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Rapport de la commission d'évaluation environnementale - Projet Voisey's Bay

15 Emploi et occasions d'affaires

La VBNC a prévu qu'elle allait, pendant toute la durée du projet, créer environ 80 000 années-personnes d'emploi dans la province, dont un peu moins de la moitié au Labrador. Ce total comprend l'emploi direct (les travailleurs employés par la VBNC ou les entrepreneurs engagés par la VBNC), l'emploi indirect (les travailleurs employés par les entreprises fournissant des biens ou des services à la VBNC), et l'emploi induit (les travailleurs employés par des firmes profitant de la dépense du revenu provenant de l'emploi direct et indirect). Au Labrador, la VBNC estime que 63 pour cent de l'emploi total relatif au projet serait direct, 25 pour cent indirect et 12 pour cent induit. Les dépenses totales de la VBNC seraient de 10,6 milliards de dollars (8,2 milliards de dollars pour l'exploitation et 2,4 milliards de dollars pour les dépenses en immobilisations), dont 3,3 milliards au Labrador.

Pour les communautés de la côte septentrionale, la VBNC prévoit que la principale source d'avantages économiques serait l'emploi direct, et certaines possibilités en ce qui concerne les emplois induits. Nain est une exception possible en raison de sa proximité avec la baie Voisey, qui pourrait offrir un avantage au développement de certaines catégories d'entreprises. Dans les régions de Happy Valley-Goose Bay et de l'Ouest du Labrador, la VBNC envisage davantage de possibilités au niveau de l'emploi indirect.

De nombreux intervenants avaient des questions, des préoccupations et des suggestions concernant l'accès à l'emploi et les occasions d'affaires.

15.1 Occasions d'emploi direct

Dans ses directives, la commission a demandé des renseignements précis sur les occasions d'apprentissage, de formation et d'emploi pour les habitants de la région, tout en reconnaissant que les occasions d'emploi au complexe minier projeté dépendraient directement des niveaux d'éducation et de formation.

Dans l'étude d'impact environnemental et dans les renseignements supplémentaires, la VBNC a indiqué le nombre et les genres d'emplois qui devraient être disponibles à chaque étape du projet, les compétences requises pour ces emplois et la durée prévue pour chaque catégorie d'emploi. Au cours des audiences, la VBNC a donné des informations générales sur le nombre d'années d'expérience requis des candidats pour se qualifier pour différents emplois. La VBNC a aussi tracé un portrait d'ensemble de la situation actuelle en matière d'emploi, d'éducation, de formation et de compétences aux échelons local, régional et provincial. En se fondant sur ces données, la VBNC a fait des projections sur le nombre, la durée et le genre d'emplois qui seraient disponibles pour les travailleurs dans toute la province.

La commission a entendu de nombreuses préoccupations et suggestions présentées par les collectivités, des organisations ou des particuliers, surtout propos des obstacles à l'emploi pour les gens de la côte septentrionale. Les préoccupations portaient surtout sur l'accès (la possibilité de trouver quel genre d'emploi serait offert, la formation et les autres genres de préparation acceptables, les compétences exigées, les effets en cas de syndicalisation et les modalités d'embauchage) et le maintien en fonctions (les politiques de la VBNC relativement à la langue et à la culture, au harcèlement, ainsi qu'au soutien offerts aux employés et à leurs familles).

La construction du projet nécessitera une main-d' uvre expérimentée et hautement qualifiée. La VBNC a souligné que ces emplois seraient de courte durée et, en majeure partie, seraient vraisemblablement confiés à des travailleurs venant de l'extérieur de la région car les travailleurs éventuels des collectivités de la côte septentrionale du Labrador n'ont pas l'expérience, ni les compétences nécessaires. La VBNC prévoit embaucher des travailleurs de l'île de Terre-Neuve pour répondre à la demande. Elle estime que les collectivités de la côte septentrionale profiteraient de 29 pour cent du total des emplois (156 années-personnes) et des revenus prévus pour le Labrador au cours de cette étape.

Avec l'augmentation du nombre total de travailleurs à l'étape de l'exploitation ciel ouvert, la VBNC prévoit embaucher davantage d'habitants de la côte septentrionale. Toutefois, les habitants de la côte septentrionale représenteraient dans l'ensemble une plus petite proportion du total des travailleurs pendant cette étape. Le projet aurait besoin d'une main-d' uvre compétente et expérimentée, et le nombre de poste exigeant au moins un diplôme d'études secondaires augmenterait. On estime que les collectivités de la côte septentrionale profiteraient de 21 pour cent du total des emplois (242 années-personnes) et des revenus prévus pour le Labrador au cours de l'étape de l'exploitation ciel ouvert.

On prévoit qu'à l'étape de l'exploitation souterraine, les travailleurs provenant des collectivités de la côte septentrionale composeraient 20 pour cent du total de l'effectif (325 années-personnes) et recueilleraient autant de revenus prévus pour le Labrador. Selon la VBNC, tout travailleur qui souhaiterait pouvoir travailler sous terre aurait l'occasion de recevoir la formation pour ce travail à l'étape de l'exploitation à ciel ouvert.

Bien que la VBNC se soit déclarée convaincue que la main-d' uvre disponible au Labrador suffirait à combler ses besoins pendant les étapes d'exploitation, elle n'a pas établi de prévisions sur ce que serait la ventilation de cette main-d' uvre par collectivité. La VBNC a conseillé la prudence dans l'interprétation des chiffres sur l'emploi obtenus par modélisation de l'économie. Elle a rappelé que ces chiffres sont des indicateurs ou des projections, pas des quotas. La VBNC s'est dite confiante que le transport des employés fondé sur un service de navette aérienne donnerait aux habitants de la côte septentrionale un avantage en matière d'accès à l'emploi, car les gens qui vivent à l'extérieur des points d'embarquement désignés seraient obligés de payer des frais de transport supplémentaires.

Comme principale mesure d'atténuation relativement à l'embauchage, la VBNC s'engage à appliquer le « principe de contiguïté ». Ce principe donne la priorité absolue aux habitants des « localités voisines de la mine et des installations de concentration, de fonderie et de raffinerie de la société minière ». Pendant les audiences, la VBNC a déclaré qu'elle donnerait d'abord la préférence aux membres qualifiés de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, puis aux habitants du Labrador qualifiés, suivis des travailleurs qualifiés qui résident dans la partie insulaire de la province. La VBNC déclare négocier actuellement les détails relatifs au principe de contiguïté dans les ententes sur les impacts et les avantages et s'être engagée à ne négocier des marchés qu'avec les entreprises qui se conformeraient à ce principe.

La VBNC s'est aussi engagée pendant les audiences à tenir compte de l'expérience de vie des travailleurs pour déterminer leur admissibilité à un poste. Elle a reconnu que les gens pourraient avoir de nombreuses compétences transférables découlant de leur expérience, même s'ils ne répondent pas aux exigences en matière d'éducation formelle. L'établissement d'un relevé personnel des compétences fait partie du programme de recherche et de reconnaissance qui est en voie de réalisation aux termes de l'entente multipartite sur la formation, présentée à la section 15.1.1.

