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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

14 Utilisation des terres par les autochtones et préservation des ressources historiques

14.1 Utilisation des terres par les Autochtones

Dans ses directives, la commission a mentionné qu'elle étudierait les effets nuisibles que pourrait avoir le projet sur l'utilisation actuelle des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les Autochtones, ainsi que sur des activités telles que le tourisme, la pourvoirie, les activités commerciales de la faune et les loisirs, y compris les possibilités d'utilisation que pourrait supprimer ou empêcher la réalisation du projet.

En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, les conséquences d'un projet sur l'utilisation actuelle des terres et des ressources par les Autochtones à des fins traditionnelles sont incluses dans la définition d'« effet environnemental », mais l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (l'« Agence ») ne donne aucune orientation quant à la façon de définir ou de documenter cette utilisation. La commission sait fort bien que les mots « utilisation actuelle » peuvent avoir toute une gamme de significations. Dans son sens le plus étroit, « utilisation actuelle » veut dire l'utilisation des dernières années écoulées, car les habitudes d'utilisation des terres varient et qu'aucune année à elle seule ne saurait être estimée pleinement représentative. Dans son sens le plus large, « utilisation actuelle » signifie l'utilisation « de mémoire d'homme », telle qu'enregistrée par la méthode de la biographie cartographique communément utilisée pour établir le titre ancestral ou les droits des Autochtones sur un site en particulier. Cette méthode permet de produire un dossier complet des 30 à 40 dernières années et, pour des besoins plus limités, un dossier de 60 à 70 ans. La commission a indiqué, dans ses directives, qu'elle étudierait les documents relatifs aux revendications territoriales pour définir l'utilisation actuelle des terres et des ressources dans le contexte du présent examen. Pour déterminer les effets négatifs que pourrait causer le projet, ainsi que les mesures propres à les atténuer, la commission a décidé de se pencher surtout sur les habitudes d'utilisation des terres et des ressources au cours des 20 dernières années et aussi sur les utilisations futures possibles.

L'Association des Inuit du Labrador a renvoyé la commission au document original de l'Association concernant l'utilisation et l'occupation du sol, intitulé Our Footprints are Everywhere. L'Association des Inuit du Labrador a également déposé un rapport intitulé From Sina to Sikujaluk : Our Footprint, lequel mettait à jour les renseignements pertinents pour la période allant de 1977 à 1997. Selon ces documents, la région de la baie Voisey et pratiquement toute la région de Landscape ont toujours été et demeurent au c ur même du territoire des Inuit du Labrador, qui en font une utilisation moderne et traditionnelle importante. Les experts et les participants Inuit aux séances communautaires ont apporté à la commission des preuves précises de cette utilisation.

La zone du projet lui-même et la région avoisinante, de même que les voies d'expédition, constituent une part importante du territoire d'exploitation de la faune de Nain, tant pour les pratiques de subsistance que pour la pêche commerciale et peut-être, éventuellement, pour la pêche commerciale aux coquillages et crustacés si les pêches locales se diversifient. L'ensemble des stocks de la baie Voisey représente la plus grande partie des pêches d'omble de Nain. De toutes les régions situées sur la côte septentrionale du Labrador, la région entourant Nain est la plus lourdement touchée par les activités d'exploitation des ressources fauniques. Les périodes de pointe de chasse et de pêche sont au printemps (avril et mai) et à l'automne (de septembre jusqu'à la prise des glaces en décembre), mais les habitants font des expéditions sur terre et en mer à l'année longue. Au printemps, ils se déplacent sur les glaces de mer pour atteindre des zones importantes de capture de poissons et d'animaux sauvages. Ils vont notamment dans certains coins de la baie Voisey pêcher l'omble et une variété de morue, et chassent le phoque à un endroit situé au sud de l'île Paul. Cet endroit est parmi les territoires de chasse au phoque les plus rapprochés de Nain. A l'automne, les habitants vont dans les anses chasser le phoque et ramasser du bois et se rendent dans les îles côtières pour y chasser la sauvagine et le lièvre.

