureraient en deçà des seuils limites pour toutes les espèces animales comprises dans le modèle.

Tous les échantillons de roche de la mine et de stériles présentaient des concentrations de mercure inférieures aux limites de détection. Compte tenu de l'équilibre des facteurs en jeu, la VBNC prévoit que le risque de mobilisation du mercure dans l'eau n'augmentera pas. Il n'y aura pas d'accroissement de la biodisponibilité du mercure et les concentrations n'augmenteront pas suffisamment pour entraîner sa bioaccumulation ou sa bioamplification dans la chaîne alimentaire.

Par conséquent, la VBNC prévoit que les effets sur l'environnement des métaux libérés par la réalisation du projet seraient en grande partie indissociables des effets mineurs localisés, qui sont déjà dus à la présence naturelle des métaux. Elle prédit également que les contaminants n'auraient aucun impact sur les aliments prélevés dans la nature qui seraient consommés par les habitants de la région.

La VBNC a affirmé qu'elle surveillerait les concentrations des métaux compris dans le modèle, ainsi que d'autres métaux importants qui se trouvent dans l'eau, les sédiments et une partie du biote des bassins hydrographiques récepteurs, pendant toute la durée du projet.

Préoccupations du gouvernement et de la population

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada est d'avis que la VBNC n'a pas justifié sa position selon laquelle il n'y aurait pas de problème de mobilisation du mercure. Le ministère n'affirme pas que la mobilisation du mercure poserait effectivement un problème, mais indique que cette possibilité est réelle. Les principales préoccupations du ministère concernent l'incertitude des prédictions au sujet de la mobilisation du mercure et le comportement des métaux dans les sédiments et l'eau salée. Pour ce qui touche les prédictions fondées sur le modèle, le ministère se demande si le modèle IMPACTMD tient compte de la différenciation des espèces de métaux et s'il est en mesure de prendre en considération la complexité des effets du mercure sur les systèmes aquatiques. Pêches et Océans Canada questionne également la pertinence du choix de la VBNC de certains organismes macrobenthiques comme indicateurs et souligne l'incapacité du modèle de quantifier les probabilités. Le ministère note toutefois que les analyses chimiques de base faites sur les métaux par la VBNC sont compatibles avec les siennes et que les données sont comparables.

Pour sa part, le Service canadien de la faune d'Environnement Canada juge les prédictions de la VBNC au sujet du mercure optimistes, vu le problème potentiel de l'acidification, qui aurait pour effet de mobiliser le mercure, même s'il n'est présent qu'en très petites quantités. Le Service canadien de la faune trouve également insuffisantes les données de base sur les oiseaux et les mammifères. Il a par ailleurs relevé plusieurs problèmes techniques dans l'application du modèle des contaminants de la VBNC, même si certains d'entre eux se sont révélés être des erreurs de présentation. En général, le Service canadien de la faune considère que la VBNC a sous-estimé les risques de contamination de l'environnement.

Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune ont fait des recommandations très similaires dans l'ensemble. Ainsi, ils ont recommandé que la VBNC :

  • prélève un plus grand nombre d'échantillons de base;
  • évalue, renforce et teste le modèle, en collaboration avec Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune;
  • surveille la contamination éventuelle d'un large éventail d'espèces pendant toute la durée du projet et établisse un protocole pour l'interprétation des résultats et la prise des mesures correctives.

La Direction générale des Forêts et de la Faune de Terre-Neuve a par ailleurs recommandé qu'on procède à la surveillance de la contamination des petits mammifères.

Une spécialiste Innu a fait ressortir plusieurs lacunes méthodologiques dans le choix des données d'entrée et l'application du modèle IMPACTMD. Ces lacunes concernent principalement : l'utilisation de moyennes plutôt que d'une fourchette de valeurs, notamment en ce qui concerne le débit des cours d'eau et les bioconcentrations dans les organismes; le fait de ne pas avoir inclus les événements extrêmes; l'absence d'analyses de vulnérabilité. Par conséquent, il n'y a pas de prédiction liée au pire des scénarios. La spécialiste a déclaré qu'il fallait appliquer un modèle probabiliste et recueillir davantage de données sur les conditions de base pour permettre au modèle d'évaluer un éventail adéquat de situations qui lui sont soumises pour traitement.