La VBNC a déclaré à plusieurs reprises qu'elle demanderait aux entrepreneurs et aux sous-traitants de se conformer à ses politiques en matière d'emploi, mais elle n'a pas indiqué comment elle procéderait pour s'assurer qu'ils les respectent.

La VBNC a aussi indiqué qu'elle surveillerait « le nombre et le genre de travailleurs employés ». Au cours des séances techniques publiques sur la formation et la main-d' uvre, elle a aussi souligné que la province lui demanderait des rapports trimestriels sur ses chiffres d'emploi et sur ses approvisionnements auprès d'entreprises.

15.1.1 Occasions en matière de formation

La VBNC a reconnu les obstacles que les Autochtones et les femmes devraient franchir s'ils voulaient travailler à la mine. La société minière a travaillé avec les gouvernements fédéral et provincial, le College of the North Atlantic, l'Association des Inuit du Labrador, ainsi que les conseils de bande Innu de Sheshatshiu et de Mushuau pour établir une entente multipartite sur la formation visant à donner aux personnes intéressées des cours et de la formation préalables à l'emploi. Cette entente multipartite, établie partir de ce que la commission croit être un programme fructueux mis sur pied en Saskatchewan, est conçue pour les autochtones intéressés à acquérir les qualités requises pour travailler au complexe minier projeté. La VBNC a aussi donné des détails sur un atelier pilote destiné aux femmes, qui a été donné dans le cadre de l'entente multipartite sur la formation.

Un certain nombre d'intervenants ont fait part de leurs préoccupations relativement au fait que la formation doit répondre aux besoins des travailleurs autochtones et que, par conséquent, des groupes autochtones devraient participer à sa prestation. L'Association des Inuit du Labrador, en particulier, a déclaré que les programmes de formation ne devraient pas être confiés uniquement aux organismes gouvernementaux et à la VBNC. Selon son expérience dans la conduite de programmes de formation avec des fonds provenant de programmes faisant suite au programme Chemins de la réussite et des ententes bilatérales régionales conclues entre le gouvernement fédéral et des groupes autochtones, l'Association des Inuit du Labrador croit que plus elle contrôle le contenu d'un programme, plus ce programme a de chance de réussir.

L'Association des Inuit du Labrador s'est dite frustrée de ce que l'argent disponible en vertu de l'entente multipartite sur la formation ne soit pas consacré uniquement à la formation d'Autochtones. La première tranche de 1,3 million de dollars attribuée au programme est venue de l'entente sur le développement du marché du travail, qui gère conjointement les avantages sociaux fédéraux. L'Association des Inuit du Labrador a fait part de son inquiétude à propos du fait que ces fonds de formation sont mis à la disposition de tous les habitants du Labrador et que seuls les travailleurs au chômage admissibles à l'assurance-emploi peuvent présenter une demande. Elle croit que ces deux exigences combinées, surtout celle qui a trait à l'assurance-emploi, pourraient rendre de nombreux Inuit inadmissibles à recevoir cette formation. Des inquiétudes semblables pourraient vraisemblablement s'appliquer aux habitants des localités Innu, bien que, cause du projet de la baie Sango actuellement à l'étape de la construction, la situation puisse être différente à Utshimassits.

La commission reconnaît que les occasions de formation devraient être ouvertes à tous les habitants du Labrador, mais elle conclut que les restrictions contenues actuellement dans l'entente multipartite sur la formation, combinées avec les niveaux élevés de chômage chronique dans les localités de la côte septentrionale, pourraient signifier que les habitants autochtones ne seraient pas en mesure de profiter des avantages prévus en vertu des dispositions du principe de contiguïté.

Recommandation 74

La commission recommande que, en vue d'améliorer l'accès aux occasions de formation pertinente pour le plus grand nombre possible d'habitants de la côte septentrionale, les parties signataires de l'entente multipartite sur la formation (les gouvernements fédéral et provincial, la nation Innu, l'Association des Inuit du Labrador, le College of the North Atlantic et la VBNC) collaborent en vue de trouver de nouvelles ressources, ou de réaffecter celles qui existent déjà, pour que les Autochtones qui ne répondent pas aux exigences d'admissibilité en matière d'assurance-emploi puissent quand même recevoir une aide à la formation.

La province a exprimé de l'inquiétude au sujet du manque de renseignements concernant la formation spécialisée qui serait exigée en plus des exigences fondamentales d'embauchage. Bien que la formation en cours d'emploi relève de la responsabilité de la VBNC, la province croit que l'on aurait besoin de ces renseignements pour élaborer une démarche davantage concertée en matière de formation. Le conseil provincial des métiers de la construction a recommandé l'établissement d'un répertoire de compétences exhaustif pour dresser la liste des compétences disponibles dans la population active. Le conseil a dit craindre qu'il pourrait se créer autrement une offre excédentaire de gens de métier, ce qui se traduirait par un gaspillage de temps et d'argent à acquérir une formation qui n'a guère de chance de déboucher sur un emploi.

Recommandation 75

La commission recommande que la province, en collaboration avec la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador, la nation Innu et le College of the North Atlantic, coordonne l'établissement d'un répertoire des compétences, pour aider les parties à élaborer des programmes de formation convenable et d'assister les particuliers dans leur planification de carrière.

Une autre question qui a été soulevée relativement à la formation était la façon d'aider les travailleurs à obtenir la formation et l'expérience dont ils ont besoin pour pouvoir travailler à la mine aux étapes de l'exploitation. Lors des audiences publiques, la VBNC a esquissé ses plans en vue de former les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu dans d'autres de ses installations minières; ces stagiaires pourraient ensuite agir à titre de mentors sur le chantier du projet. Le conseil provincial des métiers de la construction a recommandé que l'on utilise l'étape de la construction pour aider les travailleurs en formation à devenir des ouvriers qualifiés. Cette pratique, connue sous le nom de protection excessive de la main-d' uvre », nécessite qu'un employé pleinement qualifié travaille avec le stagiaire. A cause de ses conséquences financières, elle doit être prévue dès le début dans la planification du projet. Le conseil a aussi attiré l'attention de la commission sur les questions de sécurité qui se posent lorsque les employeurs utilisent des employés inexpérimentés sur les chantiers de construction sans exercer une supervision convenable. La pratique proposée aide également à régler ce problème.

Des habitants de la côte septentrionale possèdent probablement déjà les compétences et l'expérience pertinentes et la VBNC devrait tout mettre en uvre pour les recruter à l'étape de la construction. La commission reconnaît, toutefois, que le projet pourrait ne pas employer un grand nombre de travailleurs autochtones à cette étape, à cause des compétences spécialisées requises et de la courte durée des travaux. La commission en conclut qu'il n'est guère logique de monter une vaste campagne de formation de nouveaux travailleurs de la construction, en raison de la nature éphémère du travail. La commission appuie plutôt la proposition de la VBNC concernant le mentorat et elle est d'accord avec le conseil provincial des métiers de la construction qui propose que des travailleurs puissent acquérir une expérience en cours d'emploi à l'étape de la construction et devenir des ouvriers qualifiés qui occuperont par la suite un poste d'une durée prolongée aux étapes ultérieures du projet.

Recommandation 76

La commission recommande que la VBNC, en consultation avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, établisse, préalablement à l'approbation du projet, un quota de stages d'apprentissage qui seraient offerts à l'étape de la construction et qui mettrait l'accent sur les compétences transférables aux étapes ultérieures de l'exploitation. Dans le cadre du processus d'appels d'offres, la VBNC devrait exiger des soumissionnaires qu'ils établissent ces postes d'apprentis.

Parmi les autres obstacles aux occasions de formation, les intervenants Inuit et Innu ont décrit l'isolement et le sentiment d'abandon que ressentent souvent les habitants de la côte septentrionale lorsqu'ils doivent se rendre dans de grands centres pour suivre un programme de formation ou des cours, surtout s'il y a peu ou pas de participants autochtones. Les femmes autochtones qui entrent dans des professions non traditionnelles peuvent devoir faire face à un double obstacle. L'expérience de l'Association des Inuit du Labrador indique que les programmes de formation donnés dans les collectivités où résident les participants permettent d'obtenir des taux plus élevés de maintien en fonction et de réussite.

En se fondant sur les preuves présentées, la commission est convaincue que le maintien de l'effectif de stagiaires pourrait devenir un problème dans les cours de formation. Par conséquent, les programmes de formation doivent dans la mesure du possible regrouper un nombre suffisant de travailleurs de même origine. Le fait d'installer dans la mesure du possible les centres de formation dans les collectivités de la côte septentrionale pourrait aider la VBNC à surmonter cette difficulté éventuelle. Toutefois, la société minière devrait appliquer d'autres mesures d'action positive, surtout en ce qui concerne les femmes, pour que les participants ne se sentent pas isolés et soient par conséquent moins susceptibles de décrocher. La commission reconnaît la valeur du processus de recherche et de reconnaissance des compétences de la VBNC, y compris des activités de formation des mentors autochtones. La commission croit que le fait de faire participer l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu à l'élaboration et à la mise en uvre de ce processus lui donnerait plus de crédibilité et le rendrait plus pertinent sur le plan culturel, donc plus efficace.

La VBNC devrait accorder une attention toute particulière au processus de recherche et de reconnaissance pour attirer des femmes qui pourraient vouloir travailler au complexe minier projeté, mais qui se croient inexpérimentées ou qui sont intimidées par un certain nombre d'obstacles.

Recommandation 77

La commission recommande que, dès l'approbation du projet, les parties l'entente multipartite sur la formation, élaborent une stratégie en vue d'accomplir les tâches suivantes :

  • donner certains programmes de formation, à l'extérieur de la formation de base des adultes, dans les collectivités de la côte septentrionale concernées par le projet;
  • établir des programmes de soutien formel et informel, comme des groupes de soutien, des services de counselling ou de mentorat, aux étudiants autochtones qui doivent partir de chez eux pour suivre des cours de formation;
  • fournir un soutien supplémentaire, comme des services de garderie, pour donner aux femmes, et plus particulièrement aux femmes qui sont chefs de famille monoparentale, l'égalité d'accès à la formation;
  • établir un programme de surveillance permettant d'effectuer le suivi des résultats de la formation, y compris le nombre de stagiaires qui ont participé, qui ont terminé le programme ou qui ont abandonné, ainsi que leur aptitude à trouver du travail, pour aider les parties à améliorer le programme, le cas échéant.

Recommandation 78

La commission recommande que la VBNC, pour renforcer le processus de recherche et de reconnaissance, travaille en collaboration avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour poursuivre l'élaboration et la mise en uvre du processus. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu devraient assumer le rôle principal en ce qui concerne la conduite des ateliers. Ce partenariat devrait comprendre les Tongamiut Inuit Annait et les femmes Innu désignées par la nation Innu, pour veiller ce que les ateliers de recherche et de reconnaissance répondent vraiment aux préoccupations et aux besoins des femmes autochtones.

15.1.2 Syndicalisation

Certains intervenants se sont déclarés préoccupés par le fait que la syndicalisation de la main-d' uvre du projet pourrait limiter l'accès l'emploi pour les habitants de la région. En raison du régime provincial en matière de travail, tous les grands projets de construction réalisés récemment dans la province ont employé des travailleurs syndiqués et la commission a appris que ce serait probablement le cas aussi pour la construction du projet de la baie Voisey.

Les étapes de l'exploitation ne relèveraient pas automatiquement de la juridiction d'un régime syndical légiféré. Toutefois, les intervenants craignaient qu'un syndicat arrivant pendant les étapes de l'exploitation puisse exiger que la VBNC embauche des travailleurs de l'extérieur de la région et qu'une telle situation pourrait rendre nul le principe de contiguïté. Pendant les audiences, la province a donné des précisions ce sujet. Si le lieu de travail devait être syndicalisé pendant l'exploitation, la VBNC devrait négocier avec l'agent négociateur une convention qui comprendrait tous les engagements pris à l'égard de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu par le biais des ententes sur les impacts et les avantages, qui sont aussi des conventions ayant force obligatoire pour les parties. On a présenté des preuves, à la fois pendant les audiences et dans des documents écrits, montrant que dans des situations semblables les conventions collectives ont respecté les engagements pris par les employeurs dans des ententes sur les impacts et les avantages.

La commission conclut que si l'entente sur les impacts et les avantages comporte le principe de contiguïté comme clause exécutoire, la syndicalisation ne pourra pas se dresser en obstacle à l'embauchage pour les gens de la région.

15.1.3 Accès à l'emploi pour les collectivités du sud de Rigolet

L'étude d'impact environnemental mentionnait brièvement les collectivités de la côte méridionale et de Labrador Straits. Elle indiquait que ces régions représentent ensemble 17 pour cent de la population du Labrador, mais elle prévoyait qu'elles obtiendraient moins de trois pour cent du total des emplois et des revenus du projet. La VBNC n'a désigné aucune collectivité sur la côte méridionale comme point d'embarquement, mais elle a affirmé qu'elle étudierait le nombre d'employés provenant de la région et qu'elle envisagerait de désigner un point d'embarquement si le nombre d'employés le justifiait.

A Cartwright, des intervenants, y compris des représentants de la nation métisse du Labrador ont déclaré à la commission que l'absence de point d'embarquement désigné représentait un sérieux obstacle à l'emploi. Les habitants de la côte méridionale qui voudraient travailler au projet devraient payer les frais de déplacement supplémentaires pour se rendre à Goose Bay ou y déménager. Si la VBNC assurait le transport jusqu'à ne serait-ce qu'une seule collectivité de la côte méridionale, cela augmenterait les possibilités d'emploi pour les habitants. Il est également possible que les collectivités de la côte méridionale soient reliées d'ici peu par une route.

La commission convient que, pour permettre aux habitants de la côte méridionale de profiter des dispositions du principe de contiguïté (stipulant qu'après les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu, la préférence sera accordée aux autres habitants du Labrador), la VBNC devrait établir un point d'embarquement dans cette région.

Recommandation 79

La commission recommande que la VBNC désigne Cartwright comme point d'embarquement des employés du projet, et envisage la possibilité d'en établir un autre dans une collectivité située au sud de Cartwright, si les circonstances le justifient.

15.1.4 Langue et préoccupations culturelles

Pour aider les Autochtones à s'adapter au lieu de travail et pour aider adapter le lieu de travail aux Autochtones, la VBNC a proposé les mesures d'atténuation suivantes :

  • engager des coordonnateurs autochtones de l'emploi chargés des relations avec les employés, qui verraient d'abord au processus d'embauchage, puis qui étendraient leurs interventions aux relations avec la collectivité;
  • servir sur place des aliments tirés de la nature, dans la mesure du possible;
  • établir un Programme d'aide aux employés pour répondre aux besoins des travailleurs et de leurs familles qui auront à s'adapter au travail par rotation à la mine;
  • avoir sur place des interprètes qui assisteront les travailleurs qui ne parlent pas l'anglais couramment;
  • autoriser un congé culturel de deux semaines sans solde qui, combiné avec la période des congés, permettrait de prendre deux périodes de six semaines que les travailleurs pourraient consacrer à la pêche et la chasse;
  • fournir une initiation aux différences culturelles à tous les travailleurs, autochtones ou non.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, ainsi que des particuliers, ont exprimé des réserves à propos de la capacité de la VBNC répondre aux besoins de la culture autochtone à la mine ou à l'usine de concentration. Ils étaient préoccupés par la possibilité offerte aux travailleurs autochtones d'utiliser leur propre langue sur le chantier, de trouver à la cafétéria des aliments tirés de la nature et d'avoir des périodes de travail souples permettant d'accommoder leur style de vie.

La VBNC a indiqué que l'anglais serait la langue de travail sur le complexe minier, et a présenté des statistiques selon lesquelles 97,5 pour cent des gens dans les collectivités inuit et 88 pour cent dans les collectivités innu parlent anglais. En se fondant sur leurs propres recherches, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont contesté la validité de ces chiffres, ainsi que la définition de l'aptitude à parler une langue. Les deux groupes autochtones ont manifesté des réserves à propos de la sécurité sur les lieux de travail si leurs langues ne pouvaient pas être utilisées dans certaines situations.

L'Association des Inuit du Labrador a recommandé que, chaque fois que cela serait possible, des mesures spéciales soient prises pour accommoder les besoins linguistiques. A titre d'exemple, l'Association des Inuit du Labrador a suggéré que les systèmes de communication entre les aiguilleurs et les chauffeurs de camions de transport pourraient être organisés pour que l'on utilise l'inuktitut ou l'innu-eimun, si tous les travailleurs sur certains quarts parlaient la même langue.

La commission croit que les questions culturelles présenteraient un défi majeur pour la VBNC et pour les travailleurs, la langue n'étant qu'une question parmi tant d'autres. Dans les collectivités côtières, certaines personnes ont indiqué que les travailleurs autochtones auraient beaucoup de difficultés à s'adapter au travail à la mine. La commission a entendu les récits de travailleurs autochtones qui avaient subi du harcèlement sexuel et racial, ou qui pensaient que l'on ne comprenait pas leur situation personnelle et qui avaient par conséquent abandonné le lieu de travail. La commission a aussi entendu des exemples d'attentes auxquelles la VBNC ne serait pas en mesure de répondre. Ainsi un homme se demandait pourquoi un travailleur ne pourrait pas juste décider de rester pour prolonger son quart s'il n'avait aucune raison de rentrer chez lui.

Dans plusieurs collectivités, des intervenants ont soulevé la question des politiques de la société minière à propos du renvoi des employés pour des infractions au règlement en vigueur sur le lieu de travail, comme la possession de drogues ou d'alcool. On ne contestait pas le droit de la VBNC d'appliquer ces règles, mais certains encourageaient la VBNC à établir des politiques équitables qui permettraient à des employés renvoyés pour ces raisons d'avoir « une deuxième chance » et d'être réembauchés après une période convenable de temps.

La commission croit que le maintien en fonction des travailleurs autochtones serait un défi de taille pour la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, pour que le projet puisse continuer à offrir des avantages sociaux durables et équitables. Devenir un ouvrier qualifié et obtenir du travail serait un obstacle de taille à franchir pour de nombreux Autochtones, mais s'adapter aux exigences et aux contraintes d'un horaire par rotation, aux longs quarts et à un lieu de travail industriel pourrait devenir avec le temps un obstacle beaucoup plus important, surtout pour ceux qui auraient déjà des problèmes sociaux comme l'abus de substances toxiques ou qui auraient à faire face à de fortes pressions familiales ou sociales pendant leurs deux semaines de séjour chez eux.

Parallèlement, la commission sait qu'il existe dans le Nord d'autres projets miniers qui emploient une main-d' uvre autochtone importante et stable. Lors des audiences, la VBNC a présenté à la commission des documents qui montraient certains exemples de modalités adoptées par des collectivités autochtones de concert avec des entreprises pour créer des conditions dans lesquelles les travailleurs peuvent maintenir leur style de vie communautaire et traditionnel tout en occupant des emplois rémunérés dans le secteur minier.

La commission félicite la VBNC pour les mesures d'atténuation qu'elle a proposées en vue de favoriser le maintien en fonction des employés autochtones, et elle lui suggère d'appliquer rigoureusement sa politique concernant l'amélioration permanente à cet égard, en étudiant les cas d'adaptation fructueux et en trouvant les motifs qui incitent certains employés à partir. La commission s'inquiète de ce que, malgré ses bonnes intentions, il pourrait sembler plus facile à la VBNC de remplacer un Autochtone qui part, volontairement ou non, par un employé non autochtone qui possède une vaste expérience de l'exploitation minière, plutôt que d'apporter de nouveaux changements aux conditions de travail ou de donner une nouvelle chance aux employés autochtones.

Recommandation 80

La commission recommande que, avant d'engager des coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC mette sur pied un comité conjoint avec l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, pour établir une version définitive de la description des fonctions et des qualifications requises de ces coordonnateurs. Ce comité devrait aussi travailler avec les coordonnateurs pour établir des directives pour les programmes de lutte contre le racisme et d'initiation aux différences culturelles qui seront donnés sur place.

Recommandation 81

La commission recommande que la VBNC adopte une politique en vue d'établir les modalités et les critères à utiliser pour décider si un employé, qui part de son plein gré ou qui est renvoyé pour un motif valable, peut présenter une nouvelle demande d'emploi au complexe minier et quand il peut le faire. Grâce à ses coordonnateurs autochtones de l'emploi, la VBNC devrait être prête à travailler avec les employés éventuels pour discuter avec eux de quelles façons la VBNC pourrait les aider personnellement à essayer de travailler de nouveau et de quelle manière la VBNC pourrait régler les problèmes propres au milieu de travail.

La politique devrait, de façon raisonnable, donner une deuxième chance, selon des conditions convenables, aux employés qui pourraient avoir eu de la difficulté à s'adapter à un milieu de travail industriel fonctionnant par rotation, mais qui souhaitent essayer de nouveau.

Recommandation 82

La commission recommande que la VBNC, par le biais des coordonnateurs autochtones de l'emploi, vérifie le degré de satisfaction des employés autochtones en ce qui concerne les conditions linguistiques et culturelles du milieu de travail, ainsi que les motifs qui incitent des employés autochtones à partir, et qu'elle utilise ces renseignements pour maintenir et même améliorer le taux de maintien de l'effectif autochtone.

15.1.5 Les femmes et l'emploi

Les femmes du Labrador ont abordé le sujet des barrières auxquelles elles seraient confrontées dans le processus d'embauchage du projet minier. Une représentante du Conseil consultatif sur la situation de la femme l'Ouest du Labrador, en parlant de l'inégalité des chances à laquelle les femmes sont confrontées, a souligné que les femmes veulent « l'équité des chances; l'équité en matière de choix; l'équité en matière de sécurité; l'équité en matière de droits; l'équité en matière de sécurité financière et d'indépendance; l'équité en matière d'accès aux études et à la formation; l'équité en matière de choix quant à l'utilisation de cette même formation et de ces mêmes études sur le marché du travail, ainsi que l'équité en ce qui a trait aux avantages à tirer des ressources de notre territoire .

De nombreuses personnes ont indiqué que le secteur minier est encore dominé par des hommes. La participation des femmes à travers le pays ne représente en effet qu'un pourcentage stable s'établissant entre dix et onze pour cent de la totalité des emplois. Selon les chiffres avancés par la Commission de développement des femmes et de ressources, les femmes du Canada atlantique employées conjointement dans les secteurs des mines et de la construction ne représentent pour leur part que 1,8 pour cent de la totalité des emplois.

La VBNC a déclaré qu'elle est disposée à modifier ce ratio dans le cadre du projet de la baie Voisey et a annoncé son engagement envers l'égalité en matière d'emploi. La VBNC a par ailleurs informé la commission qu'à titre de filiale d'Inco, elle est tenue de se conformer à la Loi sur l'égalité en matière d'emploi. La VBNC s'est efforcée de faire avancer le processus de recherche et de reconnaissance en organisant, à titre de projet pilote, un atelier pour les femmes. Un plan d'embauchage de l'effectif féminin, ainsi qu'une politique contre le harcèlement sexuel et le harcèlement racial ont également été élaborés. Quoique ces efforts aient été reconnus, les groupes de femmes qui ont témoigné devant la commission croient que la VBNC aurait dû aller plus loin. La Commission de développement des femmes et des ressources a particulièrement exprimé son inquiétude relativement au fait que le plan d'embauchage de l'effectif féminin soumis par la VBNC au cours des audiences est loin de constituer un processus exhaustif d'égalité en matière d'emploi.

La VBNC a élaboré une politique à l'égard du harcèlement sexuel en abordant des préoccupations telles que les plaisanteries à caractère sexistes, l'étalage de matériel à caractère sexuel, ainsi que l'utilisation d'un langage sexuellement dégradant. Plusieurs participants, représentant notamment le Bureau de la situation de la femme (gouvernement provincial), ont toutefois indiqué que les femmes subiront également des comportements plus subtils pouvant ainsi contribuer à « empoisonner » le climat en milieu de travail pour les femmes. Cette situation est perçue comme étant particulièrement vraie dans les milieux de travail où la plus grande partie de l'effectif occupe des postes dans lesquels les femmes sont traditionnellement sous-représentées. On est également inquiet du fait que les femmes autochtones pourraient être particulièrement vulnérables. Des auteurs d'exposés ont donc recommandé que la VBNC aborde le problème du harcèlement sexuel dans une perspective plus vaste.

Le gouvernement et des groupes communautaires ont laissé entendre que la VBNC ne prendra pas de véritable engagement à l'égard de l'équité en matière d'emploi à moins de développer un programme d'action positive dynamique qui établira des objectifs concrets. De même, la VBNC devrait établir des objectifs mesurables à l'égard de son programme d'initiation aux différences culturelles et de son programme de sensibilisation au traitement différent réservé aux hommes et aux femmes. Quelques-uns des participants ont déclaré que la VBNC n'avait pas suffisamment consulté les groupes de femmes lors de l'élaboration des programmes existants, et qu'elle n'avait pas tenu compte de certains groupes tels la Commission de développement des femmes et des ressources. Cette omission est d'autant plus déplorable que cet organisme possède une vaste expérience de l'élaboration de programmes efficaces concernant l'équité en matière d'emploi.

Des auteurs d'exposés ont également indiqué que la VBNC devrait mener une analyse comparative entre les sexes telle que définie dans l'un des mémoires présentés au nom des femmes Inuit et Innu et du bureau terre-neuvien du réseau Femmes dans les métiers et les technologies. Ce mémoire se penche sur « la situation des femmes, c'est-à-dire leurs réalités, leurs expériences et les sujets qui revêtent de l'importance à leurs yeux ». Ces auteurs ont également prôné la participation des femmes dans tous les aspects de la planification du programme, depuis le choix des sujets de recherches, jusqu'à l'intégration complète des femmes à titre de sources d'information.

La commission estime qu'en ce qui concerne les questions relatives aux femmes, tout comme pour ce qui touche les préoccupations du peuple autochtone en général, la VBNC doit élaborer un processus de consultation exhaustif grâce auquel les groupes concernés pourront participer à l'élaboration des programmes qui auront une incidence sur leur vie.

Recommandation 83

Avant d'autoriser le projet, la commission recommande que la VBNC passe en revue les programmes d'aide aux employés existants, y compris, sans toutefois s'y limiter, le plan pour l'emploi des femmes et la politique sur le harcèlement, pour que l'on tienne compte des préoccupations des femmes. Lors de l'élaboration des programmes révisés, la VBNC devrait :

  • tenir des consultations auprès des femmes Innu choisies par la nation Innu, ainsi que des représentantes du Tongamiut Inuit Annait, du Comité de mise en valeur des ressources des femmes (Women's Resource Development Committee), du Conseil consultatif provincial sur la condition de la femme et du Bureau de la politique sur les femmes (gouvernement provincial);
  • recourir à l'analyse fondée sur le sexe;
  • inclure des procédures et des objectifs concrets pour assurer la conformité aux lois fédérales concernant l'équité en matière d'emploi et à la politique provinciale relative au harcèlement sexuel.

De nombreuses femmes ont déclaré à la commission que leurs responsabilités familiales en matière de soin aux enfants et aux personnes âgées constitue un autre obstacle à l'emploi des femmes. Au cours des séances visant à déterminer les problèmes et les priorités de l'évaluation et lors des audiences, les participants ont discuté de la façon d'assurer la garde des enfants durant le projet. Les membres du Tongamiut Inuit Annait ont fortement soutenu l'idée de prévoir une garderie sur place pour les mères qui ont des enfants d'âge pré-scolaire, car passer deux semaines à l'extérieur de la maison représente une longue période pour les parents qui ont de jeunes enfants.

La commission reconnaît la validité des préoccupations des femmes à l'égard de leurs enfants et des soins à prodiguer aux personnes âgées. Toutefois, elle comprend aussi la position de la VBNC selon laquelle une garderie sur les lieux de travail n'est pas une solution pratique, compte tenu de la nature du complexe industriel et des espaces physiques disponibles, sans compter le fait que les employés seront au travail pendant des périodes de 12 heures et qu'il leur restera que peu de temps à consacrer à leurs responsabilités familiales. La commission estime également qu'il incombe la VBNC, à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'aplanir, autant que possible, les obstacles qui se dressent devant les femmes désireuses de se joindre à l'effectif du complexe minier.

La commission croit que la démarche la plus efficace consisterait à élaborer un programme convenable de garderie au sein de chaque collectivité ou améliorer les programmes existants. Le coût d'un service de garde ouvert 24 heures serait toutefois prohibitif et cela ne serait pas en soi une solution souhaitable. Une garderie ouverte durant les heures normales de travail ou même pendant les heures supplémentaires pourrait apporter une aide aux autres membres de la famille qui ont déjà la garde des enfants des employés de la VBNC. Cela permettrait également aux femmes et aux hommes de la collectivité de tirer parti des emplois liés au projet. C'est l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu, avec l'aide de la province, qui devraient être responsables de l'élaboration d'un tel service. La VBNC, quant à elle, devrait fournir des ressources par l'entremise des paiements versés dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

Reconnaissant que des situations d'urgence familiale pourraient survenir et causer un stress énorme aux employés, la VBNC devrait également soutenir les employés qui ont des responsabilités familiales en leur donnant des congés en cas d'urgence.

Recommandation 84

La commission recommande que, au cours des négociations bilatérales relatives aux ententes sur les impacts et les avantages, la VBNC, l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu soulèvent la question des besoins en matière de ressources qui permettraient à l'Association des Inuit du Labrador et à la nation Innu d'élaborer un programme exhaustif de garderies communautaires à l'intention des familles dont un parent travaille au complexe minier.

Recommandation 85

La commission recommande que la VBNC élabore une politique de congé familial en cas d'urgence pour les employés qui ont des enfants ou des personnes âgées à charge.

La commission a pris note des commentaires formulés par de nombreuses femmes Inuit qui n'étaient pas convaincues que les négociations relatives aux ententes sur les impacts et les avantages tenaient compte des préoccupations des femmes, notamment la question des garderies. La commission n'a pas pris part à ces négociations et elle ne peut donc pas commenter la justesse de ces propos. Toutefois, l'Association des Inuit du Labrador a indiqué son intention de s'assurer que les femmes seront consultées et appelées intervenir et que leurs préoccupations seront entièrement prises en compte. La commission incite l'Association des Inuit du Labrador à examiner les commentaires et les préoccupations des femmes qui ont participé aux audiences et de s'impliquer avec la Tongamiut Inuit Annait et d'autres organismes Inuit pour soulever les points qui n'ont pas encore été réglés.

15.1.6 Programme d'aide aux employés et ententes sur les impacts et les avantages

La VBNC reconnaît que plusieurs barrières se dressent devant les résidents de la côte nord et a indiqué que ses principales mesures d'atténuation consisteront à établir un Programme d'aide aux employés, ainsi que des mesures particulières dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.

La VBNC verrait à offrir aux employés et à leur famille immédiate un Programme d'aide aux employés. Ce programme prévoit un service initial de counselling offert par les coordonnateurs autochtones de l'emploi, des services d'orientation, des services supplémentaires prodigués par d'autres organismes ou par du personnel médical, des services de counselling et des programmes de sensibilisation concernant des questions telles que la gestion financière, le stress, la violence familiale et l'abus de substances toxiques, ainsi que des séances d'orientation en milieu de travail pour les nouveaux employés.

Dans le but d'aider les hommes et les femmes Innu à trouver de l'emploi, un mémoire présenté conjointement par la nation Innu et la VBNC indique que l'entente sur les impacts et les avantages de la nation Innu comportera les dispositions suivantes :

  • un programme d'éducation et de formation;
  • une entente de principe visant à établir des objectifs d'emploi quantitatifs conformément à l'engagement pris par la VBNC dans le cadre de son principe de contiguïté;
  • des mesures particulières qui permettent de s'assurer que les exigences en matière d'éducation formelle ne soient pas érigées en obstacle à l'emploi des Innu;
  • l'embauche d'un coordonnateur Innu de l'emploi, qui participera aux entrevues et au processus de sélection pour chacun des candidats;
  • des mesures pour créer un environnement de travail qui respecte la culture et les valeurs Innu et qui assure le bon fonctionnement du projet;
  • un plan détaillé des conditions en milieu de travail, comprenant une politique de lutte contre la discrimination, un programme obligatoire d'initiation aux différences culturelles, destiné à tous les employés, un programme de mentorat administré par et pour les employés Innu, l'accès de la nourriture traditionnelle et des dispositions relatives aux congés à caractère culturel et au partage de l'emploi.

L'Association des Inuit du Labrador et la VBNC n'ont pas parlé de leurs négociations de façon aussi détaillée, mais la commission croit comprendre que l'Association a manifesté le même type de préoccupations lors des négociations relatives à l'entente sur les impacts et les avantages. Elle a indiqué qu'elle ne s'était pas encore entendue avec la VBNC en ce qui concerne les mesures d'embauchage favorables aux Inuit, y compris les façons d'aborder le principe de contiguïté. L'Association des Inuit du Labrador a aussi indiqué que les parties n'avaient pas encore conclu d'entente en matière d'équité entre les sexes telle que, par exemple, la formation des femmes Inuit, la participation des femmes Inuit au marché du travail, l'élaboration de conditions de travail convenables dans un contexte de sensibilisation aux différences entre les sexes, ainsi que la représentation des femmes au sein du comité de mise en uvre de l'entente sur les impacts et les avantages, dont on a proposé la création.

15.2 Occasions d'affaires

La VBNC a remis une liste préliminaire de marchés commerciaux qui seraient nécessaires à la réalisation du projet, ainsi que des renseignements sur la répartition des retombées économiques pour les entreprises au cours de l'étape de l'exploration. Elle a aussi indiqué qu'elle effectuait présentement une étude sur les possibilités d'approvisionnement au Labrador et dans le reste de la province, dont les résultats devront demeurer confidentiels. Cette étude comprendra notamment l'établissement de points de repère au niveau national. Les prévisions de la VBNC relativement à l'emploi et aux revenus indirects dont faisait état l'étude d'impact environnemental n'étaient pas fondées sur cette étude approfondie.

La VBNC a par ailleurs indiqué que les entreprises du Labrador possèdent une expérience diversifiée en matière de fournitures de biens et de prestation de services. La région ouest du Labrador possède, quant à elle, une vaste expérience des services aux industries minières. Pour sa part, la région de Happy Valley-Goose Bay est la plaque tournante du transport et abrite un centre d'opération de vols militaires internationaux depuis bon nombre d'années. La côte nord et d'autres collectivités du Labrador ont eu peu d'occasions d'acquérir une expérience des affaires à grande échelle. Elles subissent en outre les entraves d'une infrastructure limitée sur le plan des transports.

Par conséquent, la VBNC prévoit que les régions de Happy Valley-Goose Bay et de l'Ouest du Labrador profiteront le plus des retombées économiques générées par le projet. Il est toutefois possible que Nain puisse en retirer certains avantages en raison de la courte distance qui la sépare de l'emplacement du projet. La VBNC a par ailleurs indiqué que la nation Innu et la Commission de développement des Inuit du Labrador avaient entrepris des pourparlers concernant la création de coentreprises avec d'autres entreprises, pour accroître leur capacité d'obtenir des marchés dans le cadre du processus d'appels d'offre de la VBNC.

15.2.1 Effets et avantages économiques prévus

Selon les prévisions de la VBNC, le projet permettrait de diversifier sensiblement l'économie locale du Labrador. Toutefois, elle ne donne pas beaucoup de détails sur la façon dont cela pourrait se produire. Elle quantifie comme suit les avantages économiques pour les entreprises locales, régionales et provinciales pendant la durée du projet :

  • les entreprises et les travailleurs du Labrador et de Terre-Neuve toucheraient 16 pour cent des dépenses en biens et services;
  • les entreprises du Labrador fourniraient presque 43 pour cent des biens et services achetés dans la province, soit deux milliards de dollars;
  • l'emploi indirect générerait des revenus totalisant 1,48 milliard de dollars dans l'ensemble de la province, dont 436 millions au Labrador et 74 millions sur la côte nord du Labrador.

En raison des revenus supérieurs liés à une participation accrue au marché de l'emploi rémunéré, la VBNC croit que la côte nord serait la principale bénéficiaire d'une augmentation de l'emploi grâce à la croissance du marché de la vente au détail et à l'expansion des entreprises liées à l'amélioration des infrastructures et des services. Ces prévisions sont plus élevées pour Nain que pour les autres régions de la côte en raison de la migration d'entrée vers Nain. En ce qui concerne l'augmentation du nombre d'entreprises par induction, les prévisions sont plus élevées en ce qui concerne les grands centres.

Lors des audiences, la VBNC a mis à jour les renseignements provenant du Programme de surveillance des retombées industrielles, comme le décrit l'étude d'impact environnemental. Elle a rapporté que sur un total approximatif de 127 millions de dollars alloués à la province, 55 millions de dollars ont été dépensés au Labrador pour des biens et services nécessaires au projet. L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont exprimé leur insatisfaction à l'égard des retombées dont ont bénéficié les entreprises autochtones jusqu'à maintenant. Dans un document déposé lors des audiences, la VBNC a indiqué qu'elle prévoit améliorer sa feuille de route grâce aux dispositions relatives aux occasions d'affaire que comprendront les ententes sur les impacts et les avantages.

Lors des audiences, la VBNC a aussi indiqué qu'elle voulait inclure dans ces ententes des mesures visant à offrir aux Autochtones des possibilités en matière de participation au projet, notamment des objectifs en matière de participation des entreprises et une politique préférentielle en matière d'occasions d'affaire. Du même coup, la VBNC a indiqué que l'opportunité ne constituait qu'une partie de l'équation, l'autre partie étant leur capacité en matière d'approvisionnement.

Pour augmenter la capacité d'affaires des Autochtones, la VBNC s'est engagée à soutenir la création d'un fonds renouvelable de prêts à l'entreprise, ainsi que d'un centre d'affaires. Elle a fait part de ses multiples rencontres avec des groupes de travail en vue de déceler les possibilités offertes aux Autochtones pour tirer parti des marchés liés au projet. Ces groupes de travail ont discuté des mesures que pourraient adopter l'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu pour chercher à obtenir ces marchés. La VBNC a également indiqué que ces dernières ont établi des coentreprises distinctes dont les soumissions ont été acceptées; l'Association des Inuit du Labrador a obtenu un marché pour l'exploitation et l'entretien du campement. La nation Innu a obtenu des marchés pour des services d'alimentation et d'entretien ménager.

L'étude d'impact environnemental qualifie de mineurs les effets environnementaux nuisibles sur les entreprises et les emplois connexes au cours de la construction et de l'exploitation. Elle indique que ces effets seront de courte durée et disparaîtront facilement avec le temps. Voici quelques-uns des effets négatifs qui ont été relevés :

  • une certaine perturbation au sein des commerces qui donneraient la priorité à la mine plutôt qu'à la clientèle habituelle;
  • la fermeture d'entreprises à cause de l'accroissement de la concurrence;
  • l'augmentation des salaires car les entrepreneurs sont contraints d'offrir des salaires comparables à ceux de la VBNC;
  • le déplacement de la main-d' uvre vers la mine ou vers les entreprises qui, en raison de leur meilleure situation financière résultant de leurs affaires avec la VBNC, peuvent se permettre d'offrir des emplois plus rémunérateurs.

15.2.2 Mesures d'atténuation

Tout comme pour l'emploi direct, la VBNC a déclaré qu'elle tenterait d'améliorer la participation des entreprises locales et de réduire les effets négatifs lors de l'achat de biens et services, en appliquant le principe de contiguïté et les dispositions particulières des ententes sur les impacts et les avantages. La VBNC n'a pas précisé de quelle façon les entreprises seraient touchées par le principe de contiguïté.

L'étude d'impact environnemental précise toutefois que les ententes sur les impacts et les avantages assurerait un nombre d'emplois suffisant et des occasions d'affaires pour les membres de l'Association des Inuit du Labrador et de la nation Innu. A titre d'exemple, la VBNC a indiqué, lors des audiences, qu'elle négocie présentement avec la nation Innu dans le but d'instituer un Comité consultatif sur le développement du commerce, qui favorisera la participation des entreprises Innu et créera plus d'occasions d'affaire au sein de la collectivité Innu. On négocie présentement des dispositions semblables dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages avec l'Association des Inuit du Labrador. La VBNC croit également que les ententes sur les impacts et les avantages amélioreraient les organismes de gens d'affaire par une injection de fonds accrue et aideraient ainsi les Innu et les Inuit à façonner leur propre avenir économique.

15.2.3 Préoccupations du public et du gouvernement

Lors des audiences, de nombreux auteurs de mémoires ont indiqué que le projet devrait durer au moins 20 ans pour que les entreprises du Labrador en tirent effectivement parti et pour stimuler la diversification économique. Le chapitre 3, intitulé : Nécessité de réaliser le projet et intendance des ressources, aborde cette question.

Il existe une seconde préoccupation majeure liée à l'approvisionnement en biens et services : des participants qui représentaient des entreprises des régions de Happy Valley-Goose Bay, de l'Ouest du Labrador et de la côte nord ont déclaré qu'ils n'ont pas été en mesure d'élaborer de projets d'avenir parce qu'ils n'avaient pas été informés des exigences de la VBNC. A titre d'exemple, ils ignoraient le type de biens que la VBNC comptait transporter sur le trajet de retour des minéraliers. Ils ignoraient également quels biens la société minière pourrait se procurer dans les entreprises du Labrador. Des participants se sont également informés des procédures de passation de marchés et voulaient savoir si on leur fournirait des occasions équitables de déposer des soumissions. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique a indiqué que la VBNC, en réponse à ces préoccupations, devrait élaborer une stratégie explicite de mise en valeur des fournisseurs visant à fournir des renseignements en temps opportun et à établir des procédures d'appels d'offre, ce qui permettrait aux entreprises locales d'être dans la course au même titre que les autres soumissionnaires.

Des regroupements d'entreprises de Labrador City et de Wabush ont indiqué qu'ils étaient préoccupés par le fait que la VBNC accepterait des soumissions pour des produits livrés au point de débarquement des concentrés ou à un autre port à l'extérieur du Labrador, et qu'ils ajouteraient ensuite les coûts liés au transport jusqu'à l'anse à Edward. Une telle pratique désavantagerait les soumissionnaires locaux dont le prix des fournitures est plus élevé parce qu'ils comprennent les frais de transport déjà payés jusqu'au Labrador.

L'Association des Inuit du Labrador et la nation Innu ont fait part des difficultés éprouvées par les entreprises locales qui ont tenté de tirer parti des occasions d'affaire qui se sont présentées au cours de l'étape de l'exploration. La Société de développement des Inuit du Labrador a déclaré que les entreprises autochtones auraient besoin d'une aide particulière pour être admissible à la sélection des fournisseurs car elles n'ont pas l'habitude de transiger avec de grandes entreprises.

Les deux groupes ont réitéré que le projet ne devrait pas démarrer avant la conclusion des ententes sur les impacts et les avantages. Ces ententes comporteraient en effet des dispositions particulières pour aider les entreprises autochtones à diversifier leur présence dans d'autres secteurs de développement économique, ce qui entraînerait des retombées à long terme pour leur communauté. Comme en fait foi la recommandation 5, la commission partage cette conclusion.

Conclusions et recommandations

La commission croit qu'il est important de s'assurer que les nouvelles entreprises du Labrador, autant que les entreprises existantes, participent le plus possible au projet pour les raisons suivantes :

  • selon les prévisions de la VBNC, au moins 25 pour cent des retombées économiques du projet au Labrador prendraient la forme d'emplois et de salaires indirects;
  • la croissance des entreprises locales procurerait aux particuliers un éventail élargi d'occasions d'affaires auxquelles ils pourraient participer. Il faut tenir compte du fait que tout le monde n'a pas le désir, ou la possibilité, de travailler dans un développement minier auquel on doit accéder par avion.

La commission partage l'avis de nombreux participants relativement au fait que les entreprises du Labrador ont besoin de plus amples informations sur les exigences de la VBNC en matière de biens et services, pour pouvoir planifier adéquatement. La société minière n'a pas encore choisi la destination ultime de ses minéraliers. La commission croit que la destination influera sur les décisions de la VBNC concernant l'origine des approvisionnements, ce qui aura une incidence sur les fournisseurs, de même que sur les entreprises de transport et de manutention du Labrador.

La commission constate que la VBNC n'a pas expliqué de quelle façon elle compte appliquer le principe de contiguïté à l'approvisionnement en biens et services. L'étude d'impact environnemental fait état des expériences observées relativement à l'approvisionnement en biens et services auprès d'entreprises locales dans d'autres mines situées à l'extérieur des agglomérations, mais la VBNC ne s'engage envers aucun plan précis. L'étude d'impact environnemental présente une image beaucoup plus positive de la région d'Upper Lake Melville qu'elle ne le fait pour la côte nord. Tout ce qu'elle peut offrir à la côte nord sont « ses meilleurs efforts... pour accorder des marchés sur la base des coûts, de la qualité et d'autres facteurs connexes » (étude d'impact environnemental, 21.2.5.1).

La commission reconnaît que les facteurs relatifs à l'emplacement, à l'expérience de l'entreprise en général et à l'expérience du secteur minier en particulier feront en sorte que les plus importantes agglomérations du Labrador seront privilégiées. La commission croit toutefois que le projet devrait aussi participer de façon significative au développement des entreprises autochtones au sein des collectivités de la côte nord. Cela demanderait à la VBNC de prendre des engagements particuliers, de poser des gestes concrets et de mettre en pratique sa politique d'amélioration continue.

La commission partage l'avis de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique relativement au fait que la VBNC devrait élaborer une stratégie comprenant notamment des objectifs mesurables et un processus de surveillance, pour s'assurer que les fournisseurs éventuels du Labrador auront toutes les occasions de se préparer et de déposer des soumissions; la VBNC devrait aussi établir des processus de communication, d'appels d'offre et d'octroi des marchés, pour aider la société minière à concrétiser ou à surpasser les retombées économiques prévues dans l'étude d'impact environnemental.

Recommandation 86

La commission recommande que la VBNC établisse, dès que possible et avant le démarrage des travaux de construction, en consultation avec des représentants des Autochtones et d'autres entreprises du Labrador, ainsi que des organismes fédéraux et provinciaux concernés, une stratégie détaillée de mise en valeur des fournisseurs qui comprendrait des procédures pour l'octroi de marchés et des mesures visant le développement des fournisseurs. Cette stratégie devra comprendre des objectifs concernant l'approvisionnement auprès des Autochtones et des entreprises du Labrador, que la société minière pourra surveiller et évaluer. Toutes les dispositions de cette stratégie devront être conformes aux engagements pris dans le cadre des ententes sur les impacts et les avantages.