Même si la zone du projet est à l'extrémité du territoire Innu, comme le montrent les cartes fournies par la nation Innu, les Innu fréquentent la région de la baie Voisey depuis des générations. Plusieurs aînés d'Utshimassits ont déclaré à la commission qu'ils étaient nés et avaient passé leur enfance dans cette région, à laquelle ils gardent un attachement spirituel profond. L'utilisation de la région de la baie Voisey par les Innu semble avoir diminué depuis l'établissement de la collectivité d'Utshimassitts (Davis Inlet) à son emplacement actuel en 1967. Il n'en reste pas moins que cette zone (surtout les Gooselands et le système du ruisseau Reid) a de l'importance pour plusieurs familles qui y trouvent des moyens de subsistance en pêchant différents poissons, en chassant des oiseaux, de petits mammifères, des ours noirs et des phoques, ainsi qu'en cueillant des baies sauvages. Les Innu se déplacent eux aussi sur les glaces de mer, traversant la voie proposée de transport par mer, pour chasser le caribou depuis Nain en passant par la rivière Fraser.

Le projet, et tout spécialement la voie d'expédition hivernale, touchera éventuellement d'autres collectivités installées plus au sud. Les Inuit et les colons des autres collectivités de la côte septentrionale du Labrador, et même ceux de Happy Valley et Goose Bay, se rendent à Nain en passant le long de la côte, surtout en hiver, principalement pour accéder au plateau de l'intérieur où ils chassent le caribou. Les Métis et d'autres groupes de la côte sud du Labrador vont aussi dans la région de Nain pour y chasser le caribou certaines années. La population de Cartwright a exprimé des inquiétudes quant aux effets possibles de déversements accidentels de pétrole sur la faune aquatique et sur les pêches en mer.

D'autres groupes autochtones, notamment les Inuit du Nunavik, les Naskapis du Québec et les Innu de Matimekush-Lac John, à Schefferville, n'utilisent pas actuellement la région. Ils font cependant valoir des intérêts qui pourraient être touchés si le projet nuisait aux niveaux des populations de caribou ou, pour le Nunavik, des populations d'ours polaires ou de baleines blanches.

Ni les Inuit, ni les Innu n'ont fourni à la commission de documents actuels sur les quantités de poissons ou d'animaux capturés, mais ils ont quand même déclaré que les aliments tirés de la nature sauvage continuent de former une part substantielle du régime alimentaire local, et qu'il est donc important de protéger la région pour des raisons d'économie autant que de santé.

14.2 Perturbation des activités d'exploitation des ressources fauniques

14.2.1 Évaluation par la VBNC

La VBNC prévoit que l'exploitation normale du projet aura les effets résiduels suivants (ces effets sont décrits en détail dans les chapitres précédents) :

  • la perte ou la modification des zones d'exploitation des ressources fauniques;
  • la réduction de l'accès aux zones d'exploitation des ressources fauniques;
  • la perte de mobilité ou allongement de la durée des déplacements.

On estime que ces effets, auxquels s'ajoute le sentiment d'une perte de contrôle sur la zone du projet, sont estimés mineurs (non significatifs) pendant la construction, l'exploitation et la désaffectation de la mine, et négligeables après la désaffectation. Les effets des accidents éventuels, principalement par contamination, sont jugés modérés (significatifs), mais peu probables.

La VBNC a signalé qu'elle désignerait, autour de l'emplacement du projet, une zone tampon où la chasse sera interdite pour des raisons de sécurité, ce qui entraînera une perte d'accès. Les dimensions effectives de cette zone seront déterminées en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu.

La VBNC propose également un certain nombre de mesures d'atténuation dont certaines ont déjà fait ici l'objet d'une analyse détaillée dans les chapitres portant sur les pêches, les mammifères marins, la faune terrestre et les contaminants. Le projet, une exploitation minière avec service de navette aérienne, n'entraînera l'installation d'aucune population résidente qui pourrait créer des tensions supplémentaires relativement aux activités d'exploitation des ressources fauniques. Selon la politique de la VBNC, aucun des travailleurs de la société ni ses sous-traitants n'a le droit de chasser, de piéger ou de pêcher à quelque moment que ce soit de son séjour dans un camp ou une installation de la VBNC. Au terme de chaque période de travail de deux semaines, les travailleurs seront ramenés par avion à leur point d'embarquement.