Les spécialistes de l'Association des Inuit du Labrador ont fait plusieurs recommandations : examiner toutes les données disponibles, prélever des échantillons supplémentaires pour combler les lacunes, définir conjointement des objectifs de surveillance et mettre sur pied un programme de surveillance qui engloberait notamment les secteurs utilisés pour les activités fauniques. Ils ont insisté sur la nécessité d'adopter, à l'égard des contaminants, une démarche qui puisse tenir compte des effets cumulatifs. Ils ont aussi fourni un cadre spatial pour la modélisation des sources, des voies de pénétration et des récepteurs dans le secteur touché par le projet.

La VBNC a répondu qu'elle avait procédé à une analyse déterministe, et non probabiliste, et qu'elle avait utilisé dans tous les cas des valeurs prudentes pour prédire les effets dans le pire des scénarios. Elle a fourni une comparaison des concentrations de métaux prévues et mesurées dans certaines plantes et organismes aquatiques, pour démontrer que le modèle avait tendance à surévaluer l'accumulation des métaux. La VBNC souligne que le modèle ne devait pas servir à prédire le risque plus ou moins grand de toxicité aiguë découlant d'événements accidentels, mais plutôt les effets d'une exposition chronique faible sur des organismes pour une période prolongée. Elle ne croit pas qu'il faille effectuer d'autres études avant le début des travaux de construction. Elle s'est toutefois dite prête examiner la question de la modélisation avec toutes les parties, à envisager la possibilité de surveiller les effets des contaminants sur la faune et à examiner le protocole d'interprétation des résultats de concert avec Pêches et Océans Canada et le Service canadien de la faune. La VBNC réitère son point de vue relativement au fait que l'évaluation du projet n'a pas tenu compte du mercure, parce que les activités du projet n'auraient pas pour effet d'accroître les taux de mercure actuels dans les organismes vivants du secteur.

Conclusions et recommandations

La commission considère que la VBNC a fourni, aux fins de l'évaluation environnementale, des données de base adéquates concernant les contaminants dans l'eau, les sédiments et le biote des secteurs adjacents au site du projet. La commission donne également son accord de principe à l'approche de modélisation utilisée par la VBNC, considérant notamment :

  • qu'il était pertinent d'aborder l'évaluation à l'aide d'un modèle déterministe basé sur des données prudentes;
  • que la démarche fondée sur un examen préalable était adéquate aux fins de l'évaluation environnementale.

La commission considère que les termes sources sont pertinents et que les valeurs et les hypothèses utilisées pour l'exercice de modélisation avaient tendance à surestimer plutôt qu'à sous-estimer les risques de contamination par les métaux.

Selon les études réalisées jusqu'à maintenant, il semble que les activités du projet soient peu susceptibles de libérer dans l'environnement des métaux à des concentrations pouvant représenter un risque important pour le poisson, la faune ou les humains. Aucune hypothèse claire (par opposition des préoccupations) n'a été présentée à la commission, indiquant que les métaux libérés constitueraient une menace sérieuse pour l'écosystème et la santé humaine, hypothèse qui serait fondée sur des données faisant état de la façon dont ces métaux sont libérés et mobilisés et deviennent biodisponibles, ainsi que de la bioaccumulation et de la bioamplification éventuelles dans les organismes et les chaînes alimentaires de la région Landscape.

La commission note que, bien que l'on prédise que les concentrations de certains métaux, notamment le nickel, le cuivre et l'aluminium, excéderont les seuils limites dans les secteurs entourant le site du projet, on sait que ces métaux ne connaissent pas une bioaccumulation ou une bioamplification importante dans la chaîne alimentaire. Même s'ils s'accumulaient à des concentrations dangereuses pour les organismes aquatiques à certains endroits, ce qui semble improbable, ces métaux ne deviendraient pas dangereux pour les espèces prédatrices car ces espèces ne résident pas dans ces lieux. Ces métaux ne poseraient donc pas de risque pour les humains.