La VBNC a déclaré qu'elle négocierait une entente d'indemnisation relative aux pertes fauniques, dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages, pour régler la question des effets résiduels du projet. La société a laissé entendre que le fonds créé par cette entente pourrait éventuellement permettre de verser une somme convenue pour compenser les pertes prévues, la répartition en étant décidée par un conseil d'aînés ou par des représentants communautaires. La somme en question indemniserait les particuliers pour des pertes ou des dommages précis, par exemple, des dommages aux biens ou au matériel ou la perte de possibilités d'activités d'exploitation de la faune. Elle indemniserait aussi la collectivité pour les pertes générales. Les demandeurs ne seraient pas tenus de se conformer strictement à la règle de preuve. Un conseil conjoint présidé par une personne indépendante déterminerait le montant de l'indemnisation de pertes découlant d'effets significatifs imprévus ou accidentels.

14.2.2 Préoccupations des gouvernements et de la population

Des représentants du gouvernement et des participants du grand public ont exprimé des préoccupations au sujet de certains effets nuisibles que pourrait causer le projet sur les terres, sur l'accès aux ressources, de même que sur l'abondance et la qualité des ressources. Voici de quels effets il s'agit :

  • la perte physique ou la perturbation d'habitats, touchant un territoire de plus de 750 hectares, y compris les lacs utilisés pour le stockage des résidus, de même que la possibilité d'incendies de forêt et de conséquences néfastes pour le système du ruisseau Reid, qui pourraient entraîner des pertes importantes de stocks d'ombles dans la baie Voisey;
  • la perturbation de la faune, notamment les effets des expéditions par mer sur les phoques, les effets de la circulation aérienne sur le territoire des Gooselands, la perturbation des déplacements du caribou sur terre et sur les glaces de mer, ainsi que les effets des déversements accidentels de pétrole sur le gibier d'eau et sur les mammifères marins, toutes ces perturbations étant susceptibles de modifier la répartition, l'abondance et l'accessibilité de la faune;
  • la contamination ou l'altération des poissons, des coquillages, des crustacés et des animaux sauvages par les métaux, les déversements de pétrole ou les effluents du traitement des déchets;
  • les pressions supplémentaires sur l'exploitation de la faune causées par les travailleurs de la mine, ainsi que par la suppression des ours noirs et des ours polaires qui créent des problèmes;
  • la limitation de l'accès à des zones d'exploitation des ressources fauniques importantes telles que le lot de concessions lui-même et le port naturel de l'anse à Edward, et la perturbation des déplacements des habitants sur les glaces marines par les expéditions hivernales de minerai.

L'Association des Inuit du Labrador a fait état d'une préoccupation plus générale selon laquelle les effets conjugués des activités portuaires, des effluents de traitement du minerai, des déversements accidentels de pétrole et des expéditions par mer pourraient éventuellement amener les exploitants de la faune à éviter complètement la baie Anaktalak. L'Association soutient que les Inuit auraient du mal à trouver des territoires de chasse et de pêche ailleurs, car toute la région d'exploitation des ressources fauniques entourant Nain est pleinement utilisée.

L'Association des Inuit du Labrador a proposé d'affecter les fonds d'indemnisation l'atténuation des effets tels que les perçoivent les chasseurs, y compris les effets des réinstallations et de leurs coûts, et ce en étudiant chaque cas en particulier. Il faudrait aussi des dispositions prévoyant la compensation, sans charge de preuve, s'il se produit de graves répercussions non prévues, par exemple, une perte importante d'habitat de l'omble dans le ruisseau Reid ou d'habitat de la sauvagine dans les Gooselands. L'Association des Inuit du Labrador demande que l'on adopte un plan de responsabilité absolue qui permettra de régler les problèmes rapidement dès qu'ils se présentent. La nation Innu voit l'indemnisation plutôt comme une affaire communautaire qui comporte des pertes culturelles aussi bien qu'économiques. Elle a aussi suggéré que la VBNC crée un fonds qui serait administré par les aînés. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont toutes deux indiqué qu'elles craignaient que le montant des polices d'assurance responsabilité de la société ne suffise pas s'il arrivait un incident important ou catastrophique.

Le ministère des Pêches et des Océans du Canada a recommandé, entre autres mesures, ce qui suit :

  • que la politique d'interdiction de la pêche sur l'emplacement du projet soit appliquée de façon stricte et que des ressources suffisantes soient affectées à cette fin (le ministère a insisté sur le fait qu'il n'était pas responsable de faire respecter cette politique, mais qu'il s'agissait là d'une responsabilité de la VBNC);
  • que la VBNC évalue la nécessité de mettre sur pied un programme de surveillance des crustacés et des coquillages dans la région de l'anse Edward pour prévenir leur contamination par les métaux et les bactéries, ainsi que leur altération sous l'effet des hydrocarbures.

Pêches et Océans Canada a également fait part de ses craintes au sujet de l'avènement possible d'un marché noir où se ferait le commerce des aliments puisés dans la nature, entre les Autochtones exploitant la faune et les travailleurs du projet.

La Direction des forêts et de la faune de Terre-Neuve et du Labrador a recommandé que la politique interdisant strictement la chasse sur tout l'emplacement du projet englobe la pratique du dénichement.

Conclusions et recommandations

La commission en conclut qu'il est peu probable que les activités d'exploitation des ressources fauniques soient interrompues de façon significative ou généralisée en raison des effets nuisibles du projet sur l'abondance ou la qualité du poisson et des ressources fauniques dans la région de Landscape si les mesures d'atténuation proposées par la VBNC se révèlent efficaces et si les recommandations pertinentes de la commission (présentées dans les autres chapitres du présent rapport) sont mises en uvre. Il faudra aussi que les politiques d'interdiction de la chasse et de la pêche soient totalement respectées et exécutées avec toute la rigueur nécessaire.

Recommandation 69

La commission recommande que la VBNC poursuive sa politique actuelle d'interdiction de la chasse et de la pêche sur l'emplacement du projet et qu'elle veille à ce que cette politique soit rigoureusement appliquée. La politique en question devrait être élargie pour englober l'interdiction du dénichement. La politique devrait aussi prévoir le congédiement de tout travailleur qui se livre au commerce illégal du poisson ou du gibier, et la société devrait s'assurer que tous les travailleurs sont mis au courant de ces conséquences.

Recommandation 70

La commission recommande que la VBNC mette à exécution la politique qu'elle propose visant à ramener les travailleurs de la mine à leur point d'embarquement, pour s'assurer qu'ils ne pourront pas utiliser l'emplacement du projet comme base de chasse et de pêche pendant leurs temps libres.

Nonobstant ce qui précède, la commission juge qu'il peut se produire certains effets résiduels localisés sur l'abondance et la qualité de la faune. Il sera peut-être impossible d'empêcher la contamination ou l'altération des coquillages et des crustacés dans le voisinage du port que la société se propose de construire à l'anse à Edward. La zone touchée pourrait être de petite dimension; en effet, Pêches et Océans Canada a avisé la commission que des installations portuaires semblables dans la province n'avaient pas causé d'effets nuisibles graves et que les suppressions de zones de croissance des crustacés et des coquillages se limitaient, dans certains cas, à environ 100 mètres autour des installations. Il n'en reste pas moins que s'il faut procéder à des suppressions de zones de croissance, cela pourrait nuire aux possibilités futures de pêche commerciale et de pêche de subsistance. La commission a recommandé que l'on surveille les coquillages et les crustacés de l'anse à Edward, pour prévenir et détecter la contamination par les métaux ou les bactéries et l'altération par les hydrocarbures, puisque c'est à cet endroit que des effets de ce genre sont le plus susceptibles de se produire pendant l'exploitation de la mine (recommandation 26). Il est possible également que les activités du projet poussent les mammifères marins à fuir au moins le territoire de l'anse à Edward, sinon une partie plus vaste du fond de la baie Anaktalak, pendant une période de temps indéterminée.

Le projet pourrait limiter l'accès des exploitants de la faune à leurs territoires d'exploitation des ressources fauniques pendant de longues périodes de temps. Voici quelques-unes des zones susceptibles d'être touchées :

  • la zone de l'anse à Edward à cause des activités portuaires et parce que les exploitants de la faune pourraient décider d'éviter l'endroit en raison du bruit, des activités industrielles et d'un risque appréhendé de contamination;
  • les secteurs situés de chaque côté et au sud de la route d'expédition proposée, pendant les expéditions d'hiver, s'il est impossible de garantir aux habitants qu'ils peuvent franchir le parcours des navires en toute sécurité et au moment qui leur convient;
  • les Gooselands, si les mesures d'atténuation se révèlent inefficaces.

Puisque ces effets agissent ensemble, ils pourraient forcer les exploitants de ressources fauniques et leur famille, à leur grand désavantage, à changer considérablement leurs territoires d'exploitation des ressources fauniques. Si ce déplacement d'activités se révèle plus que temporaire, il pourrait nuire à l'exploitation fructueuse de certaines espèces fauniques. Puisque ces effets peuvent durer longtemps et que leur nature est irréversible, la commission en conclut qu'ils devraient être cotés modérés (significatifs) parce qu'ils sont susceptibles de toucher une partie de la population d'exploitants de la faune pendant plus d'une génération. La commission convient que les accidents, s'ils se produisent, pourraient aussi avoir des effets nuisibles significatifs sur les activités d'exploitation de la faune.

La commission reconnaît que de nombreux Innu et Inuit, s'ils sont déplacés par les effets en question, pourront ressentir la perte d'une composante particulièrement valorisée de leur patrimoine naturel. Elle reconnaît aussi qu'une perte de ce genre est irréversible d'un point de vue esthétique, récréatif ou spirituel. Il n'y a aucun moyen d'y remédier. Néanmoins, la VBNC devra verser des indemnisations, dans la mesure du possible, pour compenser les perturbations qui frappent réellement les activités d'exploitation de la faune.

Recommandation 71

La commission recommande que la VBNC conclue une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu relativement à un régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation. La convention d'indemnisation devrait être négociée dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages et prendre effet avant le début de la construction. La convention devrait comporter des protocoles en vue d'indemniser les peuples autochtones pour ce qui suit :

  • l'accroissement des coûts d'exploitation des ressources fauniques en raison d'un changement de territoire de prédation ou d'une perte d'accès à ces territoires;
  • les avantages que les Autochtones auraient pu trouver dans des débouchés commerciaux qu'ils seront incapables d'exploiter à cause du projet;
  • les dommages au matériel ou aux biens;
  • les activités de chasse et de pêche commerciales ou de subsistance qui ne peuvent se réaliser parce que le projet a réduit l'abondance ou amoindri la qualité de la faune.

La VBNC devrait offrir des garanties financières suffisantes pour couvrir toute catastrophe éventuelle. En outre, les entrepreneurs embauchés par la VBNC et leurs sous-traitants, notamment les entreprises de transport, devaient adhérer au régime d'indemnisation visant à compenser la perturbation des activités de prédation.

Ces régimes d'indemnisation devraient s'appliquer à la fois aux pertes individuelles ponctuelles et aux dommages importants causés par des accidents ou des événements imprévus. La VBNC devrait être présumée responsable moins qu'il n'y ait preuve du contraire. Le fardeau de la preuve démontrant l'ampleur et la valeur d'une perte devrait incomber aux demandeurs, conformément aux protocoles établis dans le régime d'indemnisation. Il faudra peut-être rassembler des données de base supplémentaires sur les activités d'exploitation de la faune et sur leurs résultats, pour s'assurer de l'efficacité des mesures d'atténuation, ainsi que pour élaborer et mettre en uvre un programme d'indemnisation efficace. Dans ce cas, il conviendrait de négocier un programme de collecte de données dans le cadre du régime d'indemnisation.

La commission fait remarquer que les activités du projet pourraient nuire aux exploitants traditionnels de la faune qui ne sont pas couverts par les ententes sur les impacts et les avantages.

Recommandation 72

La commission recommande que la VBNC s'engage à indemniser, au cas par cas, les exploitants traditionnels de la faune qui ne sont pas membres de l'Association des Inuit du Labrador ou de la nation Innu et qui sont susceptibles de subir des conséquences négatives en raison, par exemple, de la perturbation des déplacements sur les glaces marines en hiver.

14.3 Effets des emplois et des revenus tirés du projet sur les activités d'exploitation des ressources fauniques

Lors des audiences publiques, de nombreux participants ont indiqué qu'ils craignaient les effets éventuels des emplois créés par le projet sur leur capacité d'exploiter la faune. Ces participants ont défini plusieurs résultats possibles, tant positifs que négatifs, des compromis possibles entre les revenus supérieurs provenant d'un emploi et la perte de temps à consacrer aux occupations traditionnelles. On se demandait si les familles continueraient tirer leur subsistance de la nature, selon le besoin, et si elles seraient encore capables de passer du temps ensemble sur le territoire et de transmettre aux générations futures les connaissances, les habiletés et les valeurs liées aux activités d'exploitation de la faune. Tant les Innu que les Inuit ont insisté sur le fait que le projet ne devait pas nuire à leur capacité de poursuivre ces activités comme source de revenu et comme mode de vie. Ils ont aussi déclaré que le temps passé dans la nature était plus qu'une activité économique; ce sont des périodes valorisées sur les plans culturel, spirituel et récréatif et elles sont essentielles à l'identité même des peuples Innu et Inuit. Le chapitre 16 traite plus longuement de ces préoccupations.

La VBNC a affirmé que les revenus tirés des emplois du projet permettraient aux exploitants de la faune de mieux s'équiper pour la chasse et la pêche. En outre, les périodes de travail se feront en rotation de deux semaines suivies de deux semaines de relâche, ce qui donnera aux travailleurs autochtones des intervalles raisonnables pendant lesquels ils pourraient s'adonner aux activités d'exploitation de la faune. La société a également déclaré que, dans d'autres communautés autochtones, l'emploi en rotation avait eu, tout compte fait, des conséquences positives sur les activités d'exploitation de la faune.

En ce qui concerne la surveillance et le suivi, la VBNC s'est dite disposée contribuer à des recherches sur les niveaux de consommation d'aliments prélevés de la nature et sur les activités d'exploitation des ressources fauniques. La société a fait remarquer que des fonds de recherches à cette fin pourraient également venir du Fonds de protection sociale et culturelle que l'on se propose de créer et dont le mandat comprendra la surveillance des effets sociaux et économiques globaux du projet et, le cas échéant, l'élaboration de mesures d'intervention pertinentes. Le fonds en question pourrait aussi servir à financer des programmes de soutien aux activités d'exploitation de la faune.

La commission estime que les effets des emplois rémunérés et des revenus qui s'y rattachent seront probablement, à tout prendre, avantageux pour les exploitants de la faune, même s'il faut prévoir des différences dans la façon dont les exploitants et leurs familles subiront les effets ou y réagiront. Les expériences de ce genre qui ont été vécues dans d'autres régions du Nord permettent de croire que les économies de subsistance fondées sur l'exploitation de la faune se remettent remarquablement bien de ces bouleversements, quoique le résultat puisse différer dans la partie septentrionale du Labrador. Il conviendrait de surveiller les effets dans le cadre d'un programme global de surveillance socio-économique (voir le chapitre 16) et de prévoir un rajustement éventuellement des conditions d'emploi, s'il y a lieu.

Il est possible que l'un des effets étendus que pourraient avoir des emplois à temps plein et à long terme sur les collectivités de la côte septentrionale du Labrador soit un changement d'orientation économique qui ferait passer ces collectivités d'un régime qui faisait alterner emplois rémunérés et périodes d'exploitation des ressources fauniques selon les saisons, à un régime d'emplois rémunérés à l'année longue, entrecoupé de rares périodes d'exploitation des ressources fauniques pour la plupart des individus. Il est peu probable que le projet soit la cause unique d'une telle tendance, que les habitants de la région ne seraient d'ailleurs pas unanimes à estimer négative.

14.4 Ressources historiques

14.4.1 Évaluation par la VBNC

En 1995, 1996 et 1997, la VBNC a effectué l'évaluation des ressources historiques d'un territoire couvrant une partie du lot de concessions minières qui lui avait été accordé. En 1996, avec la collaboration de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, la VBNC a également mené une évaluation des ressources archéologiques à laquelle ont participé des archéologues Innu et Inuit. Bien que l'évaluation des ressources historiques ne se soit pas fondée sur une méthode uniforme pour l'ensemble du territoire étudié, toutes les zones ont fait l'objet d'une inspection visuelle générale. Lorsque les évaluateurs jugeaient qu'une zone était susceptible de contenir des ressources historiques, ils adoptaient des méthodes plus intensives telles que l'inspection rapprochée de surface et les tests du sol en profondeur. La VBNC a aussi tenu compte de renseignements tirés d'entrevues personnelles, d'un examen documentaire, de photos aériennes, d'analyses cartographiques et d'un modèle de prévision des ressources archéologiques potentielles.

Les chercheurs ont recensé un total de 134 sites archéologiques et contemporains dans la zone d'évaluation. La plupart de ces sites se trouvaient près des rives de la baie Anaktalak, de l'anse à Edward, de la baie Voisey et de la baie Kangeklualuk, ainsi que dans la vallée du ruisseau Reid. Pour des raisons de protection des ressources, l'emplacement précis de ces sites n'a pas été publié, mais les renseignements à ce sujet ont été fournis au gouvernement provincial, à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu.

La VBNC a admis que les travaux de la mine pourraient détruire ou altérer certaines des ressources historiques désignées pendant l'évaluation. Pour atténuer ces conséquences, la société a élaboré un plan d'urgence pour les ressources historiques, qui servira à mettre en place des mesures de protection pendant toutes les étapes du projet. Ce plan comprend un énoncé de principe sur la protection des ressources historiques, un mode normalisé d'exploitation à suivre si l'on découvre une ressource historique nouvelle, et des mesures précises d'atténuation visant à protéger les ressources historiques connues.

Les sites et les artefacts archéologiques sont protégés en vertu de la législation provinciale sur les ressources historiques. Cette loi garantit que les aménagements tels le projet d'exploitation minière et d'usine de concentration de la baie Voisey, qui sont susceptibles d'altérer, d'endommager ou de détruire des richesses patrimoniales, sont réglementés et contrôlés par une évaluation des impacts archéologiques effectuée avant le commencement des travaux. Dans son mémoire, la Division de la culture et du patrimoine (du ministère provincial de la Culture, du Tourisme et des Loisirs) a affirmé à la commission qu'elle s'occuperait de ces questions si le projet était approuvé.

14.4.2 Préoccupations des gouvernements et de la population

La Division de la culture et du patrimoine a jugé satisfaisante la démarche adoptée par la VBNC concernant les ressources historiques. Elle a tout de même demandé que le plan d'urgence pour les ressources historiques, élaboré par la société en 1995, soit mis à jour pour concorder avec l'état actuel des ressources archéologiques et historiques connues, ainsi qu'avec les potentialités de la zone d'évaluation des ressources historiques.

L'Association des Inuit du Labrador cherche à protéger les droits des Inuit du Labrador sur leurs ressources historiques et elle demande de participer à la gestion de la répartition de ces ressources. L'Association a également inscrit cette question à l'ordre du jour des négociations sur les dispositions sociales et culturelles de l'entente sur les impacts et les avantages.

L'Association des Inuit du Labrador a mis en doute l'exactitude du modèle de prévision des ressources historiques utilisé par la VBNC, soutenant qu'il est impossible de prévoir l'emplacement de sites historiques dans une région aussi vaste en partant des sites déjà découverts à l'échelle locale. L'Association des Inuit du Labrador croit aussi que la Division de la culture et du patrimoine du gouvernement provincial n'a pas les ressources voulues pour surveiller convenablement les sites et assurer la conformité à la législation provinciale sur les ressources historiques.

Conclusions et recommandations

La commission reconnaît la nécessité d'un plan global visant à préserver les ressources historiques, pour que tous les sites soient désignés et protégés comme il convient. La coopération manifestée par la VBNC jusqu'à maintenant augure bien, mais les parties doivent continuer de faire preuve de diligence dans ce domaine.

Recommandation 73

La commission recommande que la VBNC dans le cadre de son plan de protection de l'environnement, de conclure une entente avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu concernant les dispositions d'un plan de protection et de gestion des ressources historiques qui devra se fonder sur une révision de l'actuel plan d'urgence pour les ressources historiques, et ce avant que le projet ne soit autorisé. Ce plan de protection et de gestion des ressources historiques devrait être négocié dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages et prendre effet avant le début des travaux de construction.