Néanmoins, la commission est d'avis que les contaminants représentent un aspect important de la réalisation du projet, puisqu'ils peuvent se retrouver dans les aliments traditionnels, rendant ainsi la consommation de cette nourriture dangereuse. Elle juge donc nécessaire de mettre sur pied deux programmes de surveillance distincts. L'un, sous la responsabilité de la VBNC, serait fondé sur des hypothèses et axé sérieusement sur les métaux et leurs effets environnementaux. L'autre serait de nature plus générale, portant surtout sur les aliments prélevés dans la nature et la salubrité de la chaîne alimentaire. Il s'agirait d'un programme coopératif relevant du Conseil consultatif de l'environnement.

Recommandation 14

La commission recommande que la VBNC mette sur pied un programme de surveillance adéquat portant sur les effets environnementaux des métaux et autres contaminants, en collaboration avec Pêches et Océans Canada, Environnement Canada, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu. Ce programme devrait comprendre un protocole régissant l'interprétation des résultats et la prise de mesures correctives. Il devrait être en place avant le début des travaux de construction et être sujet à des modifications continues, au besoin.

Compte tenu des préoccupations exprimées par divers participants et de l'avertissement donné par Beak International, il importe d'approfondir les aspects techniques et les objectifs du modèle utilisé aux fins de la surveillance.

Recommandation 15

La commission recommande que l'on mette en uvre un programme de surveillance continue des concentrations de contaminants dans les aliments directement puisés dans la nature au Labrador septentrional. Ce programme général devrait faire appel principalement à la collaboration des gouvernements, de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu; la VBNC devrait pour sa part fournir un soutien d'aide technique et matériel. A titre d'autorité responsable, le ministère des Pêches et des Océans du Canada devrait désigner l'organisme qui serait chargé de la supervision du programme. Cet organisme devrait assumer la plus grande part du financement du programme et fournir les ressources scientifiques nécessaires. La direction du programme devrait toutefois être confiée au Conseil consultatif de l'environnement. Ce programme général a comme objectifs de donner suite aux préoccupations de la population du nord du Labrador et de réduire au minimum les perceptions erronées concernant les effets réels du projet sur l'environnement de la région. Ce programme devrait porter sur les effets cumulatifs et synergiques des contaminants de toutes sources et prévoir des dispositions concernant l'interprétation et la diffusion continue des résultats auprès de la population régionale. Il devrait intégrer entièrement les connaissances et l'expérience acquises grâce au Programme fédéral de lutte contre les contaminants dans le Nord et établir des relations de coopération avec ce programme. Le programme de surveillance devrait veiller à ce que l'on possède des données de base convenables sur les concentrations (de métaux et d'autres contaminants) dans un large spectre du biote et à différents endroits représentatifs de la région. Le programme doit également recueillir auprès des organismes publics et privés concernés toutes les données sur les contaminants qui touchent la région. Ces données devraient être disponibles avant le début des travaux de construction, sous réserve de l'examen et des recommandations du Conseil consultatif de l'environnement.

Deux questions demeurent imprécises et nécessitent un examen plus approfondi. L'une a trait à la mobilisation potentielle du mercure. Il s'agit plus particulièrement de définir les conditions d'une acidification d'une intensité et d'une ampleur telles qu'elle pourrait accentuer la mobilisation du mercure et, le cas échéant, de déterminer si d'autres facteurs pourraient faire contrepoids à cette tendance. L'autre aspect concerne le comportement des métaux dans l'environnement et les sédiments marins. Il est question plus précisément de déterminer si les métaux seraient plus facilement absorbés par les organismes marins que ne l'a prévu la VBNC. Ces questions devraient être étudiées de manière continue dans le cadre du programme de surveillance des effets environnementaux, mais il faudrait aussi réaliser des recherches ponctuelles axées sur ces questions.

Recommandation 16

La commission recommande qu'Environnement Canada et le ministère des Pêches et des Océans du Canada élaborent conjointement un énoncé de position relativement à la question du mercure et qu'ils conçoivent un programme de recherches visant à déterminer, en fonction des paramètres du projet, comment le mercure pourrait se mobiliser dans l'environnement. Advenant que l'on puisse clairement présumer de l'existence un lien entre le projet et la mobilisation du mercure à des niveaux éventuellement préjudiciables aux poissons, à la faune ou aux humains, Environnement Canada, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, ainsi que la VBNC devaient élaborer et financer un programme de recherche conjoint en vue de déterminer des mesures de prévention ou d'atténuation.

La question du comportement des métaux dans le milieu marin est abordée la recommandation 